Politisation des chrétiens aux États-Unis : à gauche aussi ? (20/05/2006)

Depuis trente ans, on n’entend plus qu’eux, ou presque. Quand on pense aux rapports politique-religion aux Etats-Unis, la nouvelle droite chrétienne paraît omniprésente. Depuis que les télévangélistes Jerry Falwell et Pat Robertson ont mobilisé leurs troupes à la fin des années 1970, les chrétiens actifs qui ne partagent pas l’agenda conservateur des apôtres de la soi-disant «majorité morale» semblent réduits au silence, ou à l’impuissance. La tendance est-elle en train de changer ?


Ce n’est pas impossible, même s’il est bien trop tôt pour l’affirmer.


Une enquête du Washington Post, publiée aujourd’hui (20 mai 2006) signale l’exaspération croissante de nombreux chrétiens américains. Titrée «Les chrétiens progressistes gagnent en visibilité», elle est proposée par Caryle Murphy et Alan Cooperman, qui signent-là un beau travail d’investigation, à rebours des sentiers battus.
Ils décrivent une nébuleuse de chrétiens, solidement implantés dans les Églises mainline (pluralistes), mais ancrés aussi dans une minorité d’évangéliques, parmi lesquels on retrouve les Sojourners de Jim Wallis, certains baptistes comme Jimmy Carter, et des traditions non-conformistes comme celle des mennonites. En un mot, ces chrétiens américains en ont marre de l’agenda politique conservateur défendu par la droite chrétienne, obsédée par les questions de l’avortement et de la famille au risque d’oublier le reste, à commencer par l’injustice sociale et le défi de la paix.

Janel Bakker, 28 ans, membre d’une assemblée mennonite évangélique sur Capitol Hill, à Washington, explique : «la droite chrétienne a considéré que le capitalisme est le seul chemin et que c’est le moyen le plus moral d’organiser la société. Des jeunes remettent en question cela». Quant à Jack Pannell, porte-parole des Sojourners, il proclame : «trop c’est trop» : «les évangéliques ne sont pas tous des blancs installés dans les banlieues (de classe moyenne) et braqués sur la question du mariage homosexuel».


Du coup, ces chrétiens donnent de la voix, commencent à s’organiser. Un réseau progressiste religieux (Network of Spiritual Progressives) s’est ainsi constitué, et tiendra une conférence de quatre jours la semaine prochaine, dans une Église épiscopalienne de Washington.


Sont-ils influents ? Ce n’est pas certain. Pèsent-ils autant que la droite chrétienne ? Certainement pas. Mais cette nouvelle visibilité d’une gauche chrétienne aux Etats-Unis constitue une reconfiguration récente à suivre de près. Depuis la lutte des Droits Civiques, cette voix s’était estompée sur la scène publique états-unienne. Au crépuscule de l’ère Bush Jr, la voici de retour, et même mezzo vocce, elle doit nous faire dresser l’oreille.

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