Propos racistes de George Frêche: anecdotique ou symptômatique? (18/11/2006)

medium_images.28.jpgLors du Conseil d'agglomération de Montpellier, le 16 novembre 2006, le président du conseil régional George Frêche a déclaré, au sujet de l'équipe de France de football: «Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais, là, s'il y en a autant, c'est parce que les blancs sont nuls. J'ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks.»

Ces propos à caractère raciste peuvent être rattachés à la personnalité de Frêche, figure à part qui n'en est pas à son premier dérapage. Mais on peut aussi les interpréter autrement.

medium_images-1.8.jpgIls révèlent aussi, à l'extrême, les dérives d'une décentralisation mal négociée, qui a créé des satrapes locaux, imbus d'eux-mêmes et insuffisamment contrôlés par les citoyens.

Dans La machine à trahir. Rapport sur le délabrement de nos institutions (à lire et relire!!), Arnaud Montebourg consacre un chapitre très éclairant sur ces dérives. Il est intitulé "La dictature des élus locaux". Il montre au niveau régional qu'à partir du moment où on est élu au suffrage universel, on peut ensuite agir sans grand contrôle, et déraper dans la corruption ou l'outrance.

Il décrit:


"à la mi-2000, 29 présidents de conseils généraux, chefs de l'exécutif départemental, soit avaient été condamnés, soit faisaient encore l'objet de poursuites judiciaires".


29 sur 102!!! Quand les Français jugent les hommes politiques corrompus, ce n'est hélas pas que du fantasme. Clientélisme local, mentalité de satrape, autoritarisme ont sapé la confiance des citoyens dans leurs élus. C'est pourquoi la proposition ségolèniste, appuyée par Montebourg, de mieux contrôler les élus tombe sous le sens, et n'a rien de "populiste". Les dérapages de conseiller général Frêche sont le pur produit (extrême, certes), d'une culture de l'impunité.

Fin février 2006, Arnaud Montebourg avait été la seule personnalité du Parti Socialiste avec Laurent Fabius à réclamer clairement l'exclusion de Georges Frêche après les propos de ce dernier qualifiant des harkis de «sous-hommes». J'ose espérer qu'il sera rejoint aujourd'hui par d'autres républicains, soucieux de mettre fin à ces baronnies locales où les potentats du suffrage universel finissent par se croire tout permis, y compris l'abjection raciste.

 

Je laisse la conclusion à Arnaud Montebourg, toujours cité dans La machine à trahir (Paris, Poche Denoël, 2002, p.136):

"Pas plus que pour son Parlement ou son autorité judiciaire, la République n'a su créer de véritables pouvoirs locaux sous le regard des citoyens. Elle a préféré les confier à des élus qu'elle contrôlait, des notables avec lesquels elle savait s'arranger, plutôt qu'à des citoyens qui auraient construit les conditions de véritables petites démocraties locales."

C'est précisément quand il n'y a pas véritablement de "pouvoirs locaux sous le regard des citoyens" que les conditions de l'impunité sont réunies. Les dérapages du féodal régional George Frêche sont la triste illustration, extrême certes, d'un système insuffisamment pourvu en contre-pouvoirs nécessaires.

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