Tragédie de Gaza : mettre fin à la culture de haine (15/01/2009)

images-2.jpegLundi dernier en soirée, en quête de soldes pour un manteau (eh oui vous savez tout), je suis passé, dans le quartier des Halles à Paris, devant un meeting de militants pro-Gaza (en tout cas, c’est comme ça qu’ils s’affichent).

Je me suis arrêté, j’ai écouté.

Vous trouverez ci-dessous la photographie que j’ai prise de cette manifestation avec le petit appareil numérique que j’ai souvent sur moi, et qui me sert généralement de photocopieuse portable.

 

Manif.JPG

Meeting pro-palestinien 12 janvier 2009

Près du Forum des Halles (Paris)

Photographie S.Fath prise à 20H


Les juifs, des ‘vampires’ ?

J’ai été assez stupéfait des slogans clamés par l’orateur, très en verve.
Les «juifs» ont été qualifiés de «vampires», la mort des enfants palestiniens sous les bombes a été qualifié «d’acte religieux», de «sacrifice» voulu délibérément par les juifs et leurs rabbins…
Curieusement, j’avais reçu dix jours plus tôt un email circulaire d’un militant de gauche alternative (originaire des ‘réseaux citoyens’), qui reprenait certains accents de cette manifestation, en affirmant notamment, je cite, «ceux qui sont sous les bombes dans le ghetto de Gaza ressemblent aux martyrisés du ghetto de Varsovie».

Sous-entendu : Israël réaliserait une forme de génocide délibéré... sur le mode vampire ou nazi, au choix.

Ce registre tantôt judéophobe, tantôt antisioniste hystérique, est intolérable!

Et contribue à me sortir de mon silence de bloggeur sur la tragédie de Gaza.

Bien que n’étant pas journaliste, et ne souhaitant pas commenter systématiquement l’actualité, j’estime qu’il est du devoir de chacun, en la matière, d’apporter un peu de lumière, et de conjurer l’obscurantisme fanatique tel que celui que j’ai pu contempler lundi dernier en plein Paris.



images-3.jpegSolidarité avec la population civile de Gaza et la population limitrophe d'Israël

Sur ces bases, il nous appartient en premier lieu d’être totalement solidaire de la population gazaouie martyrisée, trompée par un Hamas qui joue cyniquement la politique du pire, et pilonnée sur ordre d’un gouvernement Olmert qui a fait preuve de sa médiocrité.

La mort des civils de Gaza, même si elle apparaît, en proportion, extrêmement limitée par rapport à l’ampleur colossale des bombardements ciblés (Tsahal prévient par téléphone les populations avant les frappes) est un scandale qui doit cesser au plus tôt, dès qu’une alternative politique (priorité des priorités) sera possible.

En attendant, je m'associe à la douleur des palestiniens, et, par-delà, de tous ceux qui, par motif culturel, religieux ou humanitaire, souffrent avec ces malheureux civils soumis à l'horreur.


En second lieu, comment ne pas être solidaire aussi de la population israélienne limitrophe de Gaza, usée par les bombardements incessants du Hamas, angoissée pour ses soldats, meurtrie par la stigmatisation venimeuse dont elle fait l’objet dans certains médias suite à la médiatisation des souffrances civiles à Gaza?

 

images-4.jpegNécessité d’une solution politique

Très proche, comme à l’époque de la guerre du Liban (2006), de la position du mouvement  La paix maintenant, je considère que cette guerre était hélas devenue inéluctable, à cause des bombardements du Hamas sur Sdérot et le sud d’Israël, mais qu’elle doit être relayée au plus vite par une solution politique.

Je m’étonne que de telles positions, en France, vous classent aujourd’hui parmi les ultra-sionistes fanatiques, les bushistes bornés, ce que je ne suis aucunement: autant la légitimité d’Israël est un acquis à défendre au même titre que celle de la France, autant il m'apparaît inimaginable de s'aligner systématiquement sur les positions des gouvernements israéliens successifs, à commencer par celui, désastreux à moult égards, d’Olmert le corrompu.


Je plaide, comme tant d’autres, pour deux Etats, et la fin du «mur de la honte» dressé entre israéliens et palestiniens.


Pour cela, il s’agit de conjurer à la fois la politique du pire jouée par les extrémistes du Hamas (et d’une partie du Fatah) et la frilosité de certains israéliens, trop lents à comprendre que des concessions nécessaires sont à faire.

Mais cette position, modérée, qui part à la fois du bon sens et de l’étude du dossier géopolitique, «passe» mal aujourd’hui en France, et fait froncer les sourcils dans nombre de cercles supposés "éclairés".


images-5.jpegRéactions françaises passionnelles

Les réactions passionnelles, dans l’hexagone, et l’enflure des commentaires condamnant sans appel (trop souvent) l’offensive israélienne contre le Hamas nous confirment que sur les questions israélo-arabes, notre pays a bien du mal à rester dans un registre tempéré et rationnel.

Ce sont, très vite, les hyperboles, les exagérations, les mots extrêmes qui se bousculent au portillon.

Pourquoi ?

Je rappellerai brièvement trois choses.



images-6.jpegLourd héritage antisémite et antijudaïque


Pour avoir fait cours, récemment, sur les relations judéo-chrétiennes, j’ai eu l’occasion de vérifier, et d’approfondir, le poids exceptionnellement lourd de la tradition antisémite et antijudaïque française.
Dans les années 1950 encore, avec l’Affaire Finaly, certains de nos compatriotes considéraient comme normal de soustraire des enfants juifs à leur famille sous prétexte qu’ils étaient devenus catholiques et qu'ils devaient le rester!!
Ce poids de l’héritage antisémite et judéophobe ‘à la française’ n’a hélas pas complètement disparu aujourd’hui, et il n’est pas difficile d’en voir parfois le reflet, par exemple, dans les points de vue qui comparent avec perversité Israël aux nazis.

 

1931.jpgHéritage colonial et axe pro-arabe


La mauvaise conscience coloniale de la France, notamment vis-à-vis du monde arabe, avec lequel la France reste très liée en raison d’une longue histoire commune, joue aussi son rôle.

Quand Israël intervient militairement contre des arabes, une part de la réaction française tient compte du poids important de l’histoire et de la démographie nationales en lien avec cet héritage (5 millions de maghrebins en France), ce qui fait parfois vasciller la balance de la justice et l’équilibre des analyses.


images-7.jpegSyndrôme de la gauche subversive


Le consternant conformisme intellectuel d’une part de l’intelligenstia parisienne «de gauche», pétrie de mauvaise conscience joue aussi son rôle.

Il est travaillé par un goût maladif pour le contrepied (on ‘épate le bourgeois’ en défendant l’indéfendable), que l’on croit héroïque, dialectique et anti-conformiste alors qu’on atteint parfois le comble du confort moutonnier.

 

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Il fait écho à cette frange de gauche arrogante et aveugle des années 1930-60 qui a longtemps défendu le stalinisme, puis le maoisme...

N’est-ce pas cette même gauche qui trouve aujourd’hui aux militants du Hamas des airs de Che Guevara, au risque de vérifier les thèses de Pierre-André Taguieff sur la judéophobie des modernes?

 

 

images-8.jpegAsymétrie Hamas-Israël

Pour ma part, la guerre actuelle à Gaza m’invite à rejoindre, peu ou prou, les positions défendues par Bernard Henri-Lévy dans Le Point (n°1895, voir lien)...

Ce faisant, je n'ignore pas que j'aggrave encore mon cas vis-à-vis des guévaristes de salon qui considèrent BHL comme le pire des Judas... mais bon, j'assume: BHL est loin de ne dire que des âneries.

Avec lui j’affirme que oui, les frappes du Hamas sur son voisin en 2008 et la riposte militaire massive d’Israël ne sont pas symétriques: il y a bien asymétrie, mais pas dans le sens défendu par certains, y compris par mon cher collègue Jean Baubérot, dont je regrette ici le manque d’équilibre sur ce sujet (cf. sa note du 10 janvier 2009).


true_hero.jpgS’il y a asymétrie du nombre des victimes (Israël tue beaucoup plus que le Hamas), il y a aussi asymétrie du point de vue éthique: le Hamas vise délibérément les civils ennemis (et utilise plus d'une fois les siens comme boucliers humains) tandis que Tsahal, malgré quelques terribles bavures, fait le maximum pour épargner les civils de la partie adverse, visant en priorité des objectifs militaires (sites de lancement des missiles, casernes, regroupements des combattants ennemis, tunnels d'acheminement des armes, arsenaux de munitions etc.).


L’autorité israélienne n’a jamais fait défiler ses citoyens en leur demandant de crier «à mort les Palestiniens», alors que l’autorité du Hamas inculque et nourrit chez ses ressortissants gazaoui une culture de haine aussi répétitive que sans issue.

Toute la différence entre (je simplifie) terrorisme (priorité actuelle du Hamas) et guerre de défense d’un Etat démocratique (priorité d’Israël).

Il nous faut donc refuser les sirènes qui nous invitent un peu partout, y compris dans la bouche de certains 'experts' écoutés sur France Info, à considérer qu’Israël et le Hamas seraient bonnet blanc et blanc bonnet: la même logique terroriste des deux côtés.

Non! Mille fois non!



Fautes du gouvernement Olmert

Ceci précisé, la légitimité de l’actuelle intervention musclée d’Israël à Gaza (guerre de défense pour détruire la capacité de nuisance de ce "lance-missile géant" qu'était devenu Gaza) ne l’exonère pas de toute responsabilité :

images.jpeg-le gouvernement Olmert, en refusant obstinément d’amorcer un dialogue avec le Hamas, s’est trompé, et sur ce point précis je rejoins tout à fait les propos d’Esther Benbassa dans Le Monde (édition du 7/01/09): bien que terroriste, le Hamas dispose d’une vraie légitimité démocratique et en ce sens, il doit être accepté comme interlocuteur aussi important (sinon plus) que Mahmoud Abbas.
Ismaël Haniyeh (ci-dessus) a été élu par les Palestiniens, il est leur légitime représentant et la paix ne se fera jamais sans lui (je n’en dirai pas autant de Khaled Mechaal, idéologue planqué à Damas, qui n’a aucune légitimité électorale).

Il faudra bien qu'Israël surmonte sa répugnance et tende la main à Haniyeh, en se rappelant que tout peuple inféorisé qui lutte pour son indépendance a toujours parfois cédé à la tentation terroriste... y compris le peuple juif (cf. les attentats de l'Irgoun), mais qu'on peut en sortir: rien n'est jamais figé.



images-9.jpeg-le gouvernement Olmert s’est également trompé, pire, a commis une grave faute, en ne préparant pas, en amont de sa guerre, un grand couloir d’évacuation humanitaire vers l’Egypte (voire Israël), permettant aux civils de sortir de la prison à ciel ouvert où ils subissent actuellement l’effrayant déluge de feu imposé par Tsahal.

Le terrible spectacle de civils bombardés sans aucun lieu sûr où aller aurait pu être en partie évité si l'on avait donné la priorité, en amont du déclanchement du conflit, à une solution d'évacuation, certes compliquée, mais faisable (le raïs égyptien, si on lui parle le langage adapté, est flexible).

En négligeant cette priorité, Olmert portera une terrible responsabilité devant l'Histoire: espérons que ses successeurs feront mieux, ce ne sera pas très difficile...


images-1.jpegExtirper la haine des consciences

Mais le premier déclancheur de cette guerre n'est pas Olmert, mais le Hamas. La négation vindicative d'Israël par le Hamas est à la racine du drame, et cette négation ne mène qu'à la mort et la destruction.

On ne sortira jamais de ce conflit si la haine n’est pas extirpée des consciences.

Si le Hamas parvenait à s'aligner symétriquement, ne serait-ce que sur les positions de la droite dure israélienne (c'est-à-dire qu'il accepte l'idée d'un Etat israélien comme la droite dure israélienne accepte désormais l'idée d'un Etat palestinien, quelque soient les réserves rajoutées) ce serait un immense pas en avant.

Un pas hors de cette prison de haine dans laquelle le Hamas maintient les populations palestiniennes. Une étape qui faciliterait ensuite la mise au pas de tous les fanatiques, et il y en a dans chaque camp.

images-10.jpegJe rejoins en cela certains accents de la lettre ouverte de la chanteuse Noa aux populations de Gaza (8 janvier 2009): c’est par l’empathie pour toutes les victimes, la mise en échec de la culture de haine, le refus des mantras victimaires déresponsabilisants et le respect de l’intégrité de l’autre qu’on parviendra, un jour peut-être, au bout du tunnel, avec deux voisins paisibles: un Etat palestinien et un Etat israélien côte à côte.

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