Diversité ethnique et Alain Finkielkraut (suite) (23/02/2007)

medium_Finkie.jpgLes candidats à la présidentielle ont répondu aujourd'hui au Conseil représentatif des associations noires (CRAN) au sujet de la question du recensement de la diversité ethnique. Résultat: ça bouge! On semble enfin prêt (avec plus ou moins d'enthousiasme) à connaître la réalité empirique d'une population-mosaïque afin de mieux pouvoir lutter contre les discriminations.

Cette évolution que je salue (tout en étant vigilant sur les modalités d'exploitation des futures données) est pour moi l'occasion de revenir sur Alain Finkielkraut, que j'avais épinglé il y a quelques mois dans une note pour ses propos très tendancieux sur les noirs.  

Je conserve un malaise devant certaines déclarations de cet intellectuel-condisciple (il est sorti comme moi de l'ENS Lettres-Sciences Humaines). Alain Finkielkraut avait bel et bien dérapé lors de son fameux interview à Haaretz de l'automne 2005, que ce soit dans son interprétation des émeutes ou sa catégorisation des "noirs et des arabes", et il eut été juste qu'il le reconnaisse et s'excuse plus clairement pour les formules choquantes qu'il a employées ici ou là dans cet entretien.

Mais l'honnêteté intellectuelle, et mes discussions toujours intéressantes avec Danielle Breseghello du GSRL (que je remercie ici pour son amicale invitation à revoir le cas Finkielkraut) m'invitent après réexamen à lui accorder un large bénéfice du doute, et à affirmer haut et fort que si Finkielkraut s'est laissé emporter, si son approche est parfois réductionniste, inutilement agressive et bien caricaturale (comme pour mieux répondre à d'autres caricatures?), il n'a pour autant rien de raciste ni de communautariste. Cet intellectuel républicain méritait d’être confronté pour ses dérapages verbaux, mais il ne mérite pas le demi lynchage médiatique auquel il a été soumis, d’autant plus qu’à l’inverse d’un George Frêche, il n’a pas les responsabilités d’un élu de la République.

On m'a signalé un interview donné le mois dernier par Alain Finkielkraut au site Grioo.com, très visité par les afro-antillais (merci à David Dupré pour l'info). Je vous invite vivement à le visionner (cliquer sur les trois vidéos en bas de la page de Grioo.com). 

Accablé par quatre procès sur le dos (quatre procès de trop, bien dans la veine du climat de flicage de la pensée en vogue depuis quelques temps dans notre pays), Alain Finkielkraut s'explique de manière convainquante. Il lève les équivoques qui pouvaient peser sur sa pensée, et restaure, me semble-t-il, les conditions d'un dialogue apaisé avec les afro-antillais pour lesquels Finkielkraut a autant de respect que pour les juifs ou tout autre groupe de citoyens.

L'entretien est fort intéressant, il revient sur les principales blessures provoquées par l'interview de Haaretz, et dissipe bien des malaises en allant au-delà des formules. Il est facile d'aller trop loin quand on a le sens des formules choc (je ne suis moi-même pas à l'abri de cette pente, et je suis prêt à reconnaître que le titre de ma note du 28 juin 2006, voulu comme un pied de nez humoristique, n'était pas de bon goût). D'où la nécessité démocratique de toujours permettre aux intéressés de s'expliquer, d'aller au fond des choses, ce que le journaliste de Grioo.com fait avec intelligence, permettant à Alain Finkielkraut de redresser les choses. Un seul regret peut-être, qu'un mot d'excuse n'ait pas été prononcé à propos de la fameuse phrase sur l'équipe "black-black-black qui fait rire toute l'Europe".

On est toujours le juif de quelqu'un ou le noir de quelqu'un. Puissent les crispations communautaires trouver leur dépassement dans le dialogue, l'écoute attentive (LIRE à la source et pas seulement les résumés tronqués) et un travail républicain sur les situations réelles (d'où l'importance de données empiriques sur la diversité de la population). 

 

 

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