Hier s'est tenu à Paris un passionnant colloque intitulé "Pour un dialogue théologique franco-palestinien", sur la base d'un double accent : le sionisme chrétien (mis en perspective par ma collègue Katell Berthelot et moi-même) puis le document chrétien oecuménique Kairos Palestine (Jérusalem, 2009).
Organisé par les amis de Sabeel France et Chrétiens de la Méditerranée, il ne s'est pas uniquement focalisé sur la théologie (sans quoi je n'aurais pas été invité en tant qu'intervenant) mais a cherché à contextualiser les questions délicates traitées, sans oublier le témoignage des acteurs, donc celui, particulièrement puissant, de Mgr Elias Chakour, archevêque de Galilée.
Pour mieux connaître les positions présentées, devant un parterre étoffé (plus de 50 personnes), le mieux est de visiter les sites internets des organisateurs (lien 1, lien 2). Le document Kairos Palestine est quant à lui consultable ici (lien, version intégrale en français).
Nora Karmi, Jean-Arnold de Clermont, Mg Chakour (1er juin 2013)
De mon côté, après avoir rappelé que cette histoire ne se divise pas en "bons" et "méchants" et plaidé pour une désidéologisation du débat, à partir de l'apport de l'histoire, j'ai cherché, à la suite de l'excellente présentation de Katell Berthelot, à expliquer la constitution du sionisme évangélique aux Etats-Unis. Appuyé sur la synthèse magistrale de Célia Belin (Jésus est juif en Amérique, Fayard, 2011), le propos a rappelé la diversité d'un mouvement sioniste chrétien loin d'être monolithique.
Evolution de la géographie confessionnelle: christianisme palestinien en déclin
Mon exposé a décrit le processus de développement et de durcissement de ce sionisme chrétien, fondé sur l'approche dispensationnaliste (lecture de l'histoire en 7 chapitres, "dispensations" divines), en rappelant le lien entre ce processus et les évolutions du contexte confessionnel du Levant:
La géographie religieuse de la région a été marquée par trois phénomènes majeurs:
1. Un déclin significatif du christianisme arabe depuis les années 1960,
2. Une montée, depuis 1967, du mouvement juif messianique (interprété comme un début de réalisation des prophéties),
3. Et l'émergence d'un islamisme vindicatif, nouvelle figure-repoussoir aux Etats-Unis après la chute du Rideau de fer en 1989.
Autant d'éléments qui expliquent les reconfigurations du sionisme chrétien américain, d'abord peu actif dans les années 1950, vers une ligne plus "dure" et plus unilatéralement pro-Israël.
Autour d'un repas oriental succulent et généreux, l'occasion me fut aussi donnée de suggérer aux organisateurs d'essayer d'associer à l'avenir, dans ce type d'événement chrétien, des chrétiens juifs (juifs messianiques). Il s'agit certes d'un groupe numériquement bien plus restreint que celui des chrétiens palestiniens, mais l'associer permettrait de diversifier l'approche et d'éviter un "entre-soi" certes sympathique et intéressant, mais où la dimension juive (indissociable de la dimension palestinienne traitée) apparaît discrète.
Table-ronde de l'après-midi (1er juin 2013)
Commentaires
Pourra-t-on avoir les actes du colloque ? Seront-ils publiés pour ceux qui ne pouvaient s'y rendre ? Merci
EC
Oui oui une publication est prévue!
J’ai lu attentivement tous les documents et en effet, il est clair que la parole n’a pas été donnée aux israéliens (juifs) qui reconnaissent Yéshoua (Jésus) comme Messie… Alors, si cette conférence concerne les "Chrétiens de la Méditerranée", il aurait fallu leur donner aussi la possibilité de s’exprimer…
Mais ce que je trouve qui manque dans votre article, c’est la conclusion de cette conférence (qui est pourtant annoncée sur le programme mis en ligne: http://www.chretiensdelamediterranee.com/la-paix-en-palestine-israel/). Pouvez-vous nous dire qu’elle était la conclusion, M. Fath?