Que l’Education Nationale aille mal, ce n’est pas un scoop, et la Gauche comme la Droite partagent une responsabilité.
Que Nicolas Sarkozy n’ait pas effectué tout l’effort budgétaire nécessaire vis-à-vis de l’éducation, c’est une autre évidence (on en reparlera plus tard dans ce blog, y compris sur les questions de la recherche).
Faut-il, pour le dénoncer, tomber dans l’indécence agressive et obscène?
C’est l’option choisie par l’UNEF, syndicat étudiant bien connu, qui placarde depuis plusieurs jours, sur les campus universitaires, l’affiche ci-dessous.
Deux choses choquent ici.
-D’abord, le slogan, très démago, bien dans le style de l’UNEF (et du PS actuel): on peut ne pas être d’accord (ce qui est mon cas) avec le paquet fiscal octroyé par Nicolas Sarkozy, sans prendre les gens pour des imbéciles finis, et leur faire croire que seuls les «riches» bénéficient des mesures fiscales (c'est beaucoup moins simple que cela).
-Ensuite, et surtout, le portrait de Sarkozy au doigt d’honneur. Tout républicain responsable, à Gauche comme à Droite (1), devrait réagir devant cette atteinte à l’image de la présidence de la République.
Que le locataire actuel de l’Elysée ne plaise pas à une partie de la population, que la coupable dégradation des universités suscite la légitime colère des étudiants... tout cela n’annule pas le respect minimal dû à celui qui tient sa légitimité du suffrage universel des Français.
Hélas, ce principe simple semble bien oublié, y compris par Libération, qui croit voir seulement, dans l’interpellation de trois colleurs d’affiche de l’UNEF à La Rochelle, un «crime de lèse Sarkozy»….
Alors qu’il s’agit en vérité d’un crime «lèse République» (il existe un délit d’offense au chef de l’Etat dans la loi sur la liberté de la presse de 1881).
La bassesse consternante d’une telle affiche dégrade un peu plus la qualité du débat démocratique, confirme l’extrême médiocrité intellectuelle et morale atteinte, hélas, par une certaine «gauche» revendicative…. Et va, au bout du compte, renforcer l’autorité de Nicolas Sarkozy: la légitimité la plus fragile, quand elle est attaquée par des procédés aussi vils, ne peut qu’être consolidée.
Conclusion : l’UNEF veut une priorité à l’éducation? Oui, elle en a besoin! Eduquer l’UNEF est une priorité!
Afin qu’après avoir ravalé sa morgue et sa vulgarité, elle comprenne comment communiquer dans une société républicaine et démocratique sans se comporter en hybride de néo-fascistes de caniveau... ou néo-staliniens de troisième sous-sol, comme on voudra.
En se rappelant (ou en redécouvrant) qu'au contraire du Jean-Paul Sartre des mauvais jours, qui a cru bon écrire que "tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces" (Les mains sales), il faut réaliser encore et encore, avec Albert Camus, qu'"il est des moyens qui ne s'excusent pas" (Lettre à un ami allemand).
C’est au prix de cette réflexion et de ce réajustement de l'éthique critique qu’une vraie contestation des politiques droitières sera possible, à ce prix aussi qu’une vraie Gauche républicaine, respectueuse des citoyens, de la société civile et des institutions, regagnera le cœur des Français.
(1) Au gouvernement, Valérie Pécresse a fait état de son dégoût devant cette campagne d'affichage. On attend les réactions des leaders de gauche...?
Commentaires
Je partage depuis assez longtemps cette vision des choses, à savoir que le débat démocratique bat de plus en plus de l'aile.
Je crois qu'il y a quelque chose qu'il faut toujours garder à l'esprit, c'est qu'une société démocratique ça s'entretient, ça n'est pas spontané et pour la faire péréniser, il faut éduquer les jeunes générations dans ce sens (ça s'appelle l'éducation civique je crois...).
La question serait donc, pourquoi a-t-on arrêté l'éducation à la démocratie et plus largement pourquoi a-t-on arrêté d'entretenir celle-ci comme il le faudrait?
La société ne serait plus capable de porter la démocratie? S'en lasserait-elle? La considérerait comme un acquis au point de se dire qu'on peut lâcher le volant la voiture tournera toute seule?
La question reste ouverte mais je trouve qu'il est interressant de la poser dans un blog qui s'occupe beaucoup de la progression de nouveaux mouvements religieux...
L'éducation civique? Le terme, je l'ai souvent entendu, mais à part dans l'éducation populaire à ses débuts (...) je ne l'ai jamais vraiment constatée. Encore que, à ses débuts, je n'y étais pas, j'en ai juste entendu parler.
J'ai vécu de l'instruction civique. Et franchement, à part apprendre par coeur "tel mandat dure tant d'années" je n'y ai jamais rien vu ni d'intéressant ni d'enrichissant. Si c'est apprendre des leçons sur le fonctionnement de notre société, c'est peut-être mieux que rien mais ça ne pèse pas lourd.
C'est comme lorsqu'on parle d'éducation nationale. Et ceci n'est pas une remise en question du travail des professeurs. En règle générale, il s'agit quand même bien plus d'une transmission de savoir(s) que d'éducation à la vie. D'ailleurs, ce sont des professeurs, et pas des éducateurs. Le terme en dit long, et rebaptiser ce ministère "instruction nationale" ne me choquerait pas, au stade où l'on en est.
J'aimerais voir une vraie éducation à la citoyenneté (et pas seulement au civisme) être mise en place. Mais quels moyens et quelle énergie on se donnerait pour cela? Sommes-nous prêts à en supporter les conséquences? A y perdre nos privilèges, ou nos habitudes?
Une vraie démocratie - et pas une "démocratie bourgeoise" (dixit Jacques Ellul) qui n'est que la démocratie de ceux qui font des profits au détriment de ceux qui doivent subir les décisions auxquelles ils n'ont rien à dire - passerait, me semble-t-il, par une vraie éducation à la citoyenneté.
Mais je ne suis pas expert, vous l'aurez remarqué, de la question citoyenne. Sébastien Fath, votre avis m'intéresse! Car (avec toutes les contradictions que je porte) vous êtes à ce jour ma référence sur la question.
Sur le présent billet, cette réaction insultante de l'unef montre bien que les gens ne sont pas éduqués à la citoyenneté et à la démarche de projets. Car en effet, ces réactions renforcent, comme vous le dites, le pouvoir en place et sa légitimité.
A-t-on le droit de supposer (c'est une question dangereuse, je sais) que l'UNEF sert consciemment les intérêts du pouvoir en place? ou bien est-ce vraiment une erreur d'inconscience?
Le premier commentaire, signé B.C., c'était moi, tsionebreicruoc (je ne sais pas pourquoi ça a mis ces initiales, qui par ailleurs sont les miennes, ayant envoyé le message d'un autre P.C., j'ai peut-être oublié de rentrer le nom et ce serait ce que ça met dans ce cas là...).
Quand je parlais d'éducation civique je faisais bien entendu référence à une vraie éducation civique. En effet la seule chose qui me reste de la mienne, et j'étais bon élève, c'est la liste des départements avec leurs numéros et leurs préfectures, bon c'est sympa quand on voyage en voiture mais pour faire fonctionner la démocratie, c'est assez limité.
Quand je parle d'éducation civique, je fais donc référence à une vraie éducation civique, c'est à dire une éducation qui enseigne le débat et ses règles, qui enseigne la raison et la mesure au sein du débat, qui enseigne le sens du bien commun et les mécanismes qui permettent de faire fonctionner celui-ci. Une éducation civique qui comme vous le soulignez place le projet et donc le soucis de la constructivité au centre, car se devant, toujours dans l'optique du bien commun, d'être le principal soucis des dirigeants . Je ne sais pas si de telles choses ont déjà existé, mais il me semble que ce serait le minimum pour former des citoyens afin que ceux-ci soient aptes à faire péréniser le système.
Si cela ou des choses similaires ont déjà eu lieu, cela renvoie donc aux questions, l'Homme se lasserait-il de la démocratie? N'en verrait-Il plus l'intérêt? Croit-il que la voiture va tourner toute seul ou que la route sera toujours droite pour qu'il lâche le volant?
Encore une fois les questions restent ouvertes et si des liens entre démocratie qui bat de l'aile et renouveau du religieux ne sont forcément pas aussi simplistes, je crois qu'il est bon au minimum d'interroger ses différents éléments et leurs rapports entre eux.
Cordialement
j'étais certain que votre nom était Benoist Courcier. Grâce à vous j'en ai la confirmation ;-)
Vous y êtes presque. Mais votre erreur n'est pas de votre faute.
En effet, mon prénom c'est la forme moderne de Benoist, Benoît. J'ai remis le "s" qui a été remplacé dans le français moderne par un "^" (et je crois que c'est le cas pour tous les mots qui ont un accent circonflexe: tête, pâte, forêt...) pour essayer de faire une difficulté supplémentaire et de plus en général quand on rentre un pseudo, on peut pas mettre l'"^".
Voilà, que vous dire de plus?
"Félicitations!" pourraît convenir.
Cordialement
je vous ai connu plus engagé dans vos prises de position.
Une affiche insolente de la part d'étudiants ce n'est pas grave.
Flinguer les budgets de recherche, détruire l'avenir de nos jeunes c'est ça qui est obscéne
Réponse à Romain Blachier
Ceci n'est pas "une affiche insolente de la part d'étudiants". Si tel avait été le cas, à la manière de l'affichage sauvage 1968, cela ne m'aurait pas posé de problème.
Ceci est une affiche fascisante financée par le principal syndicat étudiant de France, ce qui est tout à fait différent.
Imaginons un instant que chaque syndicat, chaque parti politique traite son adversaire comme la MNEF le fait ici. Nous ne serions pas loin de nous transporter dans l'Allemagne de 1932-33, où tous les moyens étaient bons pour démolir l'adversaire.
Enfin, quand vous parlez de flinguer les budgets de la recherche (en nette hausse dans le dernier budget, soit dit en passant) et détruire l'avenir des jeunes, je suis bien d'accord, c'est très grave.
Mais faire de Sarkozy (qui a ses torts) le seul bouc émissaire d'une situation où la Gauche, malade de sa démagogie, porte elle aussi de lourdes responsabilités, c'est le meilleur moyen de s'enfoncer encore davantage.
Le fait que l'UNEF utilise une telle affiche pour "sensibiliser" n'est pas le plus gros problème avec ce syndicat étudiant.
Je suis moi-même étudiant, et bien que je sois d'accord avec la motivation de la lutte de l'UNEF (j'étudie en Master de sciences humaines et ma section risque de fermer dans les années à venir), je suis répugné par ses moyens d'agir. Pendant la lutte contre le CPE, l'UNEF s'est comporté de manière franchement anti-démocratique. Alors qu'au départ j'étais prêt à m'engager pour leur cause, la manière dont ils ont traité les étudiants m'a dégouté : elle n'a rien à voir avec sa rhétorique démocratique et égalitaire. Lors des votes pour le blocage des facs, ses membres refusaient à tout prix le vote à bulletin secret, changeaient à la dernière minute les horaires de leurs AG, traitaient systématiquement de fascistes tous ceux qui ne voulaient pas bloquer la fac (même s'ils étaient par ailleurs opposé aux CPE)... J'ai même vu des gens êtres intimidés physiquement.
Comme quoi l'UNEF, qui s'autoproclame le syndicat qui veut protéger les droits des étudiants, n'hésite pas à insulter et mépriser les droits de ceux qui ne se conforment pas à sa politique patriarcale.
Le dilemme, c'est que c'est la seule association étudiante qui a assez d'influence pour sauvegarder les droits des étudiants. On ne peut pas nier qu'ils ont aussi obtenu beaucoup de choses en leur faveur.
Mais ce qui se passe en politique au niveau national semble se répéter au niveau local : la démocratie s'érode. L'UNEF est en train de reproduire les mêmes atteintes à la démocratie que la droite qu'elle diabolise tant.
Où est passé la lutte démocratique et respectueuse des droits de chacun?
Martin Luther King et Gandhi doivent se retourner dans leurs tombes.
Le dilemme que vous ennoncez Tim est interressant. Il semblerait qu'il y ait un dilemme de la sorte en Russie avec Poutine, voire en Chine avec le P.C. chinois, Sarkozy et ses amitiés (presse-finance) ne s'inscrit-il pas lui aussi à sa mesure dans ce dilemme?
D'une manière générale il semblerait que se soit un dilemme en vogue à notre époque. Le pouvoir d'achat est privilégié au pouvoir de contrôle que l'on peut avoir sur ceux qui décident de nos destins socio-professionels (les multinationales) et le désir de divertissement prend le pas sur le désir d'une information pertinente et indépendante.
Je noircis le tableau ou c'est bien ce que nous vivons?
je pense que vous avez raison, le tableau est assez noir, mais il manque à mon avis un autre élément de taille : la sécuritarisation à outrance de nos sociétés.
Le pouvoir d'achat, oui, mais pas le pouvoir d'acheter comme bon nous semble. Il faut acheter ce qui nous piègera (et qui nous piège déjà : qui n'est pas accro d'internet? du portable? bientôt de l'adn en puces... et autre trucs "indispensables").
Sécuritarisation qui prend le pas sur la liberté individuelle.
C'est bien la marque d'une époque!
Je suis pleinement conscient de la dimension que vous apportez à la couleur noire que j'ai esquissée.
Je trouve que vous avez raison de le rappeler, car aussi noire puisse être la couleur je crois qu'il faut la décrire telle qu'elle est. Des mauvais constats n'apportent que de mauvaises solutions.
Pour abonder dans votre sens, il se pourraît que nous souhaiterions bientôt la bienvenue dans notre société aux puces RFID. Outil extrême de flicage pouvant fliquer n'importe quelle entité réelle à laquelle cette puce est associée, nous pourrions aussi parler du "Patriot act" américain qui si j'ai bien compris a une vocation mondiale. Tout cela sans compter toute la numérisation des activités humaines qui rendent beaucoup de données de vie de tous accessibles à certaines personnes.
Euh, vous voulez encore du noir? Non, parceque j'en ai en réserve.
A ceux qui en veulent d'autre:
En plus de la numérisation de toutes les activités humaines, nous assistons à la numérisation des savoirs. C'est à dire que là où il y avait des millions, voire des milliards peut-être, de livres imprimés, maintenant les savoirs se font numériser et ne se retrouvent plus que sur quelques disques durs où sont stockés les données que l'on va consulter en ligne. Autrement dit, si il y en a qui un jour veulent faire des autodafés modernes, il n'auront plus qu'à faire un formatage de ces quelques disques durs. Je dis ces quelques disques durs car ces données numérisées sont aussi de plus en plus centralisées. Quand je dis ça, je pense notamment au projet de bibliothèque universelle de Google. Pour courroner le tout, tout cela se trouve entre des mains privées, c'est à dire qui ne sont absolument pas soumises au contrôle des citoyens, donc qui peuvent faire ce qu'elles veulent et acquérir ces banques de savoirs qu'elle pourraient remanier à leur guise du moment qu'elles mettent l'argent sur la table. Là je pense notamment à quelqu'un qui a une façon de voir le monde proche de celle de G.W. Bush, un empire médiatique et qui commence à racheter des sites Internet blockbusters (Myspace, Youtube), à savoir Ruppert Murdoch. Ce dernier n'est qu'un exemple très concret, mais je pense aussi au créationnistes, qui semblent avoir pas mal d'argent, et qui font tout pour essayer d'imposer leur vision du monde aux autres, si ils en ont les moyens pourront-ils résister à cette tentation d'acquérir ces éventuelles grandes banques de savoir? Des banques de savoir qui à l'avenir pourraient devenir les seules sources de savoir. Pourquoi? Ben, parceque c'est quand même super pratique de pouvoir tout consulter par Internet.
A tout cela je peux aussi rajouter deux mots sur toute cette jeunesse qui a été pavlovisée (Pavlov) et qui a de moins en moins de problèmes à réagir au stimuli envoyés par tout ce qui est commercial (de la nourriture à la chanson) de manière favorable.
Je ne cherche pas forcément à voir le noir partout mais je suis franchement attaché à parler de ce qui est et de qui pourrait arriver. Je peux aussi voir d'autres couleurs. Par exemple, depuis assez longtemps j'étais convaincu que la "révolution verte" (chose que je trouve plutôt positive), symbolisée en France par le "Grenelle de l'environnement", aurait lieu et que cela donnerait un second souffle au capitalisme, et il semble que tout cela soit désormais bien parti. Là j'avais vu vert et pas noir.
Pour le reste, l'état du monde actuel et de ce vers quoi il pourrait tendre que je dresse, toujours avec le soucis de dresser un bon constat, ai-je noirci le tableau?
Je voulais quand même ajouter à mon dernier message que quand je parle de toutes ces choses assez peu réjouissantes, ce n'est pas pour coller une dépression à tous ceux qui le lisent, mais étant donné que j'estime que ce sont des états de fait et des préoccupations légitimes, je crois qu'il est bon d'avoir tous ces éléments et risque pour le futur en tête pour avancer et faire en sorte que l'avenir soit le plus réjouissant possible, le plus éclairé possible et non pas le plus illuminé.
Je ne pense pas que c'est un tableau trop noir, ça me semble parfaitement réaliste. Pendant un moment j'ai cru que l'Internet allait vraiment devenir un espace libre et démocratique, mais c'est inquiétant de voir comment ça a pu changer en si peu de temps. J'avais déjà le net il y a six ans, quand j'étais encore ado. A l'époque on ne se faisait pas agresser par la pub à chaque clic de souris... maintenant il est difficile d'ouvrir une page sans qu'une vidéo défile automatiquement, vantant les mérites de je-ne-sais quel dernier produit, ou sans se faire suprendre par un pop-up nous suggérant de s'inscrire à un tournoi de poker en ligne. Maintenant le site de la BBC s'y met également. Et puis, comme vous dites, il y a Rupert Murdoch. Je suppose que s'attaquer au net est la suite logique de la construction de son empire, de son monopole de l'information, mais j'avoue que je ne m'y attendais pas.
Je suppose que le net n'échappe pas aux lois du marché. Il va y avoir de moins en moins de place pour la libre expression sur la toile, et les sites sérieux qui proposent d'informer vont être de plus en plus marginalisés, et remplacés par l' "infotainment". Sur internet il existe une mine de sites et de blogs intéressants et instructifs. Aussi faut-il avoir la volonté de les dénicher. De même il est facile d'être internaute passif : de se servir du net mais de ne pas y participer. Comme quoi, le net est un microcosme qui réflète ce qui se passe dans le monde "réel". On aime mieux regarder Star Academy que d'aller voter, on préfère acheter le dernier modèle d'ipod plutôt que d'apprendre à jouer d'un instrument.
Nous réclamons "du pain et des jeux", sans vraiment nous préoccuper de ce qui se passe en-dehors des murs de l'arène.
Pardon d'avoir mis un peu de temps avant de continuer cette discussion.
Si vous partagez mon constat et mes préoccupations Tim, je trouve aussi que ce que vous dîtes est parfaitement légitime.
Dans ce concensus quasi-généralisé qu'est notre époque, où les seuls qui s'opposent sont, soit des extrémistes qui veulent tout balancer sans avoir la moindre idée de quoi mettre à la place, soit des gens qui s'opposent en permanence pour le principe de s'opposer, ou alors des gens qui n'aiment pas le système actuel mais qui se noient dans différentes soupes ou bouillies contestataires totalement irréalistes alors que pendant ce temps là, c'est cette belle société d'"entertainment" (amusement pour les non-anglophones, le mot anglais revient de plus en plus en France), d'émotion comme une drogue et d'individualisme triomphant sur tous les projets de société ambitieux concernant tous les plans de la civilisation que pourraient mettre en place les humains.
Dans cette société là, il n'est pas désagréable de voir que certaines personnes savent voir qu'il y a certaines choses dont il n'est pas forcément bien de se satisfaire et qu'en ce qui me concerne je trouverais plutôt bon de chercher à dépasser.
Dans cette société là, il n'est donc pas désagréable de voir que l'on peut partager certains constats quant à la réalité du monde d'aujourd'hui et quant à ce vers quoi il pourrait tendre dans le futur. Le tout pour essayer, comme je l'ai déjà dit, d'envisager un futur le plus réjouissant possible, le plus éclairé possible et le plus ambitieux possible sur tous les plans de la condition humaine.
Dans cette société là, pour essayer de remplir les généralités que je viens d'évoquer et essayer de tendre vers elles, je crois que le minimum qu'on puisse faire, c'est de faire en sorte que ces constats soient les plus pertinents possibles et de les partager de la manière la plus intelligente possible, sans chercher à arnaquer intellectuellement qui que ce soit ou à lui dire que si il nous suit il connaîtra les lendemains qui chantent, les vrais changements n'ont lieu que sur le long terme et le stade de l'impulsion du changement n'a même pas encore commencé, je crois qu'il n'y a pour l'heure tout au plus que quelques ferments.
Pour oeuvrer dans ce sens, je voudrais compléter un des messages que j'ai écrit plus haut.
A un moment je dis que ce sont les multi-nationales qui ont entre leurs mains nos destins socio-profesionnels. Je crois qu'au premier abord, on peut se dire que tout cela n'est qu'un trait grossier que l'on pourrait voir écrit sur une affiche de la LCR et bien que je n'ai pas beaucoup d'affinité avec cette organisation je continue de prétendre cela.
En effet, dans le monde d'aujourd'hui, il ne me paraît pas abusif de dire que les Etats ont donné les clés des destins socio-professionels des citoyens aux entreprises et dans le monde des entreprises ce sont les multinationales qui font la loi. Ce sont d'elles que dépendent quasiment tous les réseaux de PME/PMI, ce sont elles qui impulsent les nouvelles façons de travailler, ce sont elles qui décident des niveaux de performance qu'un tissu économique doit acquérir, ce sont elles qui dictent les nouveaux comportements professionnels des salariés, ce sont elles qui prennent en charge tous les besoins des individus, il ne reste plus que la santé et l'éducation, et encore dans ces domaines là aussi c'est le privé qui progresse, ce sont elles qui orientent le progrès technologique, ce sont elles qui informent (même si il reste des bastions publiques à travers le monde dans la télé et la radio, comme l'audiovisuel public français, la BBC, la NHK, la plupart suivent peu ou proue la logique du privé), bref, ce sont elles qui ont entre leurs mains nos destins socio-professionnels.
Alors quelqu'un me dira peut-être que ces multinationales répondent aux besoins et désirs du client. Et bien oui, certes, mais comme elles sont soumises à des impératifs de rentabilité financière de plus en plus forts, elles doivent créer le besoin et le désir, elles doivent faire comprendre à ces individus qu'ils doivent juste acheter leurs produits et leurs services. Pour cela elles doivent entretenir tous les comportements humains qui consistent à enfermer l'être humain dans l'envie, l'égoïsme, l'arogance, elles doivent flatter l'ego et la supériorité de l'individu sur tout le reste, elles doivent faire en sorte que celui-ci réflechisse le moins possible et automatise de plus en plus son acte de consomation en fonction des stimuli envoyés pour cela. Elles doivent donc entretenir tous les comportements qui rabaissent l'être humain dans ses valeurs, qui ne l'incitent pas à la réflexion, bref, qui l'abêtissent dans tous les sens du terme.
Ces multinationales, ce ne sont pas des bêtes informes qui viennent dont ne sait trop où, ce sont des hommes qui les dirigent, les grands actionnaires. En donnant la clé aux multinationales, c'est aux grands actionnaires que les Etats ont donné la clé. Comment s'effectue le contrôle des citoyens sur les grands actionnaires? Il n'y en a pas. Les Etats ne peuvent plus reprendre la clé. On a vendu la démocratie et la citoyenneté. La république (du latin "res publica" singifiant "chose publique") est devenue la réprivée. Les citoyens qui se définissaient par la réflexion sont devenus des clients qui se définissent par l'impulsion. Ils ne pensent plus à la citoyenneté mais au pouvoir d'achat, ils ne cherchent plus à élever leur condition dans tous les domaines de la civilisation mais à entretenir leurs envies, et le mot d'ordre des décideurs de cette société est d'encourager tout cela.
Les grands actionnaires ont pris le pouvoir et les Etats se servent du levier qui leur reste, la force, pour faire respecter voire étendre le système qui permet aux multinationales de fonctionner, l'économie de marché.
Voilà donc où nous en sommes, voilà un constat.
Je n'ai peut-être pas inventé l'eau chaude en écrivant tout cela, mais comme c'est un message qui n'est absolument pas diffusé dans une grande partie de la population, c'est à dire celle qui compte, celle qui fait qu'un mouvement abouti ou pas, cela fait du bien de l'écrire.
Très franchement, j'invite tous ceux qui ont des éléments pertinents à proposer pour remettre en doute ce constat à le faire.
Sinon, c'est un constat qu'il me semble bon de partager et d'enrichir avec d'autres, en espérant que ça touche leur intelligence, qu'ils se posent des questions, qu'ils remettent certaines choses en doute et dans le meilleur des cas qu'ils essaient de chercher d'autres perspectives pour le futur.
Cordialement
P.S.: A l'attention de Sebastien Fath. Je suis conscient que tout cela est un peu hors-sujet et que ça ne se raccorde à votre article que par le fait que ça montre des problèmes de démocratie et de citoyenneté. Si à l'avenir vous préférez que je serre un peu plus mes propos sur les sujets auxquels je participe sur votre blog, n'hésitez pas à me le signaler. Cordialement.