Un baptiste pionnier du mariage homosexuel: le pasteur Doucé (22/12/2013)

les-zones-dombre-de-la-mort-du-pasteur-douce.jpgParmi les 22 contributions de Normes religieuses et genre (2013), somme magistrale coordonnée par Florence Rochefort et Maria Eleonora Sanna (lien), une étude propose de revenir, à partir de sources nouvelles, sur une des figures les plus étonnantes et les plus sulfureuses du protestantisme évangélique français: le pasteur baptiste franco-belge Joseph Doucé (1945-1990). 

Ce converti baptiste revendiqué (rattaché pendant un temps à la FEEBF) et pasteur des homosexuels, trans-sexuels, sadomasochistes et pédophiles, est le premier à avoir célébré en France, en qualité de pasteur, des unions homosexuelles.

Pour en savoir plus sur cette personnalité hors-norme, l'étude proposée par votre serviteur, aux pages 59 à 70 de l'ouvrage, permet de découvrir comment les institutions religieuses ont géré la provocation Doucé, à une époque où le mariage homosexuel et la question "trans-genre" était beaucoup moins "porteuse", dans le débat social, culturel et politique, qu'en 2013, année de la promulgation d'une loi ouvrant, en France, au mariage homosexuel.

En avant-première, voici ci-dessous un petit extrait de ma contribution. Pour tout lire? Se procurer Normes religieuses et mutations de genre (2013), un livre majeur sur les questions qui imbriquent norme religieuse et débat autour du genre.

 

rochefort.image_.jpgExtrait (introduction): 

"Le pasteur baptiste Joseph Doucé, né le 13 avril 1945 à la lisière de la province du Brabant, en Belgique, est mort assassiné dans des circonstances jamais élucidées quelques jours après son enlèvement à Paris, le jeudi 19 juillet 1990. On ne retrouve son corps que le 24 octobre 1990, dans la forêt de Rambouillet. Sa disparition à "scandale"[1], à l'âge de 45 ans, fermait provisoirement la page, en France, sur l'une des plus étonnantes trajectoires socioreligieuses du XXe siècle.

Le pasteur Doucé reste en effet comme le premier ecclésiastique à avoir assumé ouvertement son homosexualité, et à avoir légitimé, mis en place et célébré régulièrement des unions  de même sexe, appelées "bénédictions d'amour et d'amitié", bien avant que la question devienne timidement à l'ordre du jour dans les principaux états-majors confessionnels européens. Cette "personnalité hors série à l'étrange trajectoire"[2], comme le décrit un de ses biographes, Bernard Violet, gênait tout le monde.

 Esprit libre et transgressif, attiré par les marges les plus controversées, il a défié les institutions religieuses de son temps, suscitant de vives réactions dont a gardé trace un fonds de correspondance archivé par la Société d'Histoire et de Documentations Baptistes de France (SHDBF). Il est ainsi possible de revisiter l’histoire de Joseph Doucé du point de vue baptiste.

Dans son argumentation en faveur des "minorités sexuelles", Joseph Doucé n'a jamais renié le cadre axiologique du christianisme et plus particulièrement du baptisme. Mais il s'est heurté, du côté des institutions religieuses, à un procès en délégitimation religieuse en règle qui révèle, in fine, un paradigme franco-français fixiste, jusqu'à la fin des années 1980, en matière d'enjeux de genre et de sexualité".

Pour citer cet extrait: Sébastien Fath, "Joseph Doucé (1945-1990), un chrétien "mauvais genre" ?, in Rochefort/Sanna (dir.), Normes religieuses et genre (Armand Colin, 2013), pages 59-60.

L'intégralité du texte se trouve aux pages 59 à 70 de l'ouvrage


[1] Françoise d'Eaubonne (préface de Gilles Perrault), Le scandale d'une disparition, vie et œuvre du pasteur Doucé, Paris, ed. du libre arbitre, 1994.

[2] Bernard Violet, Mort d'un pasteur, L'Affaire Doucé, Paris, Fayard, 1994, p.19.

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