Les chiens d'attaque du christianisme (23/08/2007)

c5ad8113c42e7c17cac905f521ae9661.jpgLa rubrique fait divers nous le rappelle régulièrement: les chiens d'attaque, cela peut faire très mal. Ce qui est vrai dans l'univers naturel et physique vaut aussi dans l'univers métaphorique.

Des "chiens d'attaque" au service d'intérêts divers, y compris religieux, cela peut faire du dégat, même avec une simple plume, ou un clavier informatique.

En tant que chercheur, je suis bien placé pour observer, à partir du terrain que j'étudie, l'efficacité redoutable de ces "chiens d'attaque". Dans l'univers protestant évangélique, on trouve de tout en terme de relations avec les autres.

Indifférence, oecuménisme, compétition cordiale, méfiance, débat, barricades.... mais aussi, parfois, attaques virulentes en règle, y compris à l'égard de figures respectées comme l'évangéliste Billy Graham (régulièrement qualifié d'apostat, d'esclave de Rome, de loup déguisé en brebis, de franc-maçon hypocrite, sur certains sites ultra-fondamentalistes).

C'est à ce sujet délicat qu'a été consacré une analyse publiée cet été par l'éminent mensuel évangélique américain, Christianity Today. Evoquant les "chiens d'attaque" de la chrétienté, l'auteur, David Aikman, s'interroge: "est-ce ainsi qu'il faut apporter grâce et saveur à une civilisation déclinante?" 

b0d194a91f5fad0d5856d9835cbfe387.jpgL'auteur commence par souligner l'ampleur des invectives et des attaques venimeuses qu'a dû subir un auteur athée à succès, Sam Harris. Des attaques extrêmes qui n'ont fait que conforter ce dernier dans l'idée que les chrétiens sont des fanatiques et qu'il faut tourner la page du christianisme.

Il poursuit en observant que ces agressions verbales, de la part de polémistes évangéliques auto-proclamés défenseurs de la foi, ne s'en prennent pas seulement aux opposants du christianisme, mais aussi à d'autres chrétiens dont ils désapprouvent les positions. 

Sa conclusion laisse percer une inquiétude. Soulignant que la courtoisie (civility) est menacée de partout, où va-t-on, dit-il, si les chrétiens s'en prennent les uns aux autres dans des termes comparables à la vulgarité de certains débats sur la TV cablée? Oui aux désaccords, non à l'invective, telle pourrait être la conclusion d'Aikman.

 Trois remarques 

Du point de vue socio-historique, cet article m'inspire trois remarques.

1/ que Christianity Today s'empare frontalement du problème confirme le fait que ces habitudes de controverse féroce, ces comportements de "chien d'attaque", ne sont pas rares aux Etats-Unis, comme nous le rappellent régulièrement les déclarations à l'emporte-pièce de l'ultra-conservateur Pat Robertson, suggérant tantôt l'assassinat d'Hugo Chavez, tantôt la punition de Dieu sur Ariel Sharon.

2/ cet article confirme aussi qu'il y a débat interne. Beaucoup d'évangéliques (dont la "ligne" défendue par Christianity Today) désapprouvent la controverse agressive. Mais d'autres, persuadés de leur bon droit, continuent mordicus à la pratiquer via leur presse ou via internet, suscitant d'âpres débats inter-évangéliques.

3/ ces réflexions illustrent aussi la prise de conscience croissante par les évangéliques, aux Etats-Unis, qu'ils sont minoritaires (bien que puissants), très observés, et qu'ils ne sauraient se permettre des postures agressives et caricaturales sous peine de se décrédibiliser totalement.

A partir de ces pistes, il serait intéressant de voir comment les choses se passent sur la terrain protestant évangélique français (presse confessionnelle, radios, sites internet évangéliques). 

 

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