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CASE DEPART, le film de l'été?

1943859.jpgC'est souvent imparable: le meilleur moyen de ne pas rater un excellent film populaire, c'est de voir la note de Télérama (la Pravda des bobos). Si Télérama tire à boulets rouge....

C'est que le film, au-contraire de sa critique, est excellent, po-pu-laire et pertinent, dès lors qu'on veut bien remiser dans son poudrier les paillettes de snobisme parisien dont il reste, paraît-il, de bon ton d'abuser pour faire le malin.

Et ce quasi Théorème de Télérama ("Quand Télérama descend un film grand public, il y a des chances qu'il s'agisse d'un -très- bon film populaire") n'a pas raté à nouveau cet été.

CASE DEPART, superbe comédie , est étrillé dans Télérama. Il faut donc, de toute urgence, se précipiter, c'est bon signe pour le film!

Et peu de risque d'être déçu du résultat, à l'image du million-et-demi de spectateurs qui se sont déjà pressés pour découvrir cette remarquable comédie populaire. L'histoire de CASE DEPART? Elle est à découvrir, avec en vedette, les épatants Fabrice Eboué et Thomas Ngijol.

En une phrase, disons qu'il s'agit d'une remontée dans le temps loufoque et instructive, à l'heure de l'esclavage aux Antilles (1780), opérée tout schuss par deux Parisiens d'aujourd'hui confrontés à l'enjeu des origines.

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"Joël" et "Régis" dans de beaux draps....

 

Outre sa gaîté, ses très bons acteurs et son allant (qui font oublier quelques scories et facilités), cette excellente comédie orchestrée de main de maître par  Thomas Ngijol, Fabrice Eboué et Lionel Steketee revêt trois atouts majeurs pour toutes celles et ceux qui aiment réfléchir et progresser en s'amusant.

 

1/ Voici le premier film populaire francophone qui traite de front, intelligemment et sans tabou, de la sinistre réalité  de l'esclavage aux Antilles (à la fois dans ses formes sociales et ses représentations racistes), sujet qui reste par ailleurs très insuffisamment pris en compte dans le travail de mémoire national en France, en dépit de progrès récents; cette seule raison devrait suffir à aller le voir!

 

2/ Tout en maniant très bien l'art de la farce, le film n'est pas prêchi-prêcha ni simpliste. Il est même bien plus subtil qu'une certaine littérature "sciences sociales" enkylosée et victimaire (du style du très décevant "La condition noire" de Pap Ndyiaye).

Le politiquement correct est la plupart du temps évité: on se moque autant du "bounty" arriviste qui renie ses origines que du noir "musulman-quand-ça-l'arrange" qui se survictimise... Et les enjeux de la gestion de l'héritage esclavagiste sont habilement posés, y compris sous l'angle du rôle de la religion (poids du catholicisme colonial de l'époque, peu étudié par les universitaires (1);

 

3/ La conclusion du film fait passer, avec légèreté, un message fort: l'enjeu des origines mérite mieux qu'un mépris en miroir (celui qui l'ignore par lâcheté, ou celui qui le surexploite par opportunisme). Il invite à sortir des discours déresponsabilisants pour ouvrir à la construction d'un avenir mieux assumé.

 

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Avec son sens de la formule, Fabrice Eboué (ci-contre) a résumé sa perception du sujet de cette manière, dans les colonnes du Nouvel Observateur: "Notre génération ne se voit plus comme des Noirs dans une société blanche mais comme des types qui avancent".

 

CASE DEPART en est l'illustration: un film futé et audacieux qui évite les pièges symétriques de la déploration victimaire (du style "Indigènes de la République") et de l'omerta (le "circulez, y a rien à voir" des tenants d'un vieil ordre raciste), pour faire avancer la société sur un socle de responsabilité commune, construisant la République française et l'Europe du XXIe siècle. Il "corrige nos vices en s'amusant" (Molière).

 Concilier éducation civique, rire franc et apprentissage d'une identité sereine?

C'est possible, courrez voir CASE DEPART, un film qui fait du bien.

 

(1) On notera avec d'autant plus d'intérêt cette précieuse étude publiée en 2006: Philippe Delisle, Catholicisme, esclavage et acculturation dans la Caraïbe francophone et en Guyane au XIXe siècle (2006)

Commentaires

  • Si vous tenez à aller voir tous les films descendus par Télérama, je vous souhaite bon courage, vous aurez droit à beaucoup de navets aussi. Et surprise, dans les films préférés de Télérama, il doit aussi y avoir pas mal de bon films.

    Je n'avais pas prêté attention à ce film, les prestations télévisuelles des têtes d'affiche m'affligeant régulièrement. C'est un cas rare où les comiques intempestifs de télé haussent leur niveau en passant au cinéma, bravo.

  • Merci JP, et je suis bien d'accord avec vous!

    En fait, je parle de Télérama sous l'angle "Qui aime bien chatie bien". Télérama est une bonne revue! Avec nombre d'analyses intéressantes, y compris sur les films.

    Mais il est difficile de passer à côté de son snobisme bobo et de sa tendance à "flinguer" ce qui est populaire (les exemples abondent et depuis longtemps, je pense notamment à "TITANIC" de James Cameron, à l'époque, descendu en flamme).

    En fait, si "Hautetfort" proposait une option "smiley" dans le corps du texte, j'aurais accompagné mes commentaires impertinents sur le "Théorème de Télérama" d'un smiley, histoire qu'on ne s'imagine pas que j'ai un compte à régler avec ce magazine télé qui se défend, globalement, plutôt bien.

  • Je parie que vous n'avez aucun autre exemple à donner que Titanic!
    Et vive Télérama

  • Hahaha !

    Du tac au tac, cher "marco", je vous réponds "Odette Toutlemonde", d'Eric-Emmanuel Schmidt.

    C'est un film populaire charmant et fin, avec une Catherine Frot sublime....

    Mais trop "simple" et trop frais pour Télérama, qui l'a massacré dans sa critique.

    Et j'en passe...

  • On peut également prendre les choses par l'autre bout. Pour Télérama, un film de Woody Allen est forcément bien! Et l'art contemporain est par principe une bonne chose.
    Télérama est l'exemple même d'un journal catho de gauche sans aucune objectivité. Et depuis qu'il fait partie du groupe "La vie - Le Monde" c'est encore pire.
    Il m'est souvent arrivé d'acheter un livre recommandé par cette revue et de l'avoir abandonné. En revanche je partage son engouement pour l'historien des couleurs et de l'héraldique, Michel Pastoureau".
    Comme quoi....
    Bien amicalement! EC

  • Non et non, je ne suis pas un bobo !
    J'avais envie de voir le film dont le sujet m'intéressait. Ce n'est pas Télérama qui m'en a dissuadé, mais... le bande-annonce ! J'ai beau apprécier les deux acteurs, cela ne m'a pas du tout motivé pour le voir, c'est cousu de fil blanc (sans jeu de mot) !
    Peut-être réviserai-je mon avis....

  • Non et non, je ne suis pas un bobo !
    J'avais envie de voir le film dont le sujet m'intéressait. Ce n'est pas Télérama qui m'en a dissuadé, mais... le bande-annonce ! J'ai beau apprécier les deux acteurs, cela ne m'a pas du tout motivé pour le voir, c'est cousu de fil blanc (sans jeu de mot) !
    Peut-être réviserai-je mon avis....

  • Télérama n'a même pas descendu en flamme « Titanic » !
    Il n'a certe pas été enthousiaste mais il n'a jamais dit que c'était un mauvais film.

  • Réponse à Jérôme
    Ah, vous n'êtes pas bobo? Ouf, je peux alors vous répondre.... :-)
    Pour la bande-annonce, entièrement d'accord. On est ici dans le cas où la bande annonce déssert le film (pour beaucoup de comédies, c'est l'inverse : toutes les blagues potables sont dans la bande annonce, et le reste, c'est de la daube).
    Je vous encourage donc en effet à réviser votre avis et à aller voir le film, qui vaut beaucoup mieux que sa pub. Le contenu est parfois étonnamment subtil, notamment dans la réflexion sur les rapports de domination, et le sujet est traité avec une vraie hauteur de vue, sans négliger l'aspect "farce populaire". Molière, je vous dis, Molière!

  • Bonjour,
    Profitant de mes derniers jours de vacances et souhaitant investir 8.70 € à bon escient (en fait 17.40 €, avec mon épouse), j’ai choisi de faire confiance à Sébastien en allant voir Case Départ.
    Je précise en préambule que je n’ai (quasiment) jamais lu Télérama et …… fichtre !!! Serais-je un « bobo » ou un «snob parisien empourpré de paillettes qui s’ignore » ??
    En effet, je dois l’avouer …. heu, … hé bien, …. j’ai moyennement aimé. Puisqu ‘il s’ agit de « couleurs », je dirais qu’on rit « jaune », normal me direz-vous pour de l’humour … « noir » ! Blague à part, je pense que c’est un film plutôt pour des lycéens et qui peut servir de prétexte à débat pour des profs. Car à défaut d’être hilarant, il ouvre une multitude de portes et donc de questionnements : l’hypocrisie religieuse (pas seulement catholique mais aussi musulmane) et son rôle ou position dans l’esclavage, l’ esclavage bien sûr et ses multiples implications et impacts dans l’histoire aussi bien pour les blancs que pour les noirs, l’intolérance, l’immigration, etc.
    Non, le film n’est pas hilarant, mais comment pourrait-il en être autrement, tant la réalité historique de l’esclavage nous rattrape sans cesse et nous rappelle toute son horreur ? Certes, le ton quelque peu décalé du « bounty » et du banlieusard perdus dans ce monde de cruauté fait parfois sourire, mais difficile quand même de s’amuser sur ce registre.
    Après, il y a aussi la qualité des comédiens et du réalisateur …. Malgré une réalisation correcte et des comédiens il est vrai, plutôt bons, le film ne démarre jamais réellement et il manque un peu d’ émotion. Je pense que sur ce registre, les italiens sont meilleurs. Voir par exemple, sur un sujet pas très éloigné (l’immigration et l’intégration) le film « Pain et chocolat » de F. Brusati avec Nino Manfredi (Olivier Speel, je vous le recommande ) .
    Donc en résumé, si vous voulez rire, allez plutôt voir « Les Tuche » (je l’ai pas vu et je ne sais pas ce qu’en dit Télérama, mais il paraît qu’on rit. Bon, le rire c’ est comme les couleurs …). Si vous voulez quand même voir Case Départ et économiser 9 € (ou plus), patientez un peu …. il sera bientôt à la télé.
    Cordialement

  • Pour votre information Bruno...
    LA version internet de la critique de Télérama à la sortie de Titanic est plus soft que la version papier...
    Qui s'était montrée plus sévère, surtout dans sa "chute" finale.
    "Descente en flamme" est certes un peu excessif, autant pour moi. Mais convenez que Télérama s'est très largement distancié du "peuple" qui a eu le mauvais goût d'affluer par millions.
    Je ne dis pas qu'il faut s'aligner systématiquement sur le succès populaire. Je dis seulement qu'il faut savoir reconnaître, analyser et applaudir un grand film populaire, ce que Télérama a très souvent é-nor-mé-ment de mal à faire, pour des raisons de "distinction" (Bourdieu) qui mériteraient une étude sociologique.
    Regardez si vous avez le temps la critique de "Bienvenue chez les chtis": on est là dans la critique gentille mais condescendante, le petit film sympa qui "vaut surtout pour la verve de ses interprètes".
    Reconnaissez que ce "service minimum" systématique face aux films populaires dénote une fâcheuse habitude, très française peut-être, à aborder le "populaire" avec une pince à linge sur le nez....
    Le risque est de déconnecter l'intelligentsia (supposée "de gôche", éclairée, etc etc.) d'un peuple laissé, du coup, en pâture à d'autres interlocuteurs sans doute moins distingués, et parfois moins recommandables, mais aussi moins méprisants.
    VASTE SUJET sur lequel nous reviendrons!

  • Je suis allée le voir suite à votre lecture.... et je vous remercie!
    J'ai beaucoup aimé.
    C'est vrai qu'il y a un peu de "scories et facilités", comme vous dites. Vu les références des deux acteurs principaux, on pouvait un peu craindre...
    Mais le tout est vraiment réussi, bien enlevé, sur un sujet difficile. C'est même assez subtil.
    Et on s'est vraiment bien marré, même mon fils de 12 ans!
    Je vais le recommander à mes élèves, c'est en plein dans le mille sur les questions de "mémoire, identité, vivre-ensemble",

  • Il ne passe même pas à Mulhouse !

  • " Reconnaissez que ce "service minimum" systématique face aux films populaires dénote une fâcheuse habitude, très française peut-être, à aborder le "populaire" avec une pince à linge sur le nez.... "

    Cela voudrait-il dire que les gens ayant cette "fâcheuse habitude" confondraient populaire avec populiste ? (et les leaders politiques qui vont avec). ;-)

  • Moi je trouve ce film plus réussi que "Les visiteurs".
    Je suis contente de l'avoir vu.
    Dommage qu'il n'ait pas autant de public.
    Peut-etre parce que le sujet (l'esclavage) met mal à l'aise pas mal de monde, à moins que beaucoup s'en f..., ce qui prouve a contrario que ce film était vraiment nécessaire pour faire bouger les mentalités!
    Merci pour cette info sur le film, et postez-en d'autres svp

  • Tout à fait d'accord avec l'expression "Pravda des bobos", je serais meme encore plus sévère ...
    Et je vais donc aller voir ce film.

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