En novembre 2008, le cardinal de Paris Mgr Vingt-Trois avait déclaré:
«Le tout n'est pas d'avoir une jupe, c'est d'avoir quelque chose dans la tête.»
Une phrase de trop?
C’est en tout cas ce qu’a estimé un collectif de femmes, rejoint par des hommes, qui a créé, dans la foulée, le Comité de la Jupe.
Un Comité de la Jupe qui s'installe doucement dans le paysage catholique
Militant pour une meilleure prise en compte des femmes dans l’Église catholique, ce Comité de la jupe s’est structuré, étoffé, doté d’un site internet en plein essor.
Il a organisé hier (11 octobre 2009) ses premières manifs (Paris, Lyon).
Elles n’ont pas rassemblé les masses…. Mais ont permis de médiatiser une protestation qui place, au cœur du discours, le rôle des femmes dans l'église catholique de France.
Les responsables du Comité de la Jupe ne mâchent pas leurs mots.
Tout se passe comme si l'humour douteux de Mgr XXIII avait fait céder la digue: une fissure de trop, et des années d'attentes et d'espoirs déçus qui se déversent dans le débat public?
Interrogées par Le Monde par Stéphanie Le Bars, Anne Soupa et Christine Pedotti soulignent:
"Pour faire face à la crise des vocations, l'Eglise considère qu'il faut redonner aux prêtres une situation d'autorité, faire de la prêtrise un job gratifiant, quitte à marginaliser les laïcs engagés, qui de fait sont surtout des femmes."
Interviewées dans Famille Chrétienne par Samuel Pruvot et Sophie Le Pivain, elles renchérissent:
«Nous ne voulons pas le pouvoir! C’est le discours de ceux qui le détiennent. Quand c’est eux qui exercent l’autorité, c’est un «service», et, quand la demande vient de nous, il s’agit d’une «volonté de puissance»! On est dans un système patriarcal, hiérarchique, où l’autorité vient du haut. À l’opposé d’un système participatif et adulte.»
-Du point de vue de la sociologie du catholicisme, on ne saurait trop conseiller, pour éclairer ce débat, la lecture de l’excellent ouvrage de Céline Béraud intitulé Prêtres, diacres, laïcs, la révolution silencieuse dans le catholicisme français (Paris, PUF, 2007).
S’il n’y avait qu’un seul ouvrage à lire sur les mutations du catholicisme français aujourd’hui ce serait probablement celui-là!
Il analyse avec rigueur et finesse l'extraordinaire reconfiguration qui a touché les paroisses catholiques rançaises suite à l'effondrement des vocations, et le rôle central (pour ne pas dire crucial) joué par les femmes, sans lesquelles nombre de paroisses seraient aujourd'hui en état de coma artificiel.
-Du point de vue de la sociologie du protestantisme, ce débat soulevé par le Comité de la Jupe invite par ailleurs à s’interroger: par la remise en cause d’une certaine forme de sacerdoce au profit de la promotion des femmes et des laïcs, n’a-t-on pas là des éléments de protestantisme qui s ‘expriment à visage découvert au cœur de l’Église catholique de France?
La question mérite d’autant plus d’être posée qu’un évêque a mis les pieds dans le plat.
Pour Mgr Castet, évêque de Luçon, interrogé par Famille Chrétienne, le doute n’est pas permis:
«Leur logique est celle de la Réforme protestante, où seul le sacrement du baptême existe, et où le sacerdoce ministériel n’existe pas. C’est une vision organisationnelle du pouvoir et des compétences»
Famille Chrétienne propose sur son site l’intégralité de l’interview…. De quoi nourrir un débat qui n’est pas prêt de se clore!
Commentaires
Serait pas un peu jaloux des femmes Mrg XXIII ? "Le Comité de la Jupe" ! j'ai cru que c'était une blague ! J'ai réalisé une recherche sur les épouses de pasteurs évangéliques il y a quelques années... il est exact que les choses changent dans ce milieu et que les femmes prennent enfin leur place, ce n'est pas trop tôt...
L'ERF aurait dû aller recruter dimanche dernier afin de rajeunir ses rangs...
La phrase de Mgr XXIII était plus que malheureuse (il s'est excusé, affirmant qu'il avait été mal compris), la création du comité de la jupe avait le mérite de faire une réponse pleine d'humour à notre évêque. Mais je suis réservé lorsque cela prétend s'inscrire dans la durée comme cette manifestation. D'une part, cela risque de braquer une fraction importante de l'Eglise; d'autre part, l'analyse faite est un peu court. L'Eglise n'a jamais été, si je peux me permettre ce barbarisme, mono-hiérarchique et encore moins mono-centrique. Il y a certe une forte hiérarchie fondée sur le sacrement de l'ordre mais ce n'est plus la seule structurante, que ce soit au niveau local ou au niveau mondial. Prenons un exemple, les "nouveaux" mouvements ecclésiaux comme l'Opus Dei ou Sant'Egidio qui sont de formidables flux à travers toute l'Eglise et relativisant en un sens le pouvoir de l'évêque diocésain, qui était très longtemps considéré comme "pape en son diocèse".