Mali: le rôle initial ambigu de la France (10/04/2012)

Jonkers.jpgAlors que la situation au Mali commence tant bien que mal à se clarifier, avec le départ volontaire des putschistes de Bamako, et la course de vitesse entre les rebelles touaregs "laïques" du Nord (qui entendent proclamer leur indépendance) et les groupes jihadistes, comment comprendre?

Après l'avoir simplement citée, je voudrais revenir à la charge, et dire combien il est important d'interviewer et consulter Danielle jonkers, anthropologue rattachée à mon laboratoire GSRL, et spécialiste des sociétés civiles musulmanes au MALI. Son courriel est cliquable ici.

Jeudi dernier, j'ai eu l'occasion d'avoir un échange avec elle, dont je ne donnerai ici qu'un très bref aperçu, histoire de lancer un débat qu'il faudrait amplifier et affiner. 

 

Jihadistes surarmés aux pétrodollars de Khadaffi

En substance, Danielle Jonkers, spécialiste du Mali, souligne le rôle ambigu joué par les autorités françaises. Le gouvernement "légal" précédent était proche des intérêts français. Du fait d'accords bilatéraux (?), ce gouvernement n'a pu désarmer les mouvements djihadistes (comportant des Maliens) revenus de Libye, après la chute rapide du régime de Kadhafi.

Unknown.jpegDu coup, sont arrivés au Nord du Mali des milliers de jihadistes surarmés (grâce aux pétro-dollars de Kadhafi), revendicatifs, qui n'ont fait qu'une bouchée de l'armée malienne, véritablement "hachée menue" sous le feu nourri d'un armement très supérieur au sien. 

C'est face à cette situation périlleuse que des militaires réguliers maliens, de retour du Nord, effarés par les pertes subies, ont finalement renversé le régime, accusé (à juste titre, semble-t-il) de n'avoir rien pu faire pour désarmer ces milliers de jihadistes/réfugiés armés jusqu'aux dents revenus de Libye. La population de Bamako n'a guère protesté, comprenant la situation.

L'objectif des putschistes? Non pas instaurer une dictature militaire ad vitam aerternam, mais remobiliser le pays face à un danger jihadiste largement sous-estimé, doté d'armes puissantes, menace de déstabilisation pour tout le pays.

Mais la France, mécontente de perdre la relation privilégiée avec le gouvernement précédent, a isolé immédiatement les putschistes, ce qui a naturellement contribué à les affaiblir. C'est seulement une fois l'avancée islamiste au Nord largement hors de contrôle, que les autorités françaises auraient commencé à réviser leur point de vue, et souligner, par la bouche d'Alain Juppé, le danger jihadiste dans le Nord.

Dans la foulée, les putschistes ont finalement abandonné le pouvoir, confirmant leur volonté, non pas de déstabiliser le pays, mais au contraire de le remobiliser face à la menace du Nord.

 

Un Ansar Al Dine peut en cacher un autre

Entre temps, la moitié du pays serait plus ou moins passée sous contrôle de ces jihadistes, dont l'une des caractéristiques, souligne Danielle Jonkers, est d'avoir préempté le label Ansar Al Dine. Les jihadistes salafistes surarmés du Nord se réclament en effet de cette étiquette.... qui est aussi celle du principal mouvement musulman "grass-root" (sociétal) du Mali.

Comme si un groupe terroriste français choisissait de s'appeler Action Catholique, par exemple...

En clair, ces salafistes du Nord cherchent à amalgamer deux islams qui n'ont pas grand chose à voir. Le leur, revendicatif, violent et théocratique. Et celui des organisations musulmanes implantées de longue date au Mali, qui cultivent une approche paisible et pluraliste de la vie en commun.

Pour en savoir plus? Il faut, plus que jamais, contacter Danielle Jonkers, du GSRL, qui est une personne ressource essentielle sur le sujet!

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