Parmi les 22 contributions de Normes religieuses et genre (2013), somme magistrale coordonnée par Florence Rochefort et Maria Eleonora Sanna (lien), une étude propose de revenir, à partir de sources nouvelles, sur une des figures les plus étonnantes et les plus sulfureuses du protestantisme évangélique français: le pasteur baptiste franco-belge Joseph Doucé (1945-1990).
Ce converti baptiste revendiqué (rattaché pendant un temps à la FEEBF) et pasteur des homosexuels, trans-sexuels, sadomasochistes et pédophiles, est le premier à avoir célébré en France, en qualité de pasteur, des unions homosexuelles.
Pour en savoir plus sur cette personnalité hors-norme, l'étude proposée par votre serviteur, aux pages 59 à 70 de l'ouvrage, permet de découvrir comment les institutions religieuses ont géré la provocation Doucé, à une époque où le mariage homosexuel et la question "trans-genre" était beaucoup moins "porteuse", dans le débat social, culturel et politique, qu'en 2013, année de la promulgation d'une loi ouvrant, en France, au mariage homosexuel.
En avant-première, voici ci-dessous un petit extrait de ma contribution. Pour tout lire? Se procurer Normes religieuses et mutations de genre (2013), un livre majeur sur les questions qui imbriquent norme religieuse et débat autour du genre.
"Le pasteur baptiste Joseph Doucé, né le 13 avril 1945 à la lisière de la province du Brabant, en Belgique, est mort assassiné dans des circonstances jamais élucidées quelques jours après son enlèvement à Paris, le jeudi 19 juillet 1990. On ne retrouve son corps que le 24 octobre 1990, dans la forêt de Rambouillet. Sa disparition à "scandale"[1], à l'âge de 45 ans, fermait provisoirement la page, en France, sur l'une des plus étonnantes trajectoires socioreligieuses du XXe siècle.
Le pasteur Doucé reste en effet comme le premier ecclésiastique à avoir assumé ouvertement son homosexualité, et à avoir légitimé, mis en place et célébré régulièrement des unions de même sexe, appelées "bénédictions d'amour et d'amitié", bien avant que la question devienne timidement à l'ordre du jour dans les principaux états-majors confessionnels européens. Cette "personnalité hors série à l'étrange trajectoire"[2], comme le décrit un de ses biographes, Bernard Violet, gênait tout le monde.
Esprit libre et transgressif, attiré par les marges les plus controversées, il a défié les institutions religieuses de son temps, suscitant de vives réactions dont a gardé trace un fonds de correspondance archivé par la Société d'Histoire et de Documentations Baptistes de France (SHDBF). Il est ainsi possible de revisiter l’histoire de Joseph Doucé du point de vue baptiste.
Dans son argumentation en faveur des "minorités sexuelles", Joseph Doucé n'a jamais renié le cadre axiologique du christianisme et plus particulièrement du baptisme. Mais il s'est heurté, du côté des institutions religieuses, à un procès en délégitimation religieuse en règle qui révèle, in fine, un paradigme franco-français fixiste, jusqu'à la fin des années 1980, en matière d'enjeux de genre et de sexualité".
Pour citer cet extrait: Sébastien Fath, "Joseph Doucé (1945-1990), un chrétien "mauvais genre" ?, in Rochefort/Sanna (dir.), Normes religieuses et genre (Armand Colin, 2013), pages 59-60.
L'intégralité du texte se trouve aux pages 59 à 70 de l'ouvrage.
Commentaires
Un tel homme ne peut pâs être converti
Qu'on désapprouve les options du pasteur Doucé sur les questions de sexualité est une chose.
Mettre en doute sa conversion ou son christianisme en est une autre.
Pour avoir dépouillé de nombreuses lettres du pasteur Doucé, je puis dire, du point de vue de l'historien, qu'il n'a jamais cessé de se réclamer de Jésus-Christ, et de se dire baptiste.
Il fallait s'y attendre : voilà que Doucé revient sur le devant de la scène, quoique mort depuis plus de 20 ans. Il avait provoqué bien des soucis au sein de la Fédération baptiste. Et je pense que ce n'étaient là que les prémices : avec le "mariage pour tous" (qui change profondément le sens du mot "mariage"), il y a d'autres "Doucé", embusqués qui attendent le moment propice pour surgir et créer la zizanie dans les Eglises. Les signes avant-coureurs sont déjà bien visibles ici ou là !
Je m'attends à ce que dans les prochaines années, il y ait de nouveaux schismes dans le protestantisme français, conséquence désastreuse de cette loi votée cette année et qui n'a pas fini de créer des troubles.
Bref, à vomir. Et je pèse mes mots.
Les catholiques seront sans doute les seuls qui résisteront à cette vague furieuse.
Les baptistes sont décidément étonnants, on trouve de tout
@Patrick B du| 26/12/2013 :
Allez vomir votre homophobie ailleurs...
A propos de la loi autorisant le mariage homo :
Aucune loi ne modifira les pratiques, mentalités, us et coutumes de nos contemporains.
Jadis les institutions et dirigeants religieux dominant les sociétés ( Calvin, Luther, papes catholiques, dignitaires calvinistes, catholiques, etc..., assassins et tortionnaires légaux d'innocents sans défense) pouvaient contraindre, diriger les pratiques privées et collectives etc..............
Aujourd'hui les mœurs sont libres et les techniques médicales de procréation artificielles sont et seront utilisées autant que possible quoique diront les lois.
Donc la loi sur le mariage pour tous ne fait qu'entériner une évolution achevée et admise par la majorité des populations évoluées.
Les couples homosexuels vivront les mêmes problèmes que les couples hétéros.
Pour vos problèmes de vomissements (peut-être avez-vous accumulé trop de toxines homophobes ?) : http://www.soins-infirmiers.com/antiemetique.php
Et votre soi-disant dieu d'amour, qui a créé l'homme à son image, est-il homosexuel ou hétérosexuel ?
Ou est-il simplement con pour laisser l'humanité dans une telle merde ?
Je rappelle que ce blog a notamment pour fonction de permettre à des avis différents de s'exprimer, autour d'un souci partagé de réfléchir sur les sujets en rapport avec le thématiques de laïcité, religion, évangélisme.
On a le droit de ne pas être d'accord, on a le droit d'être en conflit d'idées, mais sans nier à l'autre le droit de s'exprimer ici. Chacune et chacun est le bienvenu dans ce blog, prière de ne pas exclure, ou appeler l'un ou l'autre à partir "ailleurs".
Le débat c'est ici, dans le respect commun. Merci.
Bonjour — Ah, l'homosexualité. Sujet intéressant puisqu'il convoque quelque chose d'anthropologique (la sexualité), de sociologique (évolution des normes et des valeurs), de poétique aussi (l'amour). Et puis de théologique (quel Dieu pense quoi de ce sujet, son ou ses discours).
S'il est un théologien que beaucoup de chrétiens lisent (catholiques, protestants historiques, évangéliques), c'est Henri Nouwen. Ses vibrants travaux sur le fils prodigue, sur l'amour et sur la grâce trouvent un écho profond chez des gens de sphères différentes. (Pour une fois que les évangéliques, dont je suis, acceptent des sources autres que culturellement et théologiquement immédiates.)
Alors quoi ?
Alors l'homosexualité trouve une voix différente déjà dans le parcours de Nouwen.
Qu'est-ce qui rapproche et qu'est-ce qui distingue Nouwen et Joseph Doucé, plus confidentiel ?
Merci — Bien sincèrement,
L.