Le Parti Socialiste, le droit à l'outrance et le bus de l'équipe de France (23/06/2010)

martine-aubry_34-3f834.jpgLe premier humoriste de France serait-il, ces temps-ci, le Parti Socialiste?

Auquel cas, sous couvert de défendre (soi-disant) Didier Porte et Stéphane Guillon, remerciés par France Inter, c'est d'abord pour sa pomme (ou sa rose) que le PS monte au créneau. Explication.

Défenseur inconditionnel de la liberté d'expression, du droit de blasphémer et de caricaturer, farouchement hostile aux "groupes d'oppression" qui intentent un procès au moindre dérapage verbal, j'abonde a priori dans le sens du PS: oui, le droit à l'outrance doit être respecté, comme l'ont clamé, mercredi 23 juin, plusieurs ténors socialistes, dont Martine Aubry elle-même.

Mais j'ai grand peur que sur cette question (comme sur d'autres), le PS mélange allègrement des registres pourtant distincts.

 

Aucune restriction du droit à l'outrance

 

images.jpegEn effet, à quoi assistons-nous là ? Non pas à une quelconque restriction du droit à l'outrance (Didier Porte et Stéphane Guillon peuvent continuer ailleurs à exercer leur talent, jouer avec les limites, et banaliser diverses grossièretés en prime time pour les futurs émules d'Anelka -ou du journal L'Equipe, écho racoleur des pires propos de vestiaire-).

Non pas à une décision législative qui empêcheraient, à l'avenir, Porte et Guillon de se livrer à leurs facécies et moqueries (on aime ou pas) sur le physique des gens qu'ils salissent à raison de centaines ou milliers d'euros par heure de prestation (1).

Les médias prêts à faire voltiger l'insolence, mais aussi l'insulte et la plaisanterie bien grasse ne manquent pas en ces temps de téléréalité où les limites du respect de la dignité humaine sont sans cesse repoussées.

 

Régulation des dérapages par la société civile


Aucune menace, donc, à l'encontre du droit à l'outrance.

Ce à quoi nous assistons est une régulation, par la société civile (les acteurs du monde médiatique eux-mêmes, en l'ocurrence Jean-Luc Hees, journaliste d'expérience qui n'a rien d'un pantin). Jean-Luc Hees s'en expliqué de manière fort convainquante dans le quotidien Le Monde: il déplore un comportement de "petit tyran", d'une "grande misère intellectuelle", ce à quoi Philippe Val ajoute que les intéressés Porte et Guillon ont "fait preuve d'une déloyauté constante".

Voilà des motifs sérieux, qui n'ont rien à voir avec une censure d'Etat!

 

Qu'un groupe de presse ou une radio publique vire un journaliste qui dérape fait AUSSI partie de la liberté d'expression, et même du droit à l'outrance, dès lors que cette éviction se fait non pas au nom d'une loi de censure promulguée par l'Etat (qui, elle, menacerait effectivement le "droit à l'outrance" si cher, semble-t-il, au PS actuel), mais au nom d'une éthique de groupe, à savoir ici l'éthique de service public.


nicolas-anelka_gnews.jpgLe PS sur les traces de l'équipe de France du Mondial 2010?

 

En prenant ainsi le parti de Guillon et de Porte, le PS croit jouer aux redresseurs de tort. Il prétend défendre la liberté d'expression. Tout faux!

 

En réalité, il copie très exactement l'attitude des joueurs de l'équipe de France, qui au lieu de se désolidariser des grossièretés dégradantes proférées par Nicolas Anelka, a fait grève, calfeutrée dans son bus, par solidarité avec lui. Avec la suite que l'on connaît.

 

Lamentable.

 

 

(1) Sur Canal Plus, Stéphane Guillon gagnait 9000 Euros par chronique. A côté, même la Christine Boutin des grands jours fait figure de gagne-petit.

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