CASE DEPART, le film de l'été? (09/08/2011)

1943859.jpgC'est souvent imparable: le meilleur moyen de ne pas rater un excellent film populaire, c'est de voir la note de Télérama (la Pravda des bobos). Si Télérama tire à boulets rouge....

C'est que le film, au-contraire de sa critique, est excellent, po-pu-laire et pertinent, dès lors qu'on veut bien remiser dans son poudrier les paillettes de snobisme parisien dont il reste, paraît-il, de bon ton d'abuser pour faire le malin.

Et ce quasi Théorème de Télérama ("Quand Télérama descend un film grand public, il y a des chances qu'il s'agisse d'un -très- bon film populaire") n'a pas raté à nouveau cet été.

CASE DEPART, superbe comédie , est étrillé dans Télérama. Il faut donc, de toute urgence, se précipiter, c'est bon signe pour le film!

Et peu de risque d'être déçu du résultat, à l'image du million-et-demi de spectateurs qui se sont déjà pressés pour découvrir cette remarquable comédie populaire. L'histoire de CASE DEPART? Elle est à découvrir, avec en vedette, les épatants Fabrice Eboué et Thomas Ngijol.

En une phrase, disons qu'il s'agit d'une remontée dans le temps loufoque et instructive, à l'heure de l'esclavage aux Antilles (1780), opérée tout schuss par deux Parisiens d'aujourd'hui confrontés à l'enjeu des origines.

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"Joël" et "Régis" dans de beaux draps....

 

Outre sa gaîté, ses très bons acteurs et son allant (qui font oublier quelques scories et facilités), cette excellente comédie orchestrée de main de maître par  Thomas Ngijol, Fabrice Eboué et Lionel Steketee revêt trois atouts majeurs pour toutes celles et ceux qui aiment réfléchir et progresser en s'amusant.

 

1/ Voici le premier film populaire francophone qui traite de front, intelligemment et sans tabou, de la sinistre réalité  de l'esclavage aux Antilles (à la fois dans ses formes sociales et ses représentations racistes), sujet qui reste par ailleurs très insuffisamment pris en compte dans le travail de mémoire national en France, en dépit de progrès récents; cette seule raison devrait suffir à aller le voir!

 

2/ Tout en maniant très bien l'art de la farce, le film n'est pas prêchi-prêcha ni simpliste. Il est même bien plus subtil qu'une certaine littérature "sciences sociales" enkylosée et victimaire (du style du très décevant "La condition noire" de Pap Ndyiaye).

Le politiquement correct est la plupart du temps évité: on se moque autant du "bounty" arriviste qui renie ses origines que du noir "musulman-quand-ça-l'arrange" qui se survictimise... Et les enjeux de la gestion de l'héritage esclavagiste sont habilement posés, y compris sous l'angle du rôle de la religion (poids du catholicisme colonial de l'époque, peu étudié par les universitaires (1);

 

3/ La conclusion du film fait passer, avec légèreté, un message fort: l'enjeu des origines mérite mieux qu'un mépris en miroir (celui qui l'ignore par lâcheté, ou celui qui le surexploite par opportunisme). Il invite à sortir des discours déresponsabilisants pour ouvrir à la construction d'un avenir mieux assumé.

 

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Avec son sens de la formule, Fabrice Eboué (ci-contre) a résumé sa perception du sujet de cette manière, dans les colonnes du Nouvel Observateur: "Notre génération ne se voit plus comme des Noirs dans une société blanche mais comme des types qui avancent".

 

CASE DEPART en est l'illustration: un film futé et audacieux qui évite les pièges symétriques de la déploration victimaire (du style "Indigènes de la République") et de l'omerta (le "circulez, y a rien à voir" des tenants d'un vieil ordre raciste), pour faire avancer la société sur un socle de responsabilité commune, construisant la République française et l'Europe du XXIe siècle. Il "corrige nos vices en s'amusant" (Molière).

 Concilier éducation civique, rire franc et apprentissage d'une identité sereine?

C'est possible, courrez voir CASE DEPART, un film qui fait du bien.

 

(1) On notera avec d'autant plus d'intérêt cette précieuse étude publiée en 2006: Philippe Delisle, Catholicisme, esclavage et acculturation dans la Caraïbe francophone et en Guyane au XIXe siècle (2006)

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