Pour la liberté d’expression (affaire Redeker) (02/10/2006)

medium_redeker_robert.2.jpg«Le droit de l'intolérance est donc absurde et barbare: c'est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes.»

(Voltaire, Traité sur la Tolérance)

Jamais je ne pourrais signer un brûlot comme celui qu’a publié Robert Redeker sur l’islam dans Le Figaro du 19 septembre 2006. Et il est normal qu’on lui réponde et qu’on le réfute là où il dérape, comme on en a le droit pour tout texte polémique.

 

Jamais non plus je ne pourrais signer les charges virulentes (et souvent d’une navrante imbécilité) de Michel Onfray contre les monothéismes.

 

Petit rappel, Onfray écrivait, dans son Traité d’athéologie (2005), que «les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l'intelligence; haine de la liberté; haine de tous les livres au nom d'un seul; haine de la vie; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir; haine du féminin; haine des corps, des désirs, des pulsions».

 

A lire cette litanie, une chose est sûre, l’athéisme à la façon d’Onfray ne génère ni la nuance, ni la sérénité, ni la bienveillance pour les milliards de monothéistes qui ne pensent pas comme lui…

 

 

Droit d'expression des mécréants et des imprécateurs


 

Pourtant, il est de notre devoir à tous de défendre avec la dernière énergie le droit d’expression des mécréants et des imprécateurs.

C’est pourquoi il faut s’inquiéter aujourd’hui de ce qui arrive à Redeker, obligé de se cacher par peur d’un coup de couteau ou de fusil, comme il fallait s’inquiéter hier des manifestations violentes contre les caricatures de Mohamet, ou avant-hier des pressions injustifiées de la conférence des évêques de France pour faire interdire il y a un an et demi par le Tribunal de Grande Instance de Paris une publicité qui détournait le tableau La Cène de Léonard de Vinci (en remplaçant Jésus et ses disciples par des femmes).

 

On doit avoir le droit de critiquer ou parodier Jésus, Mahomet ou Bouddha, quitte même à aller jusqu’à cette «pointe extrême de la liberté d’expression», qui consiste à blasphémer.

 

Si Redeker juge le Coran intrinsèquement violent ou si Madonna choisit de se crucifier sur scène pour mieux vendre ses disques, eh bien qu’ils ou elles le fassent et l’assument, car leur liberté est la garante de la liberté des autres, y compris des croyants. Leur irrespect fera mal, réjouira certains et décevra beaucoup d’autres, il fera du débat sur la tolérance une plaie vive, mais ce sont là les risques de la liberté.

 

La liberté d’expression est pour tous,

ou bien elle n’est pas!

 

Les menaces de mort contre Robert Redeker sont inadmissibles.

Elles menacent de mort non seulement Redeker, mais notre République. En République, les idées, débats, critiques ont vocation à s’entrechoquer sans censure, dans la limite des lois communes. Le délit de blasphème a été définitivement (?) aboli en France avec les lois sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Certains, apeurés peut-être par le raffut des menaces de mort, parlent de le rétablir.

 

Un député UMP, Jean-Marc Roubaud, a même déposé en mars 2006 une proposition de loi dans ce sens (n°2895), qui vise à "interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions".

Le MRAP, entend-on ici et là, ne serait pas contre….

Au Royaume-Uni, Tony Blair a tenté il y a moins d’un an une opération similaire, contrée de justesse suite à une mobilisation d’artistes et d’intellectuels, dont le magnifique Mr Bean, l’acteur Rowan Atkinson.

 

Il faut tenir ferme, ne rien céder faces aux "tigres" de l'intolérance meurtrière, refuser de céder à l'intimidation. Si les Redeker, Onfray et consors scandalisent, qu’on leur réponde avec des idées, pas avec des couteaux ou des baillons législatifs. Après avoir commencé par Voltaire, je lui laisse encore le mot de la fin, comme viatique républicain et laïque:

 

"Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites,
mais je me battrai jusqu'à la mort
pour que vous ayez le droit de le dire."

 

 

Le contraire des fanatiques prêt à tuer, et se tuer, pour éteindre ce droit.

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