Les protestants (20/03/2006)

medium_Les_protestants.jpgSébastien Fath (Paris, ed. Le Cavalier Bleu, 2003, 128p) 

 

Cet ouvrage de format ‘Que-Sais-Je’ s’inscrit à la charnière entre la recherche et le grand public. Il s’intègre dans une collection très astucieuse, qui prend pour départ les idées reçues sur un sujet donné (ici, le protestantisme), pour comprendre leur raison d’être, déceler la part de vérité souvent cachée derrière leur formulation dogmatique. Mais il s’agit aussi de les tenir à distance respectable pour offrir au lecteur une analyse nuancée, rigoureuse et alimentée aux meilleures sources.

« Plus célèbres que connus »

Tous les Français ont parfois entendu, à la radio ou à la télévision, un journaliste évoquer la position de « l’Église » sur l’avortement, l’euthanasie ou les droits sociaux. Pour la plupart d’entre-nous, une telle formulation passe totalement inaperçue. Pas pour un protestant. Car la formule, qui évoque implicitement l’idée qu’il n’y aurait qu’une « Église », en l’occurrence l’Église catholique, lui rappelle que le pluralisme ecclésial, la diversité des Églises ne sont toujours pas complètement intégrés dans l’imaginaire de certains observateurs de la société d’aujourd’hui Le protestantisme constitue pourtant, avec le catholicisme et l’orthodoxie, une des trois grandes familles du christianisme mondial. Selon les statistiques consultées, il représenterait entre 500 et 700 millions d’individus dans le monde. Mais cette branche du christianisme reste parfois méconnue, en particulier en France où elle est très minoritaire (1,2 million d’individus). La précarité discrète des protestants d’aujourd’hui, jointe à une histoire chaotique et douloureuse, n’est pas pour rien dans les idées reçues qui se sont propagées sur leur compte. Ils portent dans leur longue histoire de minoritaires cette ironie d’être plus célèbres que connus (A-N. Bertrand, 1931).

Pour analyser quelques-unes des principales idées reçues touchant au protestantisme, trois rubriques sont distinguées. Dans le domaine de  l’histoire (premier chapitre), les idées reçues suivantes sont traitées : 'le protestantisme est un anti-catholicisme', 'la Réforme est un produit de la Renaissance', 'Les Églises protestantes sont innombrables', 'Le protestantisme est toujours à réformer', 'L’Edit de Nantes a préparé la laïcité'.  Ce chapitre s’achève par cette dernière idée, suivant laquelle 'L’Europe du Nord est le vrai berceau du protestantisme'. Cette idée, fondée sur l’histoire et la géopolitique de l’Europe moderne avant et après la Guerre de Trente ans, est largement à relativiser au début du XXIe siècle : les travaux des vingt dernières années en histoire, sociologie et anthropologie des protestantismes nous montrent bien que le portrait robot du protestant, aujourd’hui, n’est plus un homme de type européen, blond et de classe moyenne, mais une femme pauvre et basanée d’une mégapole du Sud.

'Les protestants sont austères', etc.

Le second chapitre examine diverses idées reçues relatives à la religion protestante proprement dite : 'chaque protestant est pape', 'le protestantisme est rationnel', 'les protestants sont sceptiques', 'Les protestants détestent le salut par les œuvres', 'Le protestantisme est centré sur la Bible' et 'Les protestants ne croient pas en Marie'. Enfin, on aborde dans le dernier chapitre les rapports entre protestantisme et culture, au travers des entrées suivantes : 'les protestants sont austères',  'le protestantisme a promu la lecture', 'les protestants sont des capitalistes', 'Les protestants sont des iconoclastes', 'les protestants sont puritains', 'la HSP (Haute Société Protestante) est le ciment de la République', 'Le protestantisme a émancipé les femmes'.

Destiné d’abord au public français, ce survol accorde du coup une place de choix au protestantisme hexagonal. Mais il veille à ne pas oublier d’autres réalités protestantes, notamment nord-américaines: si Karl Barth est cité, Billy Graham l’est aussi. On voyage des alcôves de l’Affaire Clinton-Lewinski aux Etats-Unis jusqu’au culte protestant francophone du Caire (Egypte). Ce volume cherche aussi à tenir compte de la variété empirique du protestantisme, sans se limiter au modèle déposé du Huguenot français en robe noire. On trouvera dans ce livre une attention particulière portée à l’apport des femmes, souvent citées (Régina Müller, Germaine de Staël, Suzanne de Dietrich, France Quéré, Ella Maillart…). Enfin, le lecteur constatera qu’il a sous les yeux un ouvrage sur le protestantisme qui ne fait pas l’impasse ni sur l’humour, ni sur les textes bibliques à partir desquels la piété protestante s’est construite.

On pourrait naturellement rajouter beaucoup d’éléments à ce livre de format Poche, mais ce serait dépasser les 128 pages réglementaires ! Un glossaire, une bibliographie et quelques textes sources encadrés complètent cet ensemble, destiné à éclairer le lecteur sur les origines, l’intérêt et les limites de ses représentations. Pour dépasser les quelques clichés que l’on véhicule sur les protestants, ce livre est là pour donner un coup de pouce.

 

Recension par David Roure (Esprit et Vie)

Recension par Nicole Métral 


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