Barack Obama et le vote religieux (04/01/2008)

b2ca7cd379c6e7786a9c2fc145c07b6e.jpgComme prévu d'après les derniers sondages, le nouveau Kennedy afro-américain Barack Obama (côté démocrate) et le nouveau «Carter républicain» Mike Huckabee ont raflé la mise lors du Caucus de l'Iowa.

La route est encore longue jusqu’à l’investiture finale, mais le fringant Obama, l’homme du renouveau, et le chevronné Huckabee, l’homme des «bonnes vieilles valeurs», ont marqué un point.

Mais qui sont ces hommes, et surtout, comment se situent-ils par rapport aux électorats religieux? Premier coup de projecteur aujourd’hui sur Barack Obama, qui sera suivi d’ici à début février d’un coup d’œil similaire sur Mike Huckabee.

5df53d79860b2903104015be6ee6ff58.jpgObama, un citadin 'branché' tourné vers la modernité des megachurches

Barack Obama, plus que la plupart des candidats à la présidentielle américaine 2008, a arpenté des estrades de megachurches au cours des années 2006-2007. En a-t-il récolté le fruit dans les primaires de l’Iowa? Probablement.

Les megachurches constituent en effet aujourd’hui une arène incontournable pour qui entend séduire l’électorat religieux, particulièrement côté démocrate, victime depuis dix ans d’un «God-gap» qui le handicape (déficit d’électeurs religieux de leur côté).

Des centaines de milliers de fidèles sont rassemblés dans les Églises géantes américaines, en plein essor actuellement, dans des conditions optimales d’écoute: à l’abri du stress professionnel, fidélisé par une qualité de communication parfois digne des meilleures émissions télévisées (écrans géants, acoustique parfaite, orateurs rompus à la scène etc.), le pratiquant chrétien venu à la megachurch est un fidèle réceptif, et les hommes (ou femmes) politiques l’ont parfaitement compris.

 

15c9ca016a9b1b31fc9923e83dc88900.jpgFlash-back : Obama à Greenville, le 7 octobre 2007

C’est fort de ce constat que le candidat protestant afro-américain Barack Obama, en lutte serrée avec Hillary Clinton pour l’investiture démocrate, a rendu visite un dimanche d’automne 2007 (7 octobre) à une megachurch évangélique afro-américaine de Caroline du Sud, la Redemption World Outreach Center.

Basée à Greenville et dotée d’un sanctuaire principal de 4200 sièges, cette communauté de type charismatique se définit comme «remplie de l’Esprit, caractérisée par un culte dynamique, des miracles surnaturels, et un encadrement pastoral adapté à tous les âges… rejoignant les gens sur tous leurs chemins de vie».
Priorité aux besoins individuels de guérison et d’accompagnement, mais aussi souci de se projeter dans le monde, suggéré dans le titre même de la megachurch: World Outreach, soit «portée mondiale», ou «capacité d’intervention mondiale»…

Le sénateur Obama ne se rendait pas dans cette megachurch en terrain conquis, d’autant plus qu’il n’a lui-même pas le profil d’un protestant évangélique, bien qu’il ait déclaré à plusieurs reprises entretenir «une relation personnelle avec Jésus», dans la plus pure tradition des réveils évangéliques.

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«Le GOP n’est pas propriétaire des questions liées à la foi»

La megachurch évangélique afro-américaine qui l’accueillait était certes assez modérément politisée, plus proche du cocon réparateur que du camp de base pour militants d'une révolution conservatrice, mais elle était loin d’être 100% acquise aux thèses d’Obama.

Elle n’en constituait pas moins une bonne chambre d’écho potentielle, histoire de faire «passer le message» auprès des électeurs chrétiens afro-américains du Sud des Etats-Unis.

De ce point de vue, Obama a très intelligemment atteint son objectif: par son volume (10.000 fidèles présents ce dimanche), la megachurch a fonctionné comme une caisse de résonnance si efficace que CNN, Fox News et nombre de médias nationaux, ont fait le déplacement (images spectaculaires assurées) et relaté, par le menu, le message simple qu’Obama souhaitait faire passer ce jour-là.

Comme le titrait la chaîne CNN sur son site internet, le lendemain de l’intervention d’Obama dans la megachurch de Caroline du Sud: «le GOP (Parti Républicain) n’est pas propriétaire des questions liées à la foi».


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Obama : 20 ans de fréquentation d’une megachurch à Chicago

Qui a conseillé à Obama une telle intrusion dans l’univers des megachurches?

Nombreux sont ceux qui, dans son entourage, l’ont aiguillé dans cette direction, à l’instar des entourages des autres candidats, parfaitement informés du rôle clef désormais joué par les megachurches dans la formation de l’opinion publique états-unienne.

Dans le cas d’Obama s’ajoute un effet de génération: né en 1961, le candidat à l’investiture démocrate incarne une nouvelle modernité, un peu comme le Kennedy de la fin des années 1950.

Il a grandi en même temps que les megachurches, la courbe de sa notoriété accompagnant la croissance asymptotique des Églises géantes.
Il n’y a pas seulement eu parallèlisme des courbes, mais croisement, puisque Barak Obama a participé durant vingt ans, comme membre actif, à la croissance de la Trinity United Church of Christ, une megachurch de 8000 membres basée à Chicago.

15f68f35d6785cfe9c8200fda9fc8106.jpgSon pasteur principal, le charismatique révérend Jeremiah Wright Jr, l’a profondément inspiré par sa théologie sociale et afrocentrique, allant jusqu’à lui souffler le titre de son second livre (et manifeste de candidat à la présidence): l’audace de l’espoir.

 

Obama a tiré de précieux enseignements de cette fréquentation.

Il a d’abord compris qu’une megachurch est un creuset militant performant, source d’un intense activisme sociétal fondé sur une lecture religieuse de la réalité.

Il a ensuite compris qu’une megachurch est une formidable caisse de résonnance qui fonctionne en réseau, et amplifie les discours.

Il a enfin saisi qu’aujourd’hui, l’électorat religieux attend que les candidats franchissent le seuil de ses grands sanctuaires et y passent du temps, comme Obama l’a fait régulièrement, y compris dans la «gigachurch» de Saddleback, conduite par Rick Warren, lors du sommet mondial 2006 sur le SIDA.

91c66e5d3b035c1bc1ad16a9d90a9f72.jpg Longtemps perçu comme un très mauvais profil aux yeux des électeurs religieux, Barack Hussein Obama a fait la preuve de l’efficacité de sa stratégie.

En ciblant particulièrement, depuis trois ans, les megachurches, il est parvenu à faire partager l’idée qu’il «connaît la musique», que Dieu compte pour lui, et qu’en votant pour son nom, un électeur religieux peut avoir l’assurance qu’Obama, bien que «libéral», respectera sa sensibilité.

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Son charisme, et sa réputation de "family man", d'une moralité personnelle supérieure à celle (bien ébréchée) de Jesse Jackson, font le reste.

Cela ne fait pas de lui le chouchou de l’électorat chrétien, mais il n’est plus non-plus un repoussoir, comme le démontre, grandeur nature, le triomphe de l’Iowa.

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