"Esprit de sérieux" et "mauvaise foi": le regard de Jean-Paul Sartre (30/08/2013)

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Pour éclairer autrement le débat, infini, entre humour et foi, un petit rappel sartrien peut valoir le détour.

Dans l'Etre et le néant, le philosophe français Jean-Paul SARTRE (partiellement d'origine protestante) élabore une conceptualisation stimulante de ce qu'il appelle "l'esprit de sérieux", couplé à la "mauvaise foi". 

 

De quoi s'agit-il ? 

 Pour Sartre, l'esprit de sérieux serait attaché au religieux dogmatique, qui décrète que les valeurs morales préexistent à l'homme. Equivalent de la mauvaise foi dans le champ moral, l'esprit de sérieux serait le contraire de la liberté existentielle que l'être-humain doit conquérir en bâtissant ses propres valeurs. 

 

humour,protestantisme,l'être et le néant,jean-paul sartre,satire,esprit de sérieux,mauvaise foi,foi,religion,paul ohlott"Faire renoncer à l'esprit de sérieux"

Son objectif est dès lors de "nous faire renoncer à l'esprit de sérieux (...) et de faire découvrir à l'agent moral qu'il est l'être par qui les valeurs existent" (Jean-Paul Sartre, L'être et le néant, essai d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p. 690-91).

Cette perspective est naturellement inacceptable en l'état pour des chrétiens, qui partagent la conviction que les valeurs viennent avant tout de Dieu, pas de "l'agent moral" qu'est l'être-humain. Mais à y regarder de plus près, on peut se demander si une version transposée de l'optique sartrienne n'est pas à l'oeuvre dans certaines joutes et controverses armées d'humour et de satire. 

Un des éléments récurrents de la rhétorique d'un Paul Ohlott, par exemple, est de contester les "religieux", s'inscrivant d'ailleurs dans une longue tradition que d'aucuns feraient même remonter à un certain Yeshuah, plus critique à l'encontre des religieux de son temps (pharisiens et scribes) que des pécheurs marginaux (prostituées, collecteurs d'impôts). 

 Et si ce recours à l'humour était une forme de mise en cause d'un "esprit de sérieux" religieux, doctrinaire, prompt à juger, au nom d'une conception plus charismatique de la liberté chrétienne? 

 

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En dépit de tout ce qui sépare les univers, on n'est pas si loin de l'analyse de Sartre. A cette (forte) nuance près: Sartre circonscrivait les choses à une alternative entre "religion" (mauvaise) et "liberté" (réduite à l'individu horizontal).

D'autres viendront étoffer l'alternative entre religion et liberté humaine, en ajoutant la foi (pas forcément "mauvaise") et la "vie par l'Esprit".... qui "souffle où il veut". 

En d'autres termes: selon cette perspective, on pourrait combattre "l'esprit de sérieux" qui croit tout savoir, sans pour autant abandonner Dieu. La clef: une conception non-religieuse de la foi.

 

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