Couple, religion, entre conformisme et anticonformisme (16/04/2007)

medium_images-5.7.jpgMon séjour à Salt Lake City, aux Etats-Unis, me donne l’occasion de mettre à jour mon niveau d’alerte sur les débats en cours outre-Atlantique. Il y aurait beaucoup à dire!

Par exemple, que les Etats-Unis sont en train de prendre massivement conscience, à droite comme à gauche, du Global Warming (je viens d’entendre un plaidoyer remarquable d’Arnold Schwartzeneger sur Fox News, où il a réussi à «moucher» Sean Hannity). Un débat très chaud tourne aussi en ce moment autour du licenciement, cette semaine, de Don Imus, célèbre animateur radio qui a dérapé dans l’insulte raciale. Mais je voudrais plutôt revenir sur les questions religieuses.

Voici deux histoires qui n’ont en apparence pas grand chose à voir. Elles traitent toutes deux du rôle de la religion chez l'individu et dans le couple, un thème auquel on n'échappe pas à Salt Lake City, cité remplie de familles mormones qui valorisent, encore plus que les évangéliques ou les catholiques, le couple croyant.

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Première histoire, celle de Kristin Armstrong, l’ex-épouse du champion cycliste américain Lance Armstrong. Arrivé à l’aéroport de Houston il y a cinq jours, j’ai découvert avec surprise que Kristin Armstrong avait publié en cette année 2007 un grand best-seller religieux (vanté sur toutes les télévisions, y compris sur l’Oprah Winfrey Show).

Il s’agit d’un livre de dévotion avec une pensée pieuse par jour, pour chaque jour de l’année, qui vise à apaiser les personnes qui passent par l’épreuve du divorce. Kristin Armstrong y révèle sa foi chrétienne (de type catholique, avec influence évangélique), et souligne que le christianisme est ce qui lui a permis de s’en sortir dans l’enfer du divorce.

medium_images-2.13.jpgLe counseling qu’elle a suivi ? Pour elle, la thérapie n’a servi à rien. La seule chose qui l’aurait aidé est la Bible, la prière, et le pardon chrétien. Dans ce cas, le christianisme a aidé Kristin face à un mari non-croyant (Armstrong aurait déclaré un jour que si Dieu avait existé, il lui aurait laissé ses testicules –enlevés lors de son traitement anti-cancer). Le livre de Kristin Armstrong retrace cet impact thérapeutique du christianisme, et le partage avec les lecteurs et lectrices.... et les grands médias (voir son interview sur ABC).

La religion s’est révélée ici force anti-conformiste, tremplin permettant de renverser «l’ordre des choses» (qui associe le divorce au conflit et à l’amertume) en pardonnant et en tournant la page sans rancoeur.

 

 

medium_images-1.15.jpgSeconde histoire, celle de Mary Winkler, épouse d’un pasteur protestant évangélique de la Church of Christ. Il y a un an, Mary Winkler a abattu son mari Matthew à bout portant, de dos, pendant qu’il dormait. Jusque là, la famille Winkler passait pour «la famille parfaite», et Mary était reconnue par tous comme une épouse dévouée, sans problèmes.

Que s’est-il passé ? Comme le procès s’est ouvert cette semaine à Selmer, dans le Tennessee, on peut en savoir plus. En réalité, Mary était soumise par son mari à une pression à la perfection, qui était devenue insupportable. Son mari la trouvait trop grosse: il lui enjoignait de sauter un repas. Les chemises n’étaient pas toujours impeccablement repassées: Mary n’était pas assez dévouée. Elle paraissait fatiguée: son mari la sommait de sourire, toujours sourire, et jamais se plaindre. Et j’en passe.

medium_images-3.12.jpgA force de subir une pression constante (y compris, semble-t-il, une forme d’abus physique), Mary a «pété un cable», et l’épouse parfaite à tué son mari, le pasteur Matthew Winkler (ci-contre en famille).

 

Dans ce cas, la religion ne s’est pas avérée une ressource appréciée positivement par l'individu.

Bien au contraire, le cadre religieux tel qu'il a été mis en place et interprété dans cette famille a pesé sur le couvercle de la cocotte minute, étouffant par son pouvoir de contrôle social et son obligation de conformité (modèle de l’épouse parfaite) les possibilités d’exprimer son malaise, de verbaliser les difficultés (avant qu’il ne soit trop tard).

 

Cela n’excuse certes aucunement Mary Winkler, qui a commis un crime épouvantable. Je dirai seulement que cette affaire, et la précédente aussi, rappellent l’ambivalence du religieux. Tantôt émancipatrice et anticonformiste, tantôt étouffante de conformisme, la traduction sociale du christianisme (que ce soit aux Etats-Unis ou en France) n’est pas une force à sens unique. Pour le pire ou le meilleur, elle engage la responsabilité des acteurs et des sociétés.

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