France: l'indignation à géométrie variable (15/02/2011)

arton2754-89802.jpgDernier épisode en date de l’affaire Florence Cassez, qui passionne les médias: mécontent du  traitement démagogique dont fait l'objet cette affaire de la part de nos politiques (droite comme gauche) et nos médias, le Mexique vient d’avoir l’outrecuidance d’annuler l’année du Mexique en France, privant notre glorieux pays de le faire éventuellement lui-même.

Honte au Mexique, et gloooire à la France, patrie de Jeanne d'Arc et des Droits de l’Homme!?

Cette touchante histoire, qui mobilise davantage les médias français depuis quelques jours que le problème du chômage des jeunes ou la «Révolution arabe» en cours du Maghreb au Mashrek, illustre un des paradoxes français: l’indignation à géométrie variable.

D’un côté, l’opinion publique et les médias pressent pour des peines plus dures vis-à-vis des violeurs et des kidnappeurs, particulièrement lorsque des enfants sont en jeu (cf. affaire Laeticia).

De l’autre, lorsque ces horreurs se passent à l’étranger, et que les présumé(e)s coupables ont l’avantage d’être jeunes, jolies, médiatiques, et surtout de nationalité française, le discours tend à s'inverser subitement: la «victime» ne saurait être que la belle Française, même si cette dernière a été condamnée à une voire deux reprises.

 

france,arrogance française,mexique,florence cassez,nationalisme méthodologiqueUn large faisceau d’éléments laisse à penser que l’affaire Florence Cassez s’inscrit dans cette problématique d'un "nationalisme méthodologique" pour le moins étrange. La ch'ti française a certes été balottée par une justice mexicaine imparfaite (pas comme la nôtre, hein!). La mise en scène a posteriori de son arrestation, filmée pour les besoins des médias, est certes condamnable. Le refus de la cassation peut aussi être discuté. Enfin, bien qu'arrêtée en compagnie du chef de gang Vallarta, Florence Cassez nie les faits (mais n'est-ce pas la posture classique de beaucoup de condamnés?).

 

Témoignage accablant

Mais si l’on veut bien s’arrêter au fond de cette affaire, et cesser d'écouter sans vérifier les déclamations péremptoires répétées en boucles sur tant de médias français, des témoignages accablants convergent pour identifier Florence Cassez, maîtresse et comparse avérée d’un criminel hautement dangereux (Israël Vallarta), comme (au minimum) complice active d’enlèvement associé à des actes de barbarie.

 

france,arrogance française,mexique,florence cassez,nationalisme méthodologiqueOn lira en particulier cette lettre de Cristina Rios Valladeres, malheureuse victime du gang Vallarta, où elle explique comment celle qu'elle a identifié comme Florence Cassez prélevait du sang d’un enfant terrorisé de 10 ans (déposé sur une oreille coupée) pour accélérer le versement de la rançon.

Mais voilà, Cristina Rios Valladeres, violée et torturée par le clan Vallarta durant 52 jours, n'est pas citoyenne française. Et nullement "bankable" par nos médias ou nos politiques bleu-blanc-rouge (avec Aubry sur la même ligne que Sarkozy).

Pourtant, le coeur de l'affaire est là, au-delà des irrégularités (il y en a!) et vices de forme, il est là et seulement là: dans le témoignage accablant, précis, répété, d'une protagoniste directe et de son enfant de dix ans.

 

Que des zones d’ombre subsistent, certes. Que la France suive cette affaire, certes. Que la peine soit jugée trop lourde, pourquoi pas. Que cette histoire soit une tragédie pour les proches de Florence Cassez, certes encore, et on comprend leur douleur.

 

41Z66RR05KL._SL160_.jpgMais qu’un emballement médiatique aussi disproportionné accable le Mexique et béatifie une compatriote reconnue comme criminelle par la justice mexicaine ne fait hélas que confirmer une triste réputation des Français: un peuple souvent  arrogant, nombriliste, condescendant à l’égard d’ex-colonies, qui voit midi à sa porte, confond la forme et le fond et passe à côté de l’essentiel.

Huit ans après la publication, par deux journalistes du magazine Le Point, d'un livre intitulé L'arrogance française, le constat d'un peuple enclin à donner des leçons et spécialisé dans l'indignation à géométrie variable vaudrait-il donc toujours?

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