La triple faute de Benoît XVI (20/09/2006)

medium_images.12.jpgSuite au 11 septembre 2001, quand deux télévangélistes protestants fondamentalistes américains (Pat Robertson et Jerry Falwell) ont assimilé le prophète Mahomet à un terroriste ou un homme habité par le mal, tous les journalistes de France et de Navarre ont poussé des hauts cris, et à juste titre.

On est loin des mêmes réactions aujourd’hui après les propos de Benoît XVI sur l’islam, tenus le 12 septembre dernier.

La plupart des organes de presse de France font au contraire preuve d’une grande mansuétude, et donnent largement la parole aux défenseurs du pape. Il faut dire que Benoît XVI est infiniment plus subtil, plus nuancé, plus digne mais aussi plus cultivé, que les deux télévangélistes en question.

 

Ceci explique en partie la réaction très mesurée de la presse française. Un autre élément d’explication tient sans doute dans l’arrière-plan catholique de notre pays, qui rend parfois plus indulgent si c’est un pape, plutôt qu’un pasteur américain, qui dérape... Il reste que sur le fond, je ne suis pas sûr que Benoît XVI et certains télévangélistes diffèrent tant que cela sur l’islam, et ceci pose problème.

 

medium_images-3.2.jpgJ’ai lu hier dans Le Monde que le cardinal Jean-Marie Lustiger décrit l’attitude de ceux qui critiquent les propos de Benoît XVI d’"avilissante". Ah bon?

On a connu frère Jean-Marie plus inspiré et plus lucide… Je lui répondrai que ce sont les «béni-oui-oui» qui s’avilissent, et que Dieu merci, nous vivons aujourd’hui à une époque où l’esprit critique et la raison permettent de se faire son opinion. Après lecture du discours intégral de Benoît XVI, la mienne est faite, la voici.

 

1. La citation de Manuel II Paléologue dont toute la presse a parlé est effectivement très offensante, et injuste, à l’encontre de l’Islam.

A aucun moment dans le discours, Benoît XVI ne critique directement cette citation, qu’il décrit seulement comme abrupte.

Abrupte ? Elle est bien plus que cela. Citer sans le désavouer clairement un auteur qui considère que l’islam est inhumain et n’a rien apporté, c’est se tromper sur toute la ligne et insulter les musulmans, dont je comprends la colère, dès lors qu’elle reste pacifique...

 

2. Seconde faute du pape catholique, c’est d’oser prétendre que la fameuse citation ne reflète en rien sa pensée.

De qui se moque-t-il? A l’âge d’internet et du numérique, chacun peut avoir le loisir de lire le discours intégral, et de se rendre compte que Benoît XVI cultive avec Manuel II Paléologue une critique assez proche de la violence musulmane.

Son discours est certes beaucoup plus large que cela, et traite avant tout de la dialectique raison-foi. Mais que son discours soit plus large ne signifie pas que l’offense qu’il contient soit anecdotique.

En réalité, Benoît XVI adresse bel et bien une critique subtile mais de fond à l’islam, dans son rapport à la raison et à la contrainte. Il partage au moins en partie les pensées de Manuel II Paléologue, ce qu'il devrait avoir le courage de reconnaître au lieu de s'enferrer dans des dénégations dérisoires.

 

3. Troisième faute de Benoît XVI, celle d’avoir procédé à un immense gâchis.

Car le pape des catholiques n’a pas tort de traiter de front la question violence-religion-raison. Il n’a pas tort d’inviter les musulmans à une réflexion sans fard sur le sujet, en des temps où le terrorisme islamiste fait, hélas, l’actualité tous les jours.

Le problème, c’est qu’en pointant presqu’exclusivement l’islam, et en oubliant les croisades chrétiennes, l’inquisition, les persécutions contre les hérétiques, le soutien enthousiaste du clergé catholique à Franco (jusqu’à la mort du dictateur, en 1975), en oubliant le Ku Klux Klan, longtemps soutenu par nombre de protestants blancs du Sud des Etats-Unis, il manque à l’élémentaire courtoisie évangélique que Jésus-Christ appelait ses disciples à respecter : avant de voir la paille, même grosse, dans l’œil du voisin, s’examiner soi-même

Du coup, il donne un alibi commode à ceux qu’il vise dans son discours. Au lieu d’inviter à une réflexion commune sur les rapports violence-religion dans chaque grand monothéisme, il permet aux extrémismes de crier au loup, évitant du coup toute réflexion de fond.



medium_images-2.3.jpgJe termine en adressant un autre carton rouge à Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris.

Sa réaction (comme dans  d’autres cas similaires) est à côté de la plaque.

Répéter que l’islam est une religion de paix n’a pas de sens. Aucune religion n’est exclusivement une religion de paix, même pas le christianisme, quoique semble penser Benoît XVI (si l’on veut bien prendre au sérieux, en tout cas, divers propos du Christ, sans parler de l’histoire chrétienne, autant hérissée d’épées que de roses).

Il serait grand temps d’arrêter ces idioties à la mode dans les salons rive gauche qui prétendent que la «vraie» religion, le «vrai» islam, serait la paix et l’amour. En toute religion, et notamment dans l’islam, il y a une part de violence.

 

Il faut arrêter de se voiler la face, et accepter de réfléchir à la manière dont chaque tradition religieuse traite le problème. La dernière des choses à faire est de nier cette présence de la violence au côté du sacré.

 

De ce point de vue, la réflexion initiée par Benoît XVI est salutaire, mais quel dommage de l’avoir gâchée par une aussi grosse bévue…

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