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Diversité ethnique et Alain Finkielkraut (suite)

medium_Finkie.jpgLes candidats à la présidentielle ont répondu aujourd'hui au Conseil représentatif des associations noires (CRAN) au sujet de la question du recensement de la diversité ethnique. Résultat: ça bouge! On semble enfin prêt (avec plus ou moins d'enthousiasme) à connaître la réalité empirique d'une population-mosaïque afin de mieux pouvoir lutter contre les discriminations.

Cette évolution que je salue (tout en étant vigilant sur les modalités d'exploitation des futures données) est pour moi l'occasion de revenir sur Alain Finkielkraut, que j'avais épinglé il y a quelques mois dans une note pour ses propos très tendancieux sur les noirs.  

Je conserve un malaise devant certaines déclarations de cet intellectuel-condisciple (il est sorti comme moi de l'ENS Lettres-Sciences Humaines). Alain Finkielkraut avait bel et bien dérapé lors de son fameux interview à Haaretz de l'automne 2005, que ce soit dans son interprétation des émeutes ou sa catégorisation des "noirs et des arabes", et il eut été juste qu'il le reconnaisse et s'excuse plus clairement pour les formules choquantes qu'il a employées ici ou là dans cet entretien.

Mais l'honnêteté intellectuelle, et mes discussions toujours intéressantes avec Danielle Breseghello du GSRL (que je remercie ici pour son amicale invitation à revoir le cas Finkielkraut) m'invitent après réexamen à lui accorder un large bénéfice du doute, et à affirmer haut et fort que si Finkielkraut s'est laissé emporter, si son approche est parfois réductionniste, inutilement agressive et bien caricaturale (comme pour mieux répondre à d'autres caricatures?), il n'a pour autant rien de raciste ni de communautariste. Cet intellectuel républicain méritait d’être confronté pour ses dérapages verbaux, mais il ne mérite pas le demi lynchage médiatique auquel il a été soumis, d’autant plus qu’à l’inverse d’un George Frêche, il n’a pas les responsabilités d’un élu de la République.

On m'a signalé un interview donné le mois dernier par Alain Finkielkraut au site Grioo.com, très visité par les afro-antillais (merci à David Dupré pour l'info). Je vous invite vivement à le visionner (cliquer sur les trois vidéos en bas de la page de Grioo.com). 

Accablé par quatre procès sur le dos (quatre procès de trop, bien dans la veine du climat de flicage de la pensée en vogue depuis quelques temps dans notre pays), Alain Finkielkraut s'explique de manière convainquante. Il lève les équivoques qui pouvaient peser sur sa pensée, et restaure, me semble-t-il, les conditions d'un dialogue apaisé avec les afro-antillais pour lesquels Finkielkraut a autant de respect que pour les juifs ou tout autre groupe de citoyens.

L'entretien est fort intéressant, il revient sur les principales blessures provoquées par l'interview de Haaretz, et dissipe bien des malaises en allant au-delà des formules. Il est facile d'aller trop loin quand on a le sens des formules choc (je ne suis moi-même pas à l'abri de cette pente, et je suis prêt à reconnaître que le titre de ma note du 28 juin 2006, voulu comme un pied de nez humoristique, n'était pas de bon goût). D'où la nécessité démocratique de toujours permettre aux intéressés de s'expliquer, d'aller au fond des choses, ce que le journaliste de Grioo.com fait avec intelligence, permettant à Alain Finkielkraut de redresser les choses. Un seul regret peut-être, qu'un mot d'excuse n'ait pas été prononcé à propos de la fameuse phrase sur l'équipe "black-black-black qui fait rire toute l'Europe".

On est toujours le juif de quelqu'un ou le noir de quelqu'un. Puissent les crispations communautaires trouver leur dépassement dans le dialogue, l'écoute attentive (LIRE à la source et pas seulement les résumés tronqués) et un travail républicain sur les situations réelles (d'où l'importance de données empiriques sur la diversité de la population). 

 

 

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Commentaires

  • ouep... on entendrait mieux cette défense si Finkielkraut avait la moindre éthique de la discussion. Son émission hebdomadaire est l'aucasion d'un fisking gratuit de Bourdieu, Mucchielli et de la sociologie en général qu'il présente systématiquement de façon complètement caricaturale. Finkielkraut aime les mots et aime s'écouter parler, parfois au dépend de ceux avec qui ou dont il parle.
    Sur le fond, on comprend à mon sens mieux Finkielkraut si on lie l'ouvrage de Lepennies sur l'histoire de la sociologie, notamment le conflit entre la sociologie et la littérature au principe de la naissance de la discipline (trop souvent oublié et masqué par le conflit entre sociologie et psychologie). Je voulais faire une note là dessus, mais j'ai lu le bouquin de Lepennies il y a longtemps, il me faudrait le reprendre et j'ai pas le temps (NB: je ne parle pas du dernier Lepennies mais de son "classique" dont j'ai perdu le titre... ça doit être un truc comme "la troisième culture, la sociologie entre science et littérature" ou quelquechose comme ça.
    Et pour finir, Finkielkraut me semble tout à fait représentatif de l'excès inverse à celui que vous dénoncer: au contraire du risque de communautarisation par la division interne à la société, une communautarisation de l'identité nationale.

  • Je suis très heureux d'avoir contribué à la documentation de cette note et d'avoir ainsi oeuvré à la "défense" de Finkielkraut. Je ne pense pas qu'on puisse contester son éthique de discussion: Répliques est une émission, presque unique, de conversation de haute volée dans laquelle l'invité a une large place. De son côté, Finkielkraut ne se contente pas de faire passer les plats et fait valoir un point de vue. Contrairement à beaucoup, ils n'invitent pas que des amis.

    Ses autres interventions dans le débat public sont plus délicates la télé et la radio offrent peu d'espace pour exprimer convenable une pensée vivante et passionnée. Sa passion l'emporte, son goût de la formule l'achève parfois...il joue parfois avec trop de complaisance le rôle du mécontemporain.

    Oui, Finkielkraut a un problème de dialogue avec les sociologues. Il oeuvre en philosophe et en moraliste peut-être en littérateur. Partisan de la liberté,il semble assez mal à l'aise avec l'explication sociologique.

    "Communautarisation de l'identité nationale", l'hypothèse est intéressante mais elle ne s'applique à Finkielkraut. Sauf à considérer que la définition de la nation comme communauté ouverte de citoyens mais aussi histoire et langue est communautariste.

    Finkielkraut refuse de définir les citoyens comme des ici-iens (pour reprendre le mot de Jamel Debbouze). Même la nation de Renan est aussi une histoire, un héritage...on ne peut pas raisonnablement appeler cela communautarisation ? Ceci dit, il n'est absolument pas convaincant avec son "caractère ethno-racial" des émeutes de novembre 2005.

  • Je suis satisfait face à cette prise de position. En redonnant à Finkielkraut l'épaisseur qu'il mérite (malgré, certes, les points sur lesquels tout à chacun est en droit d'être en désaccord), vous faites vraiment oeuvre d'intellectuel, au sens propre du terme. Certes, il fustige la sociologie ; elle en a besoin, tant elle est enfermée dans ces certitudes et ses rigidités idéologiques. Je sais de quoi je parle car il m'arrive d'essayer de l'enseigner !
    Cordialement à vous.

  • Je suis toujours désespéré face à ce genre de discours. Il y a des débats très vifs, voir virulents, entre sociologues. Les sociologues passent un temps incroyable à produire des ouvrages critiques et manuels visant à tenter de définir ce qu'est la sociologie et à se taper mutuellement dessus. Je ne suis pas sûr que d'autres sciences produisent une telle critique interne. De fait, si l'on compare les manuels ou les histoires de la sociologie, on est frappé par le fait qu'aucun ne restitue une histoire ou des principes de présentation semblables à ceux des autres. Même si l'on veut présenter la sociologie à partir de débats et de contreverses, il est quasiment impossible de le faire de façon un peu systématique sans que cela ne devienne vite un gigantesque bazar.
    Alors, Finkielkraut est parfois intéressant, je ne le conteste pas... mais certainement pas sur la sociologie, qu'il connaît mal. Franchement, présenter ses réactions souvent complètement caricaturales comme des réactions salutaires face aux certitudes et à l'enfermement idéologique de la sociologie, je trouves ça un peu fort...

  • Je coupe la poire en deux :
    Certes, les sociologues sont des scientifiques. Mais ce que Finkelkraut critique, ce n'est pas la sociologie en elle même. L'affirmer est réducteur et ce n'est pas rendre justice à sa pensée, infinimment plus juteuse. Il dénonce le sociologisme qui, contrairement à ce que croient les sociologues eux-mêmes, imprègne insidieusement les idées et les réflexions de toutes sortes. Il existe une sociologie libre de tout déterminisme idéologique, mais elle se cantone bien trop souvent dans des suputations qui ne dépassent pas le cadre de l'université contrairement aux penseurs-fashion qui inonde les librairies. C'est là que se situe précisemment la critique de Finkelkraut.

  • Ce Monsieur est un intellectuel qui joue avec les mots et qui les place selon son interlocuteur. Proisraélien, il est aveugler par l'idée même de critiquer cet Etat. Victimiste et culpabilisateur, il ne rate aucune occasion de taxer n'importe quel adversaire critiquant les juifs d'antisémitisme. Alors de grâce, n'essayer pas de nous faire prendre vos vessies pour des lanternes en plus sans lumière. Républicain, j'en doute pas, les racistes aussi, ils le sont. Comme beaucoup d'autres intellectuels proisraélien, (c'est leur droit, mais de quel droit, ils nous empêchent de critiquer cet Etat), ils sont aveuglés par le soit disant réalisme sociétale, en incriminant les arabes, les noirs, les musulmans...
    Ce Monsieur est comme les personnages du livre "la tunique d'infamie". Il se cache et il navigue dans l'océan des plus forts : les argentiers, les médiatiques et les politiciens de la place.
    Il hait les pauvres en les placardants dans le soit disant communautarisme, alors que, lui, il n'avigue dedans. Si en France, il y a une seule communauté organisée en système c'est la communauté juive et suivie par la communauté arménienne et tant mieux pour elle (elles ne me gênent pas). Alors ne criez pas toujours aux loups car les victimes ne sont pas toujours ceux qu'on désignent par le petit doigt des médias.

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