Censure d'une affiche par la RATP et débat sur la liberté d'expression (03/10/2012)

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La chaîne de télévision franco-allemande ARTE va diffuser à partir du 11 octobre 2012 une série TV portant sur de jeunes séminaristes. Une série au ton moderne, sans tabous ni volonté anticléricale.

Mais voilà que la RATP (régie autonome des transports de Paris) a refusé l'affiche ci-contre, sous prétexte d'une "allusion sexuelle".

Or, l'affiche, très soft, ne fait que renvoyer à un thème de la série, qui soulève l'enjeu affectif et celui du célibat pour de futurs jeunes prêtres. Cette interdiction par la RATP a suscité un débat intéressant sur les enjeux de la liberté d'expression en France.  

D'un point de vue de droit, soulignons que la RATP semble fondée à refuser une publicité, pour des raisons qui lui sont propres. Compagnie commerciale, la RATP n'est pas l'Etat, même s'il s'agit d'une entreprise publique. Ce refus est d'autant plus compréhensible que c'est une régie privée, Métrobus, qui a formellement écarté la publicité en question.

Ce n'est cependant pas l'avis de l'Observatoire de la liberté de création, qui par un communiqué du 28 septembre 2012, en appelle à l'Etat pour éviter que la "RATP censure désormais au nom de la religion et des bonnes moeurs". L'Etat est ici invoqué, contre une compagnie privée (Métrobus), pour "protéger efficacement la liberté de création et de diffusion des oeuvres". 

 

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Le raisonnement paraît cohérent, sauf qu'on peut le retourner comme un gant: la liberté, n'est-ce pas aussi aux acteurs de la société civile de la mettre en oeuvre en acceptant, ou refusant, de diffuser des oeuvres en fonction de leurs valeurs? Pourquoi serait-ce forcément toujours à l'Etat d'"interdire d'interdire", ou au contraire de condamner pénalement pour des propos ou des oeuvres jugées, pour des raisons diverses, contraires à la loi?

Et si l'Etat lâchait un peu la bride aux acteurs sociaux, au lieu de tout téléguider? Qu'une compagnie privée (Métrobus) ne diffuse pas une pub d'une autre compagnie privée (Arte), c'est si grave que ça docteur?

On retrouve ici un complexe franco-français qui peine à accepter des "régulations par la société civile" :par exemple, quand une entreprise privée décide de ne proposer que des sandwitchs halal -ce qui est son droit-,  quand une autre diffuse des caricatures outrancières -ce qui est son droit aussi-, ou encore une autre écarte une publicité jugée de mauvais goût.

Comme si l'Etat était forcément le seul garant de toutes les libertés, ce qui semble une vision bien naïve des choses à l'heure où dans l'hexagone, tant de contraintes légales, mais aussi d'hypocrisies (dont l'exemple vient souvent d'en-haut) étouffent la créativité et le débat. 

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