Rapport Machelon : réponse à J-F.Collange et Geoffroy Goetz (26/10/2006)

medium_images.20.jpgJean-François Collange (photo ci-contre) et Geoffroy Goetz m’ont fait l’honneur, dans les colonnes de l'hebdomadaire Réforme, de répondre à mon billet sur le rapport Machelon.

Je vous renvoie à leur texte, consultable sur le site du journal. Je ne reviendrai pas sur tout leur argumentaire.

Je m’arrêterai seulement sur quatre points: l’inconsistance du privilège financier des concordataires, qui ne bénéficieraient, dixit, que de «salaires plus que modestes», l’origine FPF du rapport, la nécessité de rénover la laïcité en s’appuyant sur d’autres exemples européens, et enfin, l’idée que la religion, au fond, c’est une forme de service public.

1/ Des salaires concordataires modestes?

Sur les salaires « plus que modestes » qui seraient versés par l’Etat aux pasteurs concordataires d'Alsace-Moselle, j’invite à sortir des sphères de la HSP (Haute Société Protestante), et à comparer posément. Le salaire moyen 2006 en France est de 1800 Euros net, mais attention c’est une moyenne. Beaucoup plus de Français sont en-dessous de cette barre qu’au-dessus. Noter qu’un Français sur six est smicard (16,8% de la population), tandis qu’on compte 2,5 millions de chômeurs et près d’1,2 millions de Français sont au RMI.

Noter maintenant le salaire d’un pasteur concordataire en fin de carrière, qui approche les 2500 Euros nets, auxquels il faut ajouter une belle indemnité de logement payée par la commune (ce qui nous rapproche des 3000 Euros nets). Quant à un évêque concordataire, c’est jusqu'à 4000 euros nets qu’il perçoit, aux frais du contribuable, que ce dernier soit croyant, agnostique ou athée. Ce n'est pas la Lune, c'est moins que ce que l'on peut lire ici ou là, mais est-ce "plus que modeste"?

NB : cette remarque a été corrigée et nuancée au 5/11/06 après vérifications et suite aux remarques pertinentes de Jack (cf. son commentaire ci-dessous), que je remercie vivement.

 

2/ Un rapport influencé par la FPF?

Que le rapport Machelon ait été indirectement le fruit des demandes de la FPF, j’en conviens bien volontiers. C’est d’ailleurs plutôt un bon point pour la FPF, qui a fait preuve de son expertise et de son influence. Mais que ce soit la FPF, le pape ou Zidane qui l’aient demandé, cela ne m’empêchera pas d’exercer mon esprit critique, sachant du reste que si la FPF est plus ou moins à l’origine du rapport, cela ne signifie en rien qu’elle cautionne toutes ses conclusions.

 

3/ Une laïcité à rénover?

Sur ce point, je suis tout à fait en phase avec J-F.Collange et Geoffroy Goetz. Je ne préconise pas plus l’immobilisme qu’eux, et approuve chaudement, sur le principe, le souci de la FPF d’améliorer ce qui peut l’être dans le pacte laïque. J’approuve aussi certaines dispositions, tout à fait pertinentes, du rapport Machelon (faciliter les baux emphytéotiques, etc…). J’ajoute enfin que je me retrouve tout à fait dans le souci, exprimé entre autres par Jean-Paul Willaime dans un excellent livre, de s’inspirer avec discernement des rapports dépassionnés et constructifs qu’entretiennent avec les religions bien des voisins européens de la France. Mais je diffère fondamentalement sur la manière de rééquilibrer la donne entre religions «post-1905» et religions «pré-1905». La perfusion d’argent public me paraît une très mauvaise solution. Ce que je suggère, c’est plutôt d’ouvrir l’espace à la pluralité religieuse du XXIe siècle (réforme du calendrier, mise en place de structures cantonales d’interface, d’information et de dialogue entre les religions et les pouvoirs publics).

 

4/ La religion un service public?

Les églises ne sont pas l’équivalent, sur le plan spirituel, de la poste sur le plan du courrier. Pour envoyer du courrier, tout le monde passe par la poste. Pour la vie spirituelle, tout le monde ne passe pas par les religions instituées, loin s’en faut!!! Pendant dix ans, je n’ai pas eu de télévision. Je ne payais donc pas la redevance, et j’aurais été scandalisé de devoir la payer, car la télévision NON PLUS n’est pas un service public, même les chaînes qui se présentent comme telles ne sont pas, à proprement parler, un service public comparable à la poste. Un athée n’a pas plus à financer par ses impôts la construction d’un temple ou d’une mosquée qu’un abstinent du petit écran n’a à payer la redevance. Dire que les religions peuvent avoir un sens de l’intérêt général, oui. Dire qu’elles peuvent, par leur action, exercer une forme d’utilité publique, oui encore. Mais à moins de bricoler une religion civile à la Rousseau (et on en est loin en France), laisser entendre que les religions actuelles seraient un service public est contraire à l’esprit républicain.

 

Pour conclure, j’abonde dans l’idée qu’il est bon que la société puisse «engager» avec les religions «des échanges positifs» (dixit Collange et Goetz). Mais je soutiens que ces échanges seront d’autant plus facilités qu’on ne se trompera pas de combat: si l'on veut améliorer le fonctionnement du pacte laïque, la priorité, ce n’est pas de financer par le haut des religions censées s’appuyer sur leurs forces vives. Hérité du XIXe siècle, ce modèle a fait son temps. En ce XXIe siècle, mille-et-une voix s'élèvent, qu'elles viennent des juifs d'Afrique du Nord, des musulmans issus d l'Afrique sub-saharienne ou des pentecôtistes tziganes, pour nous dire que la priorité, c’est faire passer le message qu’il n’y a plus de religions «plus égales que d’autres», et que l’on soit musulman, catholique, évangélique, juif, luthérien etc., chaque croyant est également respecté comme citoyen pour sa contribution à l’éclat de la mosaïque France. Et si ce chemin passait, comme en 1789, par l’abolition des privilèges ?!

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