Programme ultra-modernité : deux dernières réunions pour 2005-2006 (16/06/2006)

Le programme « Religions et religiosités minoritaires en ultra-modernité » développé dans notre laboratoire GSRL a terminé l’année 2005-2006 par deux réunions, les 4 mai et 12 juin 2006. Animées par Françoise Lautman, Régis Dericquebourg et Patricia Birman (trois chercheur(e)s rattaché(e)s au GSRL), ces deux réunions ont chacune été suivies par une grosse douzaine de participants qui ont contribué, par leurs questions, à faire avancer la réflexion.

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De g. à dr. :

Françoise Lautman, Régis Dericquebourg, Patricia Birman

 

Le 4 mai, nous avons écouté Françoise Lautman sur l’évolution des structures des relations œcuméniques entre catholiques et réformés de France. A partir de trois périodes de référence (1970, 1980-82, 2002-04) et de différents terrains d’observation dans l’hexagone qui permettent de pointer les évolutions sur plus de trente ans, Françoise Lautman a brossé un tableau passionnant des reconfigurations œcuméniques, entre acquis et essoufflement (difficulté à renouveler les générations). Si les identités reviennent à la mode, l’œcuménisme n’en reste pas moins solidement ancré dans les réflexes des paroisses, ce qui traduit bien un trait de l’ultra-modernité, à savoir la relativisation des grands récits (y compris des grands récits confessionnels) au profit de la recherche et de la rencontre. De pionnier, prophétique et parfois risqué/clandestin qu’il était au début des années 1970, l’œcuménisme s’inscrit aujourd’hui dans le mode de fonctionnement normal et routinier de la plupart des paroisses. L'oecuménisme local a fortement monté entre 1970 et 1982, puis la montée s'est poursuivie mais plus ralentie jusqu'en 2004. La variété des situations souligne en creux un autre trait ultramoderne : les institutions ne contrôlent plus guère l’œcuménisme par le haut (si tant est qu’elles l’aient jamais contrôlé à 100%).

Quittant les réformés et les catholiques pour les cultes de guérison, Régis Dericquebourg a proposé le 12 juin un exposé sur «religions de guérison : résurgence d’un archaïsme dans la modernité ou élément de la modernité/hypermodernité». Il a montré qu’en dépit des apparences, les religions de guérison (comme l’Antoinisme, la Science Chrétienne) développent de nombreuses différences avec les tradithérapies. Deux exemples: tandis que dans les sociétés traditionnelles, le solliciteur est en quête d’un bénéfice immédiat, dans une Église de guérison, le fidèle insère sa demande dans une quête de salut. Les thérapeutes traditionnels insèrent par ailleurs le malade dans sa communauté, le groupe naturel, tandis que les religions de guérison s’adressent d’abord à l’individu, sur la base d’un colloque interpersonnel. Que les religions de guérison se soient développées en même temps que la médecine moderne (à partir du XIXe siècle) constitue sans doute un autre indice de leur proximité culturelle avec la modernité et ses avatars tardifs.

Enfin, Patricia Birman a développé une réflexion sur «Magie, sécularisme et prospérité : les conséquences pentecôtistes du protagonisme divin au Brésil». Par «protagonisme divin», elle pointe le fait que depuis une vingtaine d’années, Jésus est devenu un acteur politique sur la scène publique brésilienne, auparavant marquée par un fondement séculier. Le syncrétisme catholique longtemps hégémonique au Brésil n’avait pas empêché un espace public séculier. La sphère du magique avait sa propre légitimité, mais subalterne, à l’écart des débats publics. Avec les formes nouvelles du pentecôtisme, on assiste à un élargissement de l’horizon d’action magico-religieux, avec une volonté affichée d’investir la sphère publique. Cette pentecôtisation de l’espace public (le Brésil compterait 20% de pentecôtistes) constitue une donnée nouvelle, qu’on ne saurait réduire à une pathologie prémoderne, arriérée : elle participe d’une redéfinition des rapports entre le politique et le religieux, dans le cadre duquel des populations auparavant muettes accèdent à une prise de parole publique totalisante.

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