Benoît XVI en France : pas de révélation, mais des confirmations (17/09/2008)

images.jpegLa visite du pape catholique Benoît XVI en France, du 12 au 15 septembre 2008, n’a apporté aucune révélation. Mais elle a fourni quatre confirmations.

Première confirmation : si le catholicisme se meurt, il y a du monde à l’enterrement! Cette expression, que je vole à Robert Chapatte qui l’utilisait au sujet du Tour de France, renvoie dans leurs 22 mètres les opposants laïcards qui ont manifesté contre la venue du pape… Ils étaient 500, mais 260.000 fidèles se sont pressés aux Invalides, le samedi.

Le catholicisme est beaucoup plus vivant, en France, que certains le croient! Et ses laïcs, étudiés par Céline Béraud, renouvellent beaucoup de choses en paroisse.

 

Seconde confirmation : le catholicisme perd du ‘gras’, il ne perd que peu de ‘muscle’.

Les pratiquants réguliers ne sont plus que 5% (et non pas 10% comme on l’a encore lu dans certains journaux mal informés), le patrimoine de l’église catholique de France s’amenuise lentement… La plupart des observants coutumiers d'antan sont partis dans la nature.

Mais ‘le muscle’, c’est-à-dire les bénévoles, les cadres de paroisse, les militants convaincus, il reste en place, pour l'essentiel... avec tout de même un gros bémol: l'hemorragie continue des vocations, en chute libre depuis 40 ans maintenant.

Le muscle s'affine... mais reste fort, avec un chouia de réaffirmation identitaire, qui va de pair avec la discrétion des contacts œcuméniques lors de cette visite. (Télécharger ici les

 

Troisième confirmation : la visite du pape a témoigné d’une énorme curiosité pour le christianisme… mais d’une curiosité nettement plus mesurée à l’égard du pape, jugé un peu désuet, pour ne pas dire terne.

Les discours et l’homélie du pape ont certes été salués pour leur rigueur, leur qualité de fond… Mais c’est peu de dire que Benoît XVI n’a pas vraiment traité nombre de sujets «chauds» qui touchent le catholicisme français d’aujoud’hui: plus grande demande d’autonomie des communautés locales, besoin d’éclairages pastoraux adaptés aux défis du divorce, enjeu de la globalisation sur les paroisses (impact des migrants), clefs de lecture autour de la Révolution numérique, ouvertures sur le mariage des prêtres pour rebooster les vocations, enjeux de l’évangélisation, etc., etc…

 

Quatrième confirmation : la France n’est peut-être plus un pays très catholique, mais elle reste marquée par une «catholicitude» qui éclabousse certains médias (notre président, en revanche, a été plutôt prudent: chat échaudé craint l’eau froide?).

On a encore parlé de «l’Eglise» au lieu de «l’Eglise catholique»…

Et quand France 2 consacre plus de 2H de direct à l’arrivée du pape, au risque de déplacer l’horaire du JT, n’est-on pas un peu dans l’excès?

Benoit XVI est certes aussi chef d’Etat, comme le rappelle justement Henri Tincq dans un Chat. Mais reconnaissons que ce n’est pas le souverain du Vatican qu’on accueille, mais le chef de l’Eglise catholique. Ce qui, dans un pays fier de sa laïcité, devrait conduire à un peu plus de mesure, parfois.

Cette ambiguité entretenue entre chef d'Etat et chef d'une Eglise invite d’ailleurs à prendre avec un grain de sel l’affirmation papale comme quoi la religion n’est pas la politique, et vice et versa : quand ça l'arrange, c'est-à-dire dans ses déplacements officiels, le pape joue bel et bien sur l’ambiguité politique-religion pour bénéficier d’un accueil de chef d’Etat, alors qu’il vient en leader religieux.

 

images.jpgEn définitive, cette visite n’a rien révélé de bien neuf, si ce n’est peut-être qu’il n’est pas besoin d’être un pape charismatique comme Jean-Paul II pour mobiliser, en France, les foules catholiques.

Si un pape aussi peu révolutionnaire et ‘branché’ que le conservateur Benoît XVI peut rassembler 260.000 personnes aux Invalides, c’est bien que l’intérêt pour la religion, en France, est nettement plus grand que ne voudraient le laisser croire les has-been de la mort de Dieu.

 

Quant à savoir qui seront les acteurs du paysage religieux actuel qui tireront le plus avantage de cette soif... laissons la question ouverte.

 

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