L'historien Jean Boulègue nous a quittés (20/03/2011)

jean boulègue,liberté dexpression,laïcité,catherine coroller,dieu change à paris,afriqueIl est des nouvelles qu'on refuse d'entendre, des pertes qu'on n'envisage pas d'accepter. Le décès soudain de l'historien Jean Boulègue est de celles-là.

 

Historien africaniste, professeur émérite à l'Université de Panthéon Sorbonne (Paris I), Jean Boulègue s'en est allé sans crier gare le 14 mars 2011 et je ne m'en remets pas.

 

Africaniste

Spécialiste d'histoire de l'Afrique, en particulier de l'histoire médiévale et moderne des grands empires africains de l'ouest (cf. ses ouvrages, Les anciens royaumes wolof (Sénégal), Le Grand Jolof (XIIIe - XVIe siècle), Jean Boulègue m'avait beaucoup marqué par son enseignement, lorsque j'effectuais ma Licence d'histoire en 1989-90.

Doué d'une érudition considérable et d'un très grand souci de l'administration de la preuve, il savait conjuguer rigueur, minutie patiente et curiosité intellectuelle, suscitant sans tapage (l'homme était discret) l'admiration de plusieurs de ses étudiants, dont, avec d'autres, je faisais partie.

 

jean boulègue,liberté dexpression,laïcité,catherine coroller,dieu change à paris,afriqueLaïcité et liberté d'expression

Nous avions repris contact il y a plus de deux ans sur d'autres thématiques. Car Jean Boulègue était aussi un citoyen épris de laïcité et de liberté d'expression. Son livre Le blasphème en procès (Paris, Nova édition, 2009), notamment bien recensé dans Libération par Catherine Coroller, avait fait l'objet, dans le programme GSRL Dieu change à Paris, d'une séance passionnante, où Jean Boulègue avait démontré, une fois de plus, son intégrité intellectuelle et son art de "faire l'Histoire".

Pour diverses raisons, liées tantôt à de petites lâchetés, tantôt aux contraintes de temps de plus en plus irrespirables sur les chercheurs (qui ne trouvent plus le moyen de lire les travaux des autres, surtout si ces travaux ne "payent" pas en matière de carrière), tantôt au brouillage croissant du débat intellectuel sur la laïcité, son livre, pourtant remarquable et salué comme tel par plusieurs, n'avait pas suscité beaucoup d'écho parmi certains spécialistes dont il attendait la réaction.

Cela l'avait affecté, il me m'avait dit, mais il ne s'en formalisait pas, attendant avec sagesse et patience l'oeuvre du temps (qui finit toujours par valoriser les vrais bons livres).

 

Projets inachevés

Il espérait continuer à s'investir dans les futurs débats sur la laïcité, et préparait une étude minutieuse (comme à son habitude), sur l'enjeu de la conversion et de la liberté religieuse au Maghreb, dont le résultat aurait été sans nul doute passionnant.

Nous avions prévu d'en parler, d'échanger des textes. Depuis le début de cette année 2011, suite à la réunion "Dieu change à Paris", nous avions poursuivi un dialogue régulier, dîné ensemble... Il ne lui aura pas été permis de conduire jusqu'au bout ces projets, qui lui tenaient tant à coeur.

 

Je n'ai pas pu pas me rendre aux obsèques (18 mars 2011), mais j'adresse à son épouse et sa famille toutes mes condoléances.

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