La gauche la plus bête du monde? (09/11/2007)

ebc11b9d65da40032071ea61e364afa7.jpgLa situation française aujourd’hui est assez simple: nous sommes confrontés aux effets des rééquilibrages internationaux inévitables produits par la globalisation:

-entrée dans l’Europe de pays comme la Roumanie, où la main d’œuvre coûte 4 fois moins cher qu’en France,

-concurrence de nouveaux géants manufacturiers comme la Chine,

-avec en prime, l’allongement inexorable de la durée de la vie qui allourdit d’autant le fardeau des retraites.

Dans ce contexte, dans un pays endetté, marqué par les délocalisations et le chômage des jeunes, nous n’avons plus les moyens de maintenir tel quel notre système de retraites et de protection sociale.

 

A moins que….

0e30094461516121c429ab8e295289e9.jpg A moins que l’on sacrifie la jeune génération, ce qui prolongera le statu-quo pendant 10-20 ans supplémentaires, avant un naufrage obligé. Comme l'observe le sociologue Louis Chauvel, cette génération de moins de 40/45 ans cumule les handicaps:


-un pouvoir d’achat souvent inférieur à celui des parents (pour mémoire, le pouvoir d’achat des enseignants a baissé de 20% entre 1981 et 2004, et ça continue depuis)


-une arrivée sur le marché du travail bien plus tardive que dans le cas des parents


-une stimulation à la consommation bien plus forte (et bien plus précoce) que dans le cas des parents (avec à la clef des frustrations démultipliées: plus de tentations et moins d'argent en poche)...

 

-des cotisations sociales bien plus élevées que la génération du dessus


-des perspectives de retraite bien plus incertaines et lointaines que dans le cas de la génération des babyboomers


Pour résumer : les moins de 40 ans se font «avoir» de tous les côtés. Moins de pouvoir d’achat, plus de cotisations et faibles retraites en perspective.


Dans cette configuration le choix politique est clair:


-ou réajuster vigoureusement le système (MAIS sans le casser, car il reste structurellement bon) pour sauver la génération montante et l’avenir du pays, ce qui veut dire (entre autres) rogner sur les avantages acquis, les régimes spéciaux et le confort d’un mode de protection sociale désormais au-dessus de nos moyens.


-ou continuer à faire l’autruche, se rengorger dans la supériorité de notre «modèle français» momifié dans sa splendeur passée, et tuer l’avenir de la France en sacrifiant cyniquement les moins de 40 ans (déjà nombreux à partir à l’étranger).


Le gouvernement de Nicolas Sarkozy et de François Fillon a commis bien des erreurs de méthode, et parfois des fautes (abolition des droits de succession, discours de Dakar etc.). Mais en matière de protection sociale et de retraites, il a le mérite d’aller dans le sens du courage, du parler-vrai, du pragmatisme et du réajustement nécessaire.

En "Républicain d'autorité" qu'il est (dixit Max Gallo), Nicolas Sarkozy agit sur le réel, quitte à aller parfois trop vite (négocier prend du temps), mais au moins, il ne se contente pas de se gargariser de mots convenus tandis que le bateau tangue.

31a619d69e9bbaff05cb4ceaba486b8d.jpgAu nom de la République (loi la même pour tous, primauté de l'intérêt général), il est temps de freiner ce processus de retour à l'Ancien Régime où les intérêts catégoriels font la pluie et le beau temps (voir à ce sujet l'article pugnace -mais caricatural- de l'historien Jacques Marseille).

 

La réforme des universités (qui touchent souvent le fond en matière de misère déprimante) et la remise à plat des régimes spéciaux de retraite, il faut les faire sans tarder et Sarkozy l’a fait, même si on peut discuter sur telles ou telles modalités contestables.

 

Démagogie racoleuse


La gauche ? On attendrait d'elle un positionnement fort, courageux, fondé sur ses valeurs et ancré dans une lecture lucide du réel (sans quoi aucune vraie réforme n'est possible).

Mais elle désespère ses électeurs.

Si elle ne se ressaisit pas, ne resteront bientôt que les jusqu’au-boutistes démagos, ou les paresseux ancrés dans leurs habitudes, ou les mal-informés, qui se satisfont d’un discours «anti» qui ne mène à rien et qui refuse de dire la vérité aux Français.


Dernier exemple en date de démagogie consternante (ci-dessous), cette publicité racoleuse du Parti Communiste, qui exploite l’image de Guy Môquet (qui ne fut pas résistant anti-nazi mais otage, aux ordres d’un parti à l’époque aligné sur le pacte germano-soviétique) pour recruter la jeunesse d’aujourd’hui….

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Une affiche placardée sur le place de la Mairie de ma commune, et de beaucoup d’autres aussi j’imagine

 

C'est encore pire que si l’UMP s’appuyait sur le de Gaulle de juin 1940 pour recruter en 2007…. Car de Gaulle, au moins, fut un immense résistant, un vrai modèle. Guy Môquet n'était lui qu'un courageux otage foudroyé trop jeune, qui n'avait rien d'un authentique résistant comme le PC en compta plus tard dans ses rangs.

 

Cette "che-guevarisation" opportuniste de Guy Môquet par un parti sans scrupules est pathétique, d’une démagogie à peu près du niveau (grossièreté en moins) de l’ignoble affiche de l’UNEF placardée il y quelques semaines dans les Facs françaises.

220dd2624a20a3a90aa346f1c02ac53d.jpg Ces dernières semaines, on serait bien en peine de relever une parole de gauche responsable, qui explique aux Français que sur l’adaptation de notre protection sociale et de notre système de retraite, il faudrait aujourd’hui une forme d’union nationale, et un effort de tous.

On est bien en peine aussi de retrouver une gauche fidèle à sa mission traditionnelle: la justice sociale effective (pour toutes les générations) plutôt que les privilèges d'une partie de la population.

Faute de faire face aux problèmes, on préfère rester dans la démagogie, dans le discours négatif et le maintien conservateur de tous les avantages acquis des babyboomers, sans avoir le courage de dire qu'en agissant ainsi, on plombe l'avenir de la jeunesse.

 

Un pamphlétaire (Philippe Vasseur) publia il y a quelques années un ouvrage intitulé La droite la plus bête du monde. Je crains qu’aujourd’hui, on puisse retourner l’invective sur la gauche française, «gauche la plus bête du monde» (1)…. A moins que ce soit la plus lâche.

 

 

d3407682166a3c6b78805d84dafe1437.jpgLent suicide


Les grèves massives et coûteuses qui s’annoncent dans les Facs, à la RATP et à la SNCF sont en partie dues aux maladresses ou manœuvres du gouvernement Fillon (loi Pécresse votée en catimini).

Mais elle sont surtout explicables par ce manque de courage d’une gauche conservatrice et démago qui trop souvent méprise le peuple et prend les gens pour des imbéciles (souvenons-nous des sarcasmes essuyés par Ségolène Royal, qui avait eu le mérite d'aller longuement à la rencontre de la population avec ses débats participatifs).

Une gauche qui a renoncé à affronter le réel,renoncé à relever ce défi: appeler les Français à des efforts communs, cesser de caresser dans le sens du poil, afin de sauver du naufrage une jeune génération en voie d’être sacrifiée sur l’autel des avantages acquis des babyboomers.

 

Il n'est pourtant pas trop tard. Les 'fondamentaux' de la société française restent plutôt bons. Mais pour combien de temps? Chaque année de réformes perdues, notre avenir se rétrécit.

Ces grèves à venir (qui vont accessoirement entraver le travail de millions de Français, dont le mien, qui dépend beaucoup d’une SNCF et d’une RATP qui fonctionnent) sont une forme de lent suicide qui ne devrait réjouir personne, à commencer par des responsables politiques de Gauche incapables d’assumer leurs responsabilités, préférant, quand ils parlent devant les caméras (2), la fuite-en-avant d’un conservatisme radoteur plutôt qu'une pédagogie de la réforme à la hauteur des enjeux du XXIe siècle.


(1) Formule à prendre un peu au second degré quand même.... Car tout bien considéré, des gauches comme celle de la Corée du Nord conservent quelques belles longueurs d'avance sur le PS et le PC français...

(2) Car en voix off ou en comité restreint, ces mêmes responsables savent souvent à quoi s'en tenir... mais n'osent en parler clairement aux électeurs: c'est sûr, face à la gangrène, le sédatif fait moins mal que l'opération. Mais à la fin, pour quel résultat?

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