Rapport Machelon sur la laïcité: le pompier pyromane (25/09/2006)

«La République, c’est l’abolition des privilèges, pas la distribution clientéliste de ceux-ci»

Sébastien Fath, CNRS, Groupe Sociétés Religions Laïcités (GSRL)



medium_images.14.jpg Tout le monde est d’accord pour dire que la laïcité française est un bien fragile. Depuis les émeutes urbaines de  novembre 2005, on a le sentiment que le feu couve. Pour réfléchir à des solutions, le rapport présidé par Jean-Pierre Machelon (ci-contre), réalisé à l’aide de bons spécialistes, était une idée judicieuse. Hélas, le pompier attendu s’est transformé en pyromane. Au lieu d’éteindre la braise, ce rapport pourrait bien carboniser notre tradition laïque. Voici pourquoi.

J’ai lu attentivement ce rapport dans sa version PDF (téléchargeable sur des sites comme celui de la Documentation Française). Il s’intitule rapport de la «Commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics», et a été rendu public le 20 septembre 2006. Son idée de départ est juste.

On décrit une inégalité réelle: les religions qui se sont développées après 1905 ne bénéficient pas des mêmes avantages que celles qui ont été établies avant, en particulier en terme de lieux de cultes. En effet, les lieux de culte déjà là avant 1905 sont, de fait, entretenus par les communes, qui en sont devenues les propriétaires, aux frais des citoyens. Le financement est donc assuré par la collectivité, tandis que l'usage du lieu reste, dans la grande majorité des cas, le privilège des Eglises anciennement propriétaires.
Quant aux lieux de culte après 1905, il sont aux frais des religions nouvelles, à commencer par l’islam, mais aussi le protestantisme évangélique. Cette inégalité est effectivement injustifiée, et Nicolas Sarkozy et Jean-Pierre Machelon ont raison de le souligner.

Ce rapport est, de ce point de vue, très utile, car il ouvre le débat et permet de clarifier les choses. Le panorama historique et sociologique proposé dans ce rapport, qui a visiblement bénéficié d’experts compétents, renforce le sentiment qu’il y a une inégalité de traitement à corriger aujourd’hui, en particulier en faveur des musulmans, mais aussi des protestants évangéliques: «la diversification du paysage religieux pose en termes renouvelés la question de l’égalité du traitement entre les cultes » (page 10 du rapport).

Mais à partir de là, il y a deux manières de résoudre le problème pour «réaffirmer la laïcité» (page 8).

La première manière, choisie par le rapport Machelon (avec visiblement l’appui partiel ou total de Nicolas Sarkozy) est d’étendre les avantages accordés aux «pré-1905» (Eglise catholique, Eglises réformées et luthériennes, judaïsme) aux religions «post-1905» (islam, évangéliques récents, bouddhisme). En clair, il s’agit, par souci d’équité, d’aider les religions récemment installées à financer des lieux de culte, de la même manière que les communes financent déjà des milliers d’églises catholiques pré-1905. À première vue, comment s’opposer à ce «rattrapage», au nom de l’égalité républicaine ?

Les propositions de mesures d’aide à l’achat de terrain, de baux emphytéotiques (page 24), paraissent particulièrement bienvenues, tout comme le souci d’accroître « la transparence et la sécurité juridique » des montages (page 15) ou de généraliser les garanties d’emprun à tout le territoire (page 24).

Il faut cependant y regarder de plus près. En concentrant la lecture sur les chapitres 1, 2 et 5 (les chapitres 3 et 4, sur la protection sociale des ministres du culte et la législation funéraire sont moins centraux pour notre propos), on s’aperçoit que trois problèmes graves se posent.

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I. Une fausse bonne idée: étendre les avantages accordés aux «pré-1905» aux religions «post-1905»

(SCENARIO 1)

 

medium_images-6.2.jpgI. A. Un Concordat light pour l’ensemble de l’hexagone?

Le premier problème est que le rapport va jusqu’à proposer ni plus ni moins un financement direct des lieux de culte par les communes. Le prétexte est que cela se fait déjà, de manière presque illégale. «Régularisons en légalisant et en répandant ces pratiques», nous propose en substance le rapport. On voudrait nous vendre en contrebande un Concordat light à l’échelle de l’hexagone qu’on ne s’y prendrait pas autrement!

Ce financement par les communes rappelle en effet le XIXe siècle concordataire, où le politique reconnaissait au religieux une utilité sociale, en échange d’un financement (qui allait jusqu’au paiement des salaires de prêtres et pasteurs, système maintenu aujourd’hui en Alsace-Moselle). S’inspirer de ce système à l’échelle de l’hexagone est une atteinte directe, et massive, à la tradition laïque française, qui sépare clairement le religieux du politique (second seuil de laïcisation décrit par Jean Baubérot). Le rapport va jusqu’à suggérer que les communes qui refuseraient une subvention pour un lieu de culte (mosquée ou temple) pourraient être poursuivies ! Les préfets pourraient en effet poursuivre les communes récalcitrantes «de manière systématique» devant la justice administrative (page 29 du rapport). Clou du rapport Machelon, on n’hésite pas à mettre directement en doute «la portée constitutionnelle de l’article 2 de la loi de 1905, qui dispose que ‘la République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte» (pages 18-19 du rapport).

Remettre ouvertement en cause ce fondement (certes déjà écorné dans les faits), c’est ouvrir la boîte de Pandore à une surenchère de marchandages, de demandes de construction, financées par l’argent public au mépris de l’esprit de 1905. Comme la commission estime qu’il n’est « pas opportun de fixer dans la loi un pourcentage maximal pour les aides directes à la construction de lieux de culte », toutes les surenchères sont possibles! (page 26) Ce sera la foire d’empoigne, et l’occasion rêvée pour certains de nos partenaires (Etats-Unis par exemple) de compter les points au cas (prévisible) où certains groupes religieux ou réputés religieux se considèrent victimes de discriminations à la subvention.

C’est aussi se leurrer gravement si l’on s’imagine qu’un financement public mettra fin comme par enchantement aux financements étrangers (Arabie Saoudite etc.). À moins de basculer dans un régime dictatorial, la République et les communes qui la constituent n’ont pas les moyens de conditionner leurs subventions à la rupture des liens de réseau avec l’étranger, que ce soit dans le cas de l'islam, du protestantisme évangélique ou du bouddhisme.

 

medium_images-7.jpgI. B. Clientélisme communal

Le second problème (lié au premier) est que ce financement par le haut va accentuer une pathologie franco-française, qui régule le religieux «par le haut», par le politique. Dans une logique républicaine de séparation, ce sont aux membres des communautés religieuses de se prendre en main, d’assurer le financement de leurs lieux de culte. Et c’est très sain. Dans ce but, la République peut encourager les dons aux associations cultuelles, ce qu’elle fait déjà, et généreusement (déductions fiscales). Elle n’a pas le droit, en revanche, de pratiquer «un usage systématique (et illégal) du droit de préemption par certains maires pour empêcher la création de lieux de culte», et le rapport Machelon (page 11) a raison d’être très ferme sur le sujet.

Mais de là à financer "par le haut" par un gros chèque de subvention de la commune, il y a plus qu’une marge. Car un tel subventionnement fausse la donne et a toute chance d’instaurer une relation équivoque entre le groupe religieux débiteur, et la commune qui finance. La taille du lieu de culte, dès lors, reflètera moins la vitalité religieuse de la communauté de base, que son aptitude à faire jouer le clientélisme électoral local. Sur quel critère ajuster le volume de la subvention? Sur le nombre des fidèles bien-sûr. C’est là que les dirigeants communautaires entrent en jeu. Un exemple: dans une commune de 10.000 habitants, des chefs communautaires habiles peuvent fort bien négocier une grosse subvention pour une mosquée en affichant des chiffres ronflants de musulmans théoriques, même si la réalité de la pratique religieuse musulmane locale (et la générosité des fidèles) ne le justifie pas forcément. Dans ce processus, les statistiques religieuses, déjà un peu malmenées, en prendront un coup supplémentaire. Parce que dans la majorité des cas, il valorise plus l’affiliation traditionnelle et communautaire que la conversion individuelle, l’islam est sans doute plus fragile sur ce plan que le protestantisme évangélique. La tendance est actuellement à maintenir l’équivalence maghrébin=musulman (un peu comme si on maintenait l’équivalence breton=catholique…). Michèle Tribalat (INED) a pourtant pointé en 2003 le danger d’une telle démarche, qui essentialise les identités, et fait mine d’ignorer que tous les maghrébins qui ont choisi la France ne se définissent pas forcément comme musulmans (ils peuvent être agnostiques, athées, chrétiens,…). Dans le cas où la subvention communale devient la règle pour la construction de lieux de culte, la tentation sera grande, pour les demandeurs, de faire valoir des troupes nombreuses, au risque d’essentialiser les identités (par exemple, maghrébin=musulman), et de déformer la réalité de la pratique religieuse réelle, à des fins de grosse subvention. Cette dérive n’est pas loin d’une tentation communautariste.

Par ailleurs, en l’absence de données religieuses par recensement, qui aidera les communes à vérifier l’exactitude des chiffres avancés?

 

medium_images-8.jpgI. C. Ruine des finances locales

Le troisième problème est très terre-à-terre. Les charges financières des communes ne cessent d’augmenter. Beaucoup de communes peinent à planifier la construction d’équipements collectifs comme des médiathèques, faute de fonds. On sait par ailleurs que les déficits publics se sont creusés à des niveaux alarmants. Dans le même temps, le champ religieux s’est extraordinairement diversifié, et il n’est pas rare de voir, dans une ville moyenne, une cinquantaine de cultes et religions différents, qui ont tous des ambitions immobilières.

Dans l’hypothèse, privilégiée par le rapport Machelon, où les communes seraient enjointes, par décision bonapartiste, d’aider financièrement la construction de lieux de culte, c’est la ruine annoncée! Ou des discordes interminables (pourquoi on donne tant à Paul et pas autant à Pierre, etc…), sur fond de délabrement de l’esprit public. Les médiathèques en prendront un coup supplémentaire, les communes étant contraintes, avec l’argent de leurs administrés (croyants ou non) de financer des lieux de culte coûteux dont rien ne dit qu’ils proposeront des services publics à la commune, même si le rapport Machelon préconise à cet égard «la création d’une forme particulière de reconnaissance d’utilité publique pour les activités religieuses» (page 50 du rapport)…

On le voit, élargir encore la sphère des privilèges financiers directs accordés aux religions n’apparaît pas une bonne solution. Elle va, qui plus est, à l’encontre de la tradition française de la laïcité. Si l’on veut diluer et supprimer cette spécificité française, pour aligner sur d’autres pays européens, pourquoi pas. Mais il n’y a pas de fatalité. Si l’on pense que l’esprit français et républicain de 1905, qui vise à une séparation nette, une non-reconnaissance et une indépendance réciproque religions-Etat vaut la peine d’être défendu et amélioré, il y a d’autres solutions possibles que celles que préconise sur ce plan le rapport Machelon pour relancer la dynamique laïque et estomper les discriminations.

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II. Une solution républicaine : mettre fin aux privilèges matériels des religions pré-1905

(SCENARIO 2)

Je reviens maintenant à la question de départ, posée de manière juste par le rapport Machelon. Il reste vrai que les religions qui se sont développées après 1905 ne bénéficient pas des mêmes avantages que ce dont jouissent les religions établies avant, en particulier en terme d’entretien des lieux de cultes et de patrimoine foncier.

Cette inégalité doit être corrigée, sous peine d’un système à deux vitesses qui nourrit les rancoeurs. Si étendre les avantages «pré-1905 » aux religions « post-1905 » n’est pas républicain, ni juste, ni raisonnable, l’autre option s’impose d’elle-même.

Il faut enlever aux religions « pré-1905 » les privilèges qu’elles cumulent au détriment des religions plus récentes. Par excès de prudence, le rapport Machelon s’est refusé à explorer cette piste, préférant inscrire «ses réflexions dans le cadre institutionnel existant» (page 12). Voici pourtant trois pistes qu’il serait facile d’explorer:

 

II. A. Suppression des dispositions financières concordataires en vigueur en Alsace-Moselle

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Le maintien du concordat en Alsace-Moselle (avec, notamment, financement des prêtres catholiques, des pasteurs réformés et luthériens et des rabbins par l’argent du contribuable) ne se justifie pas en terme d’équité. Il lèse objectivement les autres religions (islam, protestantisme évangélique, bouddhisme etc.). Replâtrer le système en intégrant l’islam, comme le rapport le propose (page 74), en créant notamment «un cours d’enseignement religieux musulman au sein des établissements d’enseignement secondaire et des établissements techniques» (page 75 du rapport) n’est qu’un pis-aller qui ne règle pas, sur le fond, le fait qu’il y aura toujours des cultes privilégiés, et d’autres pas (quid des bouddhistes, des protestants évangéliques, des hindous et sikhs, etc ?).

Il faut cependant tenir compte de la sensibilité régionale, et des ancrages profonds du droit concordataire. Il serait donc maladroit, en tout cas dans l’immédiat, de résilier tous les articles du Concordat d’Alsace-Moselle. Mais il serait juste et républicain de mettre fin sans plus tarder au financement par l’argent public des prêtres, pasteurs et rabbins d’Alsace-Moselle. Ces privilèges sont absolument contraires à l’esprit de la République laïque française telle qu’elle s’est consolidée depuis le socle de 1905.

Y mettre fin rééquilibrerait la donne, et éviterait aux religions plus récentes de se sentir victimes de discriminations, d’un «deux poids, deux mesures». Le Grand Orient de France réclame depuis longtemps cette révision/suppression du Concordat d’Alsace-Moselle, et à juste titre. La Fédération Protestante de France, ou du moins son président, Jean-Arnold de Clermont, l’a souhaité aussi pendant un temps, avant que le lobby alsacien ne pousse de hauts cris… et oblige le président de Clermont à une retraite en rase campagne.

Il est grand temps de remettre à plat ce système, à la fois archaïque, profondément injuste et discriminatoire. La République, c’est l’abolition des privilèges, pas la distribution clientéliste de ceux-ci!

medium_images-4.3.jpgII. B. Fin modulée du financement par les communes des lieux de culte pré-1905

Une autre solution de bon sens pour équilibrer les choses serait de mettre fin au financement par les communes de l’entretien des lieux de culte pré-1905. Une mesure complémentaire serait que les communes redonnent ces lieux de culte (dont elles sont en droit propriétaires) aux Églises, à charge qu’elles en assument le financement intégral. Ceci placerait concrètement les cultes en situation d’égalité républicaine. Naturellement, cette proposition peut entraîner une levée de boucliers. Comment! La commune ne financera plus le vieux clocher!

Il faudrait tenir compte du caractère sensible de cette réforme, en échelonnant son application, et en ménageant des exceptions (bâtiments classés monuments historiques comme les cathédrales, les abbatiales). Mais la mise en œuvre modulée de cette réforme constituerait un puissant levier d’égalité. Si les Églises (qui récupèreront la propriété et la charge de financement) ne peuvent plus entretenir leurs lieux de culte, elles peuvent toujours les vendre à d’autres cultes, ou à des particuliers (cela peut faire des appartements très chics), des entreprises, ou à l’Etat (pour en faire des offices du tourisme, des salles de concert etc)…

Il suffit de circuler en Ecosse ou en Angleterre pour voir ce que cela peut induire dans le paysage urbain. En-dehors de quelques cas un peu malheureux, le recyclage des bâtiments cultuels que les Églises ne peuvent plus entretenir, cela marche très bien! Et on évite cette situation hypocrite actuelle, où devant la laïcité, certains cultes sont plus égaux que d’autres: tandis que la mosquée ne reçoit rien pour mettre son toit aux normes, l’église catholique du coin, pourtant peu ou pas fréquentée, reçoit 300.000 Euros d’argent public de la commune pour la réfection du clocher….

Par ailleurs, ce système aurait pour grand avantage de dynamiser les ressources propres des associations cultuelles, dont le fonctionnement gagnerait à être assoupli (là-dessus, le rapport Machelon est souvent très pertinent, voir pages 44 à 51). Davantage responsabilisées, ces associations peuvent ainsi mieux contribuer au dynamisme de la société civile, laquelle a grand besoin d’être encouragée dans notre pays usé par une culture qui reste trop centralisatrice et trop pyramidale.

Enfin, cette mesure d’égalité libérerait des ressources pour les communes, qu’elles pourraient réaffecter à l’intérêt général et laïque: cela peut vouloir dire financer des lieux d’échange et d’information sur les religions et les courants de pensée (comme le Centre Intercantonal d’information sur les croyances, dans le canton de Genève), ou baisser la fiscalité, ce qui soulage le porte-monnaie de tous, que ce soient ceux qui ne croient pas ou ceux qui croient (ces derniers peuvent alors plus facilement auto-financer leur communauté).

 

II. C. Ouverture du calendrier national des fêtes chômées à la diversité religieuse actuelle

medium_images-5.2.jpgOn n’a pas attendu Pierre Bourdieu pour savoir que les processus de domination et de discrimination ne jouent pas seulement sur l’argent, le matériel, mais aussi l’immatériel, le symbolique. Le calendrier national constitue de ce point de vue un exemple saisissant de domination implicite d’une religion, en l’occurrence le christianisme, discriminant de facto les autres (judaïsme, islam etc.). Sur onze jours fériés en France, cinq se rapportent à l’histoire nationale et républicaine, et six au christianisme et au christianisme seul. Le christianisme en question est surtout catholique, comme l’atteste le jour férié du 15 août (assomption de la vierge). La réalité de la population française aujourd’hui a pourtant beaucoup changé. Même si une majorité (déclinante) de Français se reconnaît toujours catholique, la pratique religieuse hebdomadaire des catholiques est en-dessous de 10%. Comment dans ces conditions justifier que les seuls jours fériés religieux du calendrier national soient à connotation chrétienne et catholique?

Il est grand temps de remettre à l’honneur les excellentes propositions faites de longue date par le sociologue de la laïcité Jean Baubérot, qui milite pour une réforme du calendrier qui tienne compte de la diversité religieuse française contemporaine. Jean Baubérot propose depuis longtemps deux formules: soit supprimer deux jours fériés catholiques, pour les remplacer par une fête juive et une fête musulmane (Yom Kippour et l'Aïd). Soit proposer à chaque citoyen un crédit de six jours fériés, à choisir sur une liste de fêtes religieuses empruntant à toutes les traditions religieuses présentes dans le pays.

Ce type de réforme apporterait une formidable bouffée d’oxygène aux religions qui s’estiment aujourd’hui victimes de discriminations symboliques de la part des religions anciennement installées.

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CONCLUSION

Ne nous leurrons pas. Ce rapport (dont je n’ai pas épuisé ici toute la richesse) a été initié avant tout par Nicolas Sarkozy, dans le souci affiché d’une «laïcité vivante» (N.Sarkozy, La Croix, 20 septembre 2006). Suivant le scénario qui sera privilégié demain par l’intéressé (candidat à la présidence de la République), on saura pour de bon si l’on a affaire à un vrai républicain, et si le cours donné aux politiques publiques renforcera, ou non, la tradition laïque française.

Au vu des conséquences induites par le rapport Machelon,

-Choisir le premier scénario risque de revenir, malgré de bonnes intentions, à privilégier les logiques bonapartistes et clientélistes sur l’égalité républicaine et laïque. Ce serait satisfaire le statu-quo des privilèges octroyés en 1905 aux vieilles religions, à commencer par l’Église catholique. Avec un marché de dupe qui stipule implicitement: «les principaux avantages pour les Églises déjà installées –jouissance gratuite du lieu de culte-, les principaux inconvénients pour les communes –paiement de toutes les réparations et frais d’entretien-» . Ce serait satisfaire aussi aux leaders communautaires des nouvelles religions, qui piaffent d’impatience pour avancer leurs demandes de subventions.

-Choisir le second scénario, au contraire, se rapproche du courage républicain et laïque dont nombre de candidats à l’élection présidentielle, y compris Nicolas Sarkozy, cherchent à se prévaloir. Le prix à payer est de mécontenter temporairement les anciennes religions privilégiées (à commencer par l’establishment catholique traditionnel très satisfait du soutien de l’argent public pour l’intégralité de son patrimoine pré-1905) ou en l’attente de l’être (nouvelles religions en quête de subventions directes), mais au nom d’une cause dont tout le pays peut profiter, à savoir une remise en route de la dynamique laïque et égalitaire si brillamment stimulée lors du seuil de 1905. Ce second choix, que certains éléments secondaires de la commission Machelon peuvent aussi appuyer, ne serait pas anti-religieux pour autant. En effet, il renverrait toutes les religions (pré- et post-1905) à leur vitalité réelle propre, dans une égalité plus juste, séparée du politique. Il ouvrirait aussi des marges d’initiative aux communes pour réaffecter leurs nouvelles ressources en faveur du dialogue laïque, tout en levant l’équivoque posée par les perfusions d’argent public.

L’avenir de ce rapport Machelon constitue donc un «test» majeur qui mérite en effet le large débat souhaité par Nicolas Sarkozy.

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