"Jeu de la mort" (France 2): une inspiration protestante? (17/03/2010)

Henri Nick.jpgLes médias se sont largement fait l'écho d'une émission de télé-réalité, dite "Jeu de la mort", diffusée ce soir sur France 2 en prime time.

 

A raison!

L'émission, intitulée "Zone Xtrême", fait froid dans le dos: elle montre des candidats, encouragés et conditionnés par l'animatrice vedette du jeu télévisé, capable d'envoyer des décharges électriques épouvantables à un cobaye.... Jusqu'à la mort.

Heureusement, il s'agit de fausses décharges, d'une fausse mort présumée, et le cobaye est un acteur. Mais les candidats, eux, ne le savent pas!

81% des candidats iront jusqu'au bout, à savoir l'envoi d'une décharge de 460 volts...

 

Conclusion: sous la coupe d'une autorité supérieure, d'un "pape" ou d'une "papesse cathodique" sanctifiés par les caméras, un individu est capable de perdre tout discernement, et de basculer, sourire aux lèvres, dans la barbarie.

 

 

image_7060433_144_108.jpgChristophe Nick, petit fils d'évangéliste protestant

 

Ma spécialisation sur le protestantisme m'invite à souligner un détail qui aura échappé à beaucoup, y compris à Wikipedia: le réalisateur du "faux" jeu télévisé de ce soir n'est autre qu'un petit-fils de pasteur.

Et pas de n'importe quel pasteur! Christophe Nick, interviewé dans le magazine Technikart de ce mois de mars, est le petit-fils d'un célèbre évangéliste protestant, à savoir Henri Nick (1868-1954).



Hasard? Pas seulement.

 

Né en 1958, l'année de la mort de son grand-père (reconnu "Juste parmi les nations" par l'institut Yad Vachem), Christophe Nick aborde explicitement ses origines protestantes dans l'interview qu'il a accordée à Technikart (mars 2010, p.48 à 52).

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1/ Il affirme (p.50): "Tout ça tient de mon éducation protestante. J'ai été éduqué dans l'idée du devoir à accomplir". Le protestantisme nourrirait donc le sens de la vocation et l'éthique de l'engagement, écho des thèses webériennes? Peut-être.

 

2/ Une autre filiation est suggérée par ce commentaire de Technikart, que je cite tel quel: "Son grand-père, un pasteur rouge, 'haute figure du christianisme social', a sans doute pas mal influé sur le cerveau du jeune Christophe" (p.50).

 

genere-miniature.aspx.gifHenri Nick était effectivement une figure de proue d'un christianisme social en version protestante: il était un grand praticien, plus qu'un théoricien, de ce courant théologique fécond et divers qui a été notamment étudié par Jean Baubérot, au travers d'une analyse du périodique L'Avant Garde (ouvrage réédité chez L'Harmattan l'an dernier).

 

3/ Compte-tenu du fait que le pasteur Henri Nick, aïeul du réalisateur, nourrissait aussi de fortes convictions évangéliques (à la fin de sa vie, il a fait du Foyer du Peuple, qu'il avait créé, une assemblée évangélique indépendante), j'ajouterais une dernière influence hypothétique, liée au fait que l'évangélisme a longtemps cultivé une très grande méfiance pour les structures d'autorité verticale.

Cette méfiance reste en partie d'actualité, même si ce trait "anar" et anti-autoritaire est moins répandu aujourd'hui chez les évangéliques, notamment dans certains milieux charismatiques où le "pasteur qui bosse" est aussi le "pasteur boss" (patron à poigne).



Au terme de ces trois hypothèses, on peut se demander si, dans l'héritage protestant, chrétien-social et évangélique qui a marqué l'enfance, et l'ascendance de Christophe Nick, il n'en est pas resté quelque chose dans ce souci passionné de dénoncer les dérives des autoritarismes new wave.

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