Andrée Chédid, chantre de l'espérance interculturelle (1920-2011) (09/02/2011)

Egypte, Le Caire, France, francophonie, Andrée Chédid, Bérénice d'EgypteLa romancière, dramaturge et poétesse Andrée Chédid nous a quittés il y a trois jours.

Saluer ici sa mémoire s'impose à plusieurs titres.

D'abord pour la qualité de sa plume, limpide, somptueusement élégante, lumineuse. Ensuite, pour la force de son imaginaire méditerranéen, teinté de gourmandise et de mystique (entre Egypte, Liban, Syrie... et France). Enfin, pour cette espérance interculturelle qui ne l'a jamais quittée, et qui irrigue toute son oeuvre.

 Andrée Chédid ne célébrait pas une diversité juxtaposée.

Elle magnifiait la rencontre, la découverte de l'autre, avec ses paris, ses fruits et ses risques. Evitant ce cynisme si courant aujourd'hui, elle avait fait le choix de l'espérance, en dépit de ce caractère dramatique de l'expérience humaine dont elle n'ignorait rien.

 

Grande Dame de la littérature

856662715_ML.jpgJ'ai découvert son oeuvre en Egypte, dans la ville où elle est née. C'est en faisant étudier  sa pièce de théâtre Bérénice d'Egypte à mes élèves cairotes de Première Secondaire, durant plus de deux mois, que j'ai appris à apprécier cette auteure majeure de la francophonie méditeranéeenne.Une Grande Dame de la littérature, et une Grande Dame tout court.

J'ai ensuite savouré plusieurs de ses ouvrages (romans et nouvelles, plus que poésie), comme, par exemple, Néfertiti et le rêve d'Akhnaton, L'enfant multiple ou Derrière les visages.

Andrée Chédid accompagnera encore très longtemps lectrices et lecteurs. Il ya des auteurs sur-cotés, et des auteurs sous-cotés. En dépit de son Goncourt de Poésie 2002, Andrée Chédid fait partie de la seconde catégorie. Son oeuvre n'a pas finie de s'apprécier.

Au travers des événements actuels qui secouent les sociétés civiles arabo-musulmanes, elle résonne même d'une bouillante et prophétique actualité.

 

Bérénice d'Egypte, à rééditer d'urgence!

En guise d'aperçu, voici, pour finir ce trop bref hommage,, quelques extraits de Bérénice d'Egypte, un livre à rééditer d'urgence (éditeurs, ne ratez pas l'occasion !).

Dans cette pièce de théâtre magistrale se lit toute la tension, au coeur de l'expérience égyptienne, entre vertige du pouvoir, tentation de la résignation, et espérance indéfectible (portée par la figure prophétique de Néchoude, ce "mendiant qui ne mendie pas").

Les citations proposées sont extraites de l'édition  originale (Seuil, 1968).

 

Bérénice : "Nos privilèges sont un bandeau sur nos yeux. Sans toutes ces honneurs, peut-être saurons-nous enfin ce que nous sommes !" (p.54)

 

Pshéréni : "Devant l'impossible, même les dieux sont manchots !"

Dion : "Devant l'impossible les hommes découvrent leur véritable mesure" (p.88)

 

egypte,le caire,france,francophonie,andrée chédid,bérénice d'egypteNéchoude : "Terre des grecs, des asiatiques, des barbares, des juifs, des nomades. Terre de toutes les terres et terre de demain, je te chante.

Hommes, j'emprunte tous vos visages, le noir, le jaune, le sombre, le blanc.

Terre sans tyran. Terre sans la peur. Je te réclame. Terre sans la haine, c'est toi que nous voulons.

Sans la grande haine verticale. Sans les petites haines au fond des nids douillets qui éclatent plus venimeuses d'avoir mûri longtemps.

Plus fort: Ah, que l'on me prête une face de taureau pour affronter l'implacable!

Avec douceur: Mais qu'on me donne une face d'agneau pour saluer les humbles.

Je pars avec le vent. Avec le vent.

Race patiente des hommes, partout où vous êtes, je me glisserai. Partout où vous êtes, je me trouverai.

Un temps. 'Celui qui va toujours' est mon nom !" (p.123-124)

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