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Ellul, suite

14_3270.jpgIl fallait le souligner: si le n°3446 de Réforme cédait au ton hagiographique, le numéro suivant (3447 du 12 janvier 2012) rééquilibre un peu les choses au sujet de Jacques Ellul (voir note précédente).

Un entretien à lire, du philosophe Bernard Stiegler, apporte des nuances très bienvenues sur l'un des thèmes majeurs de la pensée "ellulienne": la critique de la technique.  Lire ici.

Commentaires

  • Je trouve que vous êtes intervenu de façon inconsidérée, M. Fath : la formation d'un saint est quand même un grand moment dans la vie d'une religion. Les protestants font mine de ne pas manger de ce pain là, et font tout pour le camoufler, mais là vous avez tout cassé ; pour un sociologue ça ne va pas du tout.

    Dans le bestiaire de la sainteté protestante on dispose juste de Karl Barth, du Chambon sur Lignon, et encore. C'est vraiment maigre pour une étude et un ou deux de plus ça faciliterait certainement la tâche des scientifiques. Sinon, on est obligé de rentrer dans la notoriété discrète (Rocard ? Les soeurs de Reuilly ? ) et là c'est beaucoup plus compliqué pour observer les phénomènes.

    Qui dit "plus compliqué" dit "budget plus important" ; et, en ces temps de triple a perdu... un ou deux saints de plus cela nous permettrait d'économiser de l'argent.

    Cordialement.

  • Bonjour,

    Je reviens à la charge pour rappeler qu'Ellul, me semble-t-il, n'a jamais dit que la technique, c'était le diable. Il n'a jamais non plus dit qu'elle était "négative", ou qu'elle était mauvaise en soi. Il n'a jamais dit qu'elle n'apportait rien de bon. Au contraire, Ellul reconnaissait les apports de celle-ci, et lui-même utilisait les techniques de son époque. Bref, contrairement à une opinion largement répandue, Ellul n'était pas technophobe!

    Son oeuvre (rappelons-nous de l'expression "briseur d'idoles) était de faire descendre la technique de son caractère sacré et "intouchable". Il pointait donc du doigt tout ce qui faisait défaut dans la technique pour nous faire sortir de l’idolâtrie technicienne (tout ce qui est technique est merveilleux, nous pouvons le faire donc nous devons le faire, etc.) Nous détourner d'une approche de la technique qui nous asservit, en quelque sorte. Il ne critiquait pas la technique, mais le caractère sacré (intouchable) de la technique. Comme si le fait qu'une avancée était technique suffisait pour la valider.

    Regardons l'argent (investissement!) que nous dépensons pour la technique (c'est-à-dire le progrès technologique) et l'information (propagande) qui nous rappelle sans cesse la création et le développement de nouveaux gadgets, la pression qui est mise sur la population pour que chacun ait le dernier truc inutile qui vient de sortir avec la honte au front lorsque la personne est suffisamment arriérée pour ne pas le posséder (comment, tu n'as pas la télé chez toi? mais comment peux-tu vivre sans télé? etc.), comme si la croissance technicienne faisait grandir l'homme. Face à cette pression, Ellul nous rappelait que le progrès technique existe (même s'il n'est pas globalement très important et apporte souvent plus de difficultés qu'il n'en résout), mais qu'il ne nous faut pas considérer la technique comme le 'tout' du progrès de l'homme : l'humain lui semblait avoir régressé, justement, depuis qu'il est pris au piège de la technique. D'ailleurs nous sommes aujourd'hui, surtout au niveau énergétique, presque tous convaincus de la folie de nos comportements, folie que nous avons un mal fou à recadrer, parce que la somme de nos comportements individuels est trop lourde de conséquence.

    Pour finir, juste un exemple concernant les difficultés du progrès technique. La médecine a énormément progressé pour sauver des vies. On sait greffer des organes vitaux, c'est extraordinaire. Le problème, c'est qu'il faut trouver des organes qui soient en bonne santé, et surtout qui soient frais. Où trouver ces organes (comme ils sont vitaux, ce ne peut être un don d'organes prélevé sur une personne en vie)? Un seul 'endroit' : les accidents de voiture. Nous sommes donc devant un choix : soit réduire les accidents de la route, soit réduire les opérations merveilleuses. L'exemple est caricatural, mais nous abordons là le fond du débat. Je reconnais que la manière n'est peut-être pas bonne, qu'elle est caricaturale, mais la manière globale actuelle, qui est d'accepter sans critique toute nouveauté ne peut que nous amener... heu... là où nous sommes parvenus (devant le mur)?

    Voilà. Mais pour rester dans le fil de votre discussion, Sébastien, merci de montrer que dans Réforme on peut aussi ne pas être d'accord avec Ellul, le critiquer, etc. D'une part, nous ne pouvons pas dire, de manière générale, que Jacques Ellul soit encensé dans Réfome (d'où, sans doute, votre étonnement de l'autre jour) : Ellul n'est toujours pas aimé - et en soi ce n'est pas grave! D'autre part, il serait bon que ceux qui le critiquent le lisent sans le caricaturer... pour être crédibles et ne pas propager des idées reçues, caricaturales elles aussi. Je le réaffirme : Ellul n'était pas technophobe. Il se méfiait de la technique, cherchant à inciter les dirigeants à étudier les conséquences de ces nouveautés avant de les mettre sur le marché. Mais on voit bien, avec la folie des téléphones mobiles et du wi-fi, que tout est largement répandu chez tout le monde alors même qu'aucune étude sanitaire fiable n'a été diffusée. Et s'il en existe, comme je le crois, elles sont cachées ou discréditées, au nom de la modernité (eh bien oui, nous dit-on : nous n'allons tout de même pas retourner à l'âge de la bougie...)

  • Merci beaucoup Lionel pour ces précisions nécessaires.
    Ellul n'était en effet pas technophobe, il n'était pas "luddiste" ni "néo-luddiste", et OUI, il est passionnant à lire dans sa critique argumentée de la technolâtrie, qu'il serait heureux de combiner avec d'autres lectures (Marcuse, par exemple).

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