"Une défricheuse". C'est ainsi que Bernadette Sauvaget, dans Réforme (n°3406 du 3 mars 2011) avait décrit la théologienne protestante française Valérie Duval-Poujol (de confession baptiste). Heureuse formule.
Car c'est effectivement en "défricheuse" que cette auteure et enseignante à la "Catho", par ailleurs présidente de la commission oecuménique de la Fédération Protestante de France (FPF), s'est rendue dernièrement à Rome au synode sur la famille, au Vatican, en tant que "déléguée fraternelle" invitée es-qualité par l'Eglise catholique.
Bien que les conclusions aient été très prudentes, sans évolution notable dans l'intransigeantisme de l'institution face aux unions homosexuelles ou à l'accueil des divorcés/remariés, ce synode ne se réduit pas à un camouflet pour le pape François, comme Odon Vallet l'a décrit (lien).
Il a également été l'occasion d'une réflexion collégiale plus poussée que jamais auparavant, ce que Valérie Duval-Poujol, actrice des débats, ne manque pas de souligner dans un entretien passionnant publié par l'hebdomadaire Réforme (lien).
Commentaires
A propos de la féminisation des noms de métiers ou de fonctions, je trouve regrettable que vous utilisiez à l'instar de bien d'autres, d'horribles et ridicules néologismes comme "auteure", "pasteure" etc.
Toutefois vous dites bien "défricheuse" et non "défricheure", ouf !
J'ai appris que l'Académie française n'a heureusement toujours pas validé ces néologismes et c'est tant mieux.
Tant pis s'il n'y a pas moyen de féminiser certains mots ! Gardons alors le masculin. Si "pastrice" n'est pas très heureux, il n'est pas honteux de dire "Madame le pasteur" ou éventuellement "la pasteur". Quant au féminin d'auteur, il y a "autrice", qui n'est pas un néologisme.
Les Anglais n'ont pas ces problèmes : ils utilisent le même mot au masculin comme au féminin : teacher, photographer etc.
Quant aux Allemands, c'est simple : ils ajoutent "in" pour le féminin : Minister - Ministerin, Lehrer - Lehrerin etc.
L'Académie reconnaît pourtant la légitimité du mot Papesse, tandis que les catholiques se refusent à envisager toute réalité correspondante.
Après le point de vue protestant dans Réforme, il serait intéressant d'avoir celui des Evangéliques à propos de la rencontre de Madame Duval-Poujol avec le Pape. Leurs représentants trouvent-ils eux-aussi cet entretien passionnant ? Je trouve dommage qu'ils ne s'expriment pas davantage.
Je connais bien Valérie Duval-Poujol et je l'ai rencontré après son retour de Rome. J'ai donc eu la primauté de ses photos notamment. Très intéressant... Je lui ai donc posé la question qui brûle les lèvres de tous les évangéliques patentés :
Lorsqu'elle s'est adressée au pape François en le qualifiant de Très Saint Père, a t-elle eu en mémoire les paroles de Jésus en Mathieu 23 : 9 : "Et n'appelez personne sur la terre votre Père car un seul est votre père celui qui est dans les cieux". Cela lui a causé un problème de conscience et avec sagesse, elle a demandé quelle position l'Alliance baptiste mondiale voulait qu'elle adopte. Il s'agit d'une distinction honorifique comme le"Votre majesté" pour la reine d'Angleterre. L'alliance mondiale est tombée d'accord pour Très Saint Père en évitant Mon Très Saint Père. Il s'est donc agit de convenance et de politesse. L'enjeu en valait la chandelle ! Pour le reste, je la laisserai elle-même s'exprimer sur son ressenti et ses conclusions.
Perso, je trouve "auteure" bien moins "horrible" (je vous cite) que "autrice", qui me fait penser à "autruche". Je suis d'accord avec vous sur le fait que la féminisation des mots pose parfois problème. Mais je ne pense pas qu'il faille pour autant dramatiser. De mon point de vue, il est préférable d'éviter les positions trop tranchées sur ce sujet délicat, où l'enjeu est aussi d'être plus attentif à la différence féminine.
Les anglophones ont en effet l'avantage d'utiliser le même mot, qu'il soit féminin ou masculin, et les germanophones ont quant à eux l'avantage d'avoir aussi le genre neutre (Das).
Quant à nous, le masculin et le féminin se font face, et pour désigner des fonctions et les personnes qui les occupent, il me paraît légitime de s'interroger sur l'imposition quasi systématique du masculin.
Tout de même... tout de même... le "Votre majesté" à la reine d'Angleterre peut se justifier bibliquement, car Dieu établit des rois sur les nations, ou des présidents. Mais a-t-il établi un Très Saint Père sur son Eglise ? C'est justement ce que contestent, les protestants, en principe. Essayer de s'en tirer en laissant tomber le "Mon", n'est-ce pas, comment dire, un peu... jésuite.
@Phax34
Il est vrai que Kenneth Copeland s'adressant il n'y a pas si longtemps à ce même pape, n'a pas osé aller plus loin que : My dear Sir, my dear Sir... et pas Most Holy Father : Il faut l'excuser, c'est un américain, mais qu'entendez-vous par "évangéliques patentés" ? Au sens propre il s'agirait des évangéliques officiellement reconnus. Cependant j'ai lu sur un autre site, à propos de cette visite de madame Duval-Poujol au Vatican, qu'elle était elle-même reconnue dans le Conseil National des Évangéliques de France (CNEF), du fait de son appartenance à la FPF. Si c'est le cas, les "évangéliques patentés" ne sont pas si suspicieux que vous l'insinuez, en tout cas ils n'ont manifesté aucune désapprobation.
Bjr, je suis d'accord avec "Jeanne". Rien ni personne ne saurait obliger quiconque à appeler le Pape "Saint-Père". Mais il y a aussi, à l'évidence, une immense fierté d'être désignée comme représentante (légitime à mes yeux, mais bon, en quoi est-ce un honneur si incommensurable?).
Joue-t-on le jeu de ce pape qui me paraît authentiquement humble en se montrant si cosmiquement honorée? C'est une rencontre intéressante entre deux personnes chrétiennes, point barre. Inutile d'en faire le sommet du siècle, car c'est ainsi qu'on soulignerait l'exception, là où la simplicité évangélique réside dans le toujours merveilleux mystère d'une rencontre entre croyants.
gef
Bonjour,
Père, beaucoup le sont, beaucoup sont appelés ainsi, mais nous savons que cette paternité se limite à une certaine sphère. Maître de même est un titre porté par beaucoup, mais si nous appelons maître un avocat, nous savons que ce terme ne signifie pas que l'avocat devient le Seigneur de notre existence. Enfin nous pouvons nommer certaines personnes par leur prénom ou pour d'autres par leurs noms de scène seulement et pourtant ils pourraient s'avérer être nos maîtres, pères, voir nos dieux, sans que nous les nommions ainsi.
Mayol
Soit, mais vos remarques sont hors sujet. Les vieux huguenots refusent d'appeler le Pape "Très saint Père" parce qu'ils contestent le principe même de la suprématie de l'église romaine. Ils nient absolument que l'évêque de Rome soit le successeur de saint Pierre, et le représentant du Fils de Dieu sur terre. Vous ne pouvez donc pas comparer la situation d'un protestant face au Pape avec celle d'un client appelant son avocat "cher Maître" ; mais bien plutôt à Robespierre, à qui on demanderait de ployer le genou devant le citoyen Hughes Capet en lui disant : "Votre Gracieuse Majesté..."