France : les fondamentaux sont bons (25/04/2007)

medium_images.44.jpgQuand on voyage à l’étranger, ce qui a été récemment mon cas, on ne peut que constater combien la France paraît en panne, vue de l’extérieur. Depuis les Etats-Unis où j’étais encore il y a dix jours, on plaint la faible croissance française. Depuis la Hollande, pays de quasi plein emploi où je viens de passer quelques jours en famille, on plaint le chômage hexagonal. Et on pourrait ralonger la liste.

Il ne faut pourtant pas céder à la sinistrose.

France malade? Oui, c'est clair. Mais pas en phase terminale. Le diagnostic vital est bon (1), et le premier tour des élections présidentielles le confirme. Trois excellentes nouvelles ressortent de ce scrutin.

1/ La première, et celle qui me réjouit le plus, est l’excellent taux de participation. Il faut remonter aux présidentielles de 1965 pour un niveau comparable. Cela signifie d’abord que les électeurs qui ne votaient plus se sont remis à voter. Cela veut dire ensuite que beaucoup de nouveaux électeurs (notamment « les jeunes », et les banlieusards des ‘cités’ structurellement abstentionnistes) se sont mobilisés, entre autre pour faire barrage au Front National, mais aussi pour participer au renouvellement d’une classe politique française qui en a grand besoin.

Que plus de quatre électeurs français sur cinq aient voté est une grande victoire de la démocratie, et un gage pour l’avenir de notre pays. Puissent nos dirigeants répondre à ce désir de démocratie, sans confisquer la volonté populaire par des manoeuvres d’appareil (2) ou des manipulations de l’opinion (3).


2/ La seconde, liée à la première, est la bonne qualité des débats qui ont entouré l’élection. Ne nous y trompons pas: même si nous critiquons volontiers nos politiques pour leur langue de bois, il y a eu tout au long de la campagne de vrais débats, en dépit de quelques angles morts (l’Europe surtout). Je lisais avant-hier, dans un quotidien belge, un lecteur exhorter les politiciens de son pays à prendre exemple sur ceux de France, citant en modèle la qualité des discours prononcés.

Esprit cocardier mis à part, je suis enclin à trouver qu’en effet, le niveau général du débat a plutôt été bon, meilleur qu’en 2002, ce qui augure bien de la capacité de rebond à venir de la France, une fois débarrassée de la médiocrité des années Chirac.

3/ La troisième bonne nouvelle est évidemment le recul spectaculaire du Front National, et d’une manière générale, des extrêmes (partis gauchistes marginalisés). L’électorat s’est souvenu des leçons du 22 avril 2002, et a cherché à voter pour les candidats les plus crédibles et les plus raisonnables.

Parmi ceux-ci, deux se sont nettement détachés, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Les performances de ces deux candidats sont toutes deux remarquables, avec un bel accessit pour François Bayrou. Le premier pulvérise les scores de Jacques Chirac, la seconde pulvérise les scores de Lionel Jospin.


medium_images-1.16.jpgJe terminerai en pointant que de ces deux grandes performances, la plus spectaculaire, au regard de l’histoire, n’est pas celle de Nicolas Sarkozy, même s’il surclasse ô combien Jacques Chirac avec plus de 31% des voix au premier tour, mais celle de Ségolène Royal. Sur la base d’une lecture originale et pertinente des grands déséquilibres de la société française (voir ma note du 31 octobre 2006), elle a réalisé avec ses 25,83% un véritable exploit, car au contraire de Nicolas Sarkozy qui a bénéficié du soutien quasi total de l’UMP, elle s’est battue parfois contre son propre parti, et le plus souvent, à côté de son parti, plus qu’ ‘avec’ son parti.

Ringardisé et en crise profonde, le PS a plus été un boulet qu’une force pour Ségolène Royal. Or dans une élection présidentielle, l’absence d’un soutien fort d’un grand parti politique est un handicap presqu’insurmontable. Le beau score de Ségolène Royal au Premier tour des présidentielles 2007 n’en est que plus remarquable.

Malgré l’amateurisme de sa campagne (affiche et slogan –«France présidente»- ratés), malgré la contamination de son programme par l’influence affadissante d’un PS toujours tenté par l'Etat jacobin-père Noël, malgré les cabales qui font le lot des campagnes (rumeurs déplacées sur son caractère, trahison pitoyable d’Eric Besson), Ségolène Royal a marqué l’histoire en devenant non seulement la première femme à avoir la chance de l’emporter en France à une élection présidentielle, mais aussi la première personnalité du XXIe siècle à incarner un vrai renouvellement pour un Parti Socialiste français en crise profonde.

medium_images-2.14.jpgReste à savoir si elle transformera l’essai le 6 mai 2007. Elle est en position d’outsider. Nicolas Sarkozy est un des plus brillant politicien que la Droite française ait produit ces 40 dernières années, sans doute le plus coriace adversaire, pour un candidat de gauche, depuis Georges Pompidou en 1969. Il a les plus fortes chances de l’emporter, tant il a su bien rassembler son camp, son parti, et ses appuis médiatico-financiers.

Aussi charismatique et travailleur acharné que Ségolène Royal (ce qui n'est pas peu dire), à la fois homme de dossiers et orateur remarquable, il est parvenu au tour de force d'un score de plus de 30% au premier round présidentiel. Ce score, il l'a gagné par une solide campagne de Droite à la fois dure et pragmatique, en ratissant largement sur les terres de Le Pen au prix d'une adaptation habile de plusieurs thématiques frontistes à sa rhétorique sécuritaire et nationaliste.

Mais je suis de ceux qui pensent que les jeux ne sont pas faits. Je persiste et signe, et confirme ce que j'écrivais déjà le 31 octobre 2006: "Ségolène Royal, à 53 ans, dispose d’atouts susceptibles de la conduire jusqu’au bout: l’Elysée"

Dans tous les cas, si l’enjeu du second tour est considérable (car ce sont deux projets différents qui sont présentés), l’issue ne déterminera pas tout. Car au-delà de la personnalité et du programme qui gagnera la faveur des Français, les trois bonnes nouvelles du Premier tour des présidentielles 2007 (participation au zénith, bons débats, recul des extrêmes) ouvrent au pays, quel que soit le résultat du 6 mai 2007, les prémisses d’un renouvellement que les Français attendent ardemment.

(1)  Signe qui ne trompe pas, notre natalité n’est-elle pas la meilleure d’Europe?

(2)  Du type du mini-traité européen que Nicolas Sarkozy veut faire voter par le parlement, «dans le dos» des Français...

(3)  Du type du CRAN, boosté dès sa naissance en première page des journaux alors qu’il représentait si peu

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