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BHL au piquet, bonnet d’âne à Marianne et au Grand Orient de France

923455317.jpg Qui a dit «Paris vaut bien une messe?» Qui a proclamé «Je vous ai compris»? Qui a prononcé «Alea Jacta Est»?

Si vous répondez respectivement Bertrand Delanoë, Jacques Chirac et Vercingétorix (au lieu de Henri IV, de Gaulle et César), vous rejoindrez notre BHL national au piquet.

Mais ce n’est pas Bernard-Henri Lévy que je veux accabler ici.

Tout le monde a le droit  à l’inculture ponctuelle, même sur le terrain des citations presqu’universellement connues des lettrés.

Et j’ai une certaine tendresse pour BHL, qui parle bien, qui parle clair, et qui dit parfois des choses très justes.

716662934.jpg Les plus gros cancres, et de loin, sont le Grand Orient de France et l’équipe de rédaction de Marianne.

La preuve: le Grand Orient a laissé BHL prononcer une «tenue blanche» (conférence ouverte aux non-initiés le 19 février 2008)  sans qu’aucun auditeur ne le corrige.

L’hebdomadaire Marianne a surenchéri en publiant la dite conférence, sans qu’aucun rédacteur ou relecteur de ce journal ne tique sur l’énorme erreur de BHL. Tournée des bonnets d’âne!

Mais de quelle erreur s’agit-il? Venons en au fait. Dans Marianne de cette semaine, du 11 au 17 mars 2008, Bernard Henri Lévy publie, aux pages 86 à 91, les «dix commandements de la laïcité». Pourquoi pas? Et sur le fond, c’est assez bien dit.

Sauf qu’au début (page 87), on peut lire la chose suivante :

«Le principe fondateur, c’est un chrétien qui l’a posé. (...) C’est saint Paul qui, dans un dialogue avec sa foi d’origine (...) lance son fameux «rendre à César ce qui est à César, rendre à Dieu ce qui est à Dieu».

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N’importe quoi! Le slogan, cité, certes, est «fameux»....

Mais c’est une raison de plus pour ne pas se tromper sur son auteur... Saint Paul ne l’a pas plus prononcé que Bertrand Delanoë n’aurait dit que «Paris vaut bien une messe».

 

186129211.jpg La formule «rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu» est bien-sûr attribuée à Jésus-Christ, et n’apparaît nulle part dans les épîtres de Paul, mais dans les Évangiles attribués à Matthieu (22:21), Marc (12:17) et Luc (20:25).

C'est une des paroles les plus archi-connues prêtées à Jésus, bien au-delà des cercles chrétiens.

Aucun théologien, aucun lecteur de la Bible, aucune notice Wikipedia, aucune anti-sèche de lycéen ne rapportera cette citation à l’apôtre Paul.

Encore une fois, on peut excuser en partie BHL pour cette grosse faute, même s’il aurait pu faire relire son texte par sa concierge ou un de ses multiples assistants occasionnels.

Mais que le docte parterre qui l’a écouté au Grand Orient de France, et les fines plumes de l’hebdomadaire Marianne, n’aient rien vu, rien signalé, rien corrigé donne la mesure de l’inculture religieuse et biblique abyssale qui caractérise aujourd’hui notre pays, y compris dans certaines sphères d’influence. A en faire pleurer Jean Jaurès, qui, lui, maîtrisait à la fois la culture républicaine et la culture biblique.

Inculture religieuse, un enjeu pour la laïcité?

Commentaires

  • Bien vu.

    Mais quant à la phrase « Paris vaut bien une messe », Henri IV ne l'a probablement pas plus prononcée que Bertrand Delanoë. Elle est au rayon des citations apocryphes ( http://www.musee-chateau-pau.fr/pages/page_id18048_u1l2.htm ).

  • Oui certes. ET merci pour le lien.
    En suivant votre raisonnement, on pourrait aussi s'interroger pour savoir si Jules César a réellement dit "Alea Jacta Est", ou même si Jésus a exactement dit la phrase qu'on lui attribue.
    Mais en la matière, là n'est pas le problème.
    Dans tous ces cas, les citations, apocryphes ou pas, sont attribuées à un personnage bien précis, sans concurrence avec un autre.
    Ces personnages sont Henri IV, César ou Jésus, et non pas Delanoë, Vercingétorix et Paul.
    BHL aurait dû réviser ses classiques...

  • Le texte de Saint Paul qu'a probablement voulu évoquer BHL est l'épître aux Romains 13,7 :

    « Rendez à tous ce qui leur est dû : l’impôt à qui vous devez l’impôt, le tribut à qui vous devez le tribut, la crainte à qui vous devez la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur. » (traduction Louis Segond)

    Le problème c'est que ce verset est précédé par les versets 13,1 et 13,6 :

    13,1 : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. »
    13, 6 : « C’est aussi pour cela que vous payez les impôts. Car les magistrats sont des ministres de Dieu entièrement appliqués à cette fonction. »

    Ces versets tendent à donner à César un rôle théocratique. On est donc bien loin de la séparation de l'Église et de l'État de Jefferson (1) ou de la loi de 1905.

    Il faudrait demander aux spécialistes de l'antiquité si la position de saint Paul est très originale par rapport à la position rabbinique traditionnelle de son temps sur ce problème précis des impots. On imagine difficilement un leader religieux s'adresser à des coreligionnaires vivant au beau milieu de la capitale pour leur dire de ne pas payer leurs impots.

    BHL n'est pas le premier à mettre un signe égal entre les paroles de Jésus et la loi de 1905. Il serait intéressant de rechercher quand ce raccourci pour le moins audacieux est apparu dans la littérature pour la première fois. J'ai beaucoup vu ce signe égal dans des comparaisons entre christianisme et islam cherchant à établir une incompatibilité consubstantielle de l'islam avec la démocratie, ce qui ne m'avait pas convaincu.

    Le journal Marianne a publié une réponse à BHL faite par un lecteur nommé Robert Duguet : http://www.marianne2.fr/BHL-ou-l-approximation-historique-au-service-de-la-philosophie_a84662.html

    Aux yeux de ce commentateur, même la théorie fondant la séparation Église-État sur la philosophie de saint Augustin est problématique.

    (1) Lequel, dans sa célèbre lettre à la Danbury Baptist association ne cite ni Jésus, ni l'apôtre Paul, mais uniquement la Constitution des États-Unis.

  • A Ludovic,

    C'est une gentille tentative de sauver la note de BHL en culture biblique que de lui supposer une allusion à l'épître aux Romains, mais un peu forcée. Lorsque BHL écrit :... son "fameux" rendre à César..., c-à-d, renommé, bien connu, il ne fait aucun doute que BHL commet une erreur en l'attribuant à Paul.

    Comme beaucoup d'intellectuels brillants, mais peu versés dans une réelle connaissance biblique, BHL adopte ce poncif du 19° siècle qui veut faire de Paul l'inventeur du Christianisme. Sans doute l''image d'Epinal de Jésus étant trop sympathique et populaire auprès du public, noircir celle de Paul, misogyne, jésuite et autoritaire, semblera toujours plus facile.

    Le fond de la question ne réside pas dans la paternité de la citation, mais dans le sens que lui donne son auteur. Lorsque Jésus répond cette phrase géniale et inimitable, il la fait précéder d'un acte : "Montrez-moi un denier" Sur la pièce de monnaie se voit l'effigie de César. Jésus n'est donc pas en train d'inventer une théorie de la séparation du spirituel et du pouvoir temporel, mais il constate un FAIT : la pièce appartient à César.

    En raison de ce fait, Jésus amène ses auditeurs à tirer la conclusion qui s'impose : les domaines religieux et civils SONT séparés, dans leur nature. Et par conséquent ils doivent, par leurs actes, se plier à cet état de choses. D'où le développement de Paul, de la nécessité de payer ses impôts, respecter les magistrats etc..

    D'où vient cette séparation ?

    D'après Jésus, Paul, et tout l'esprit des Ecritures , d'une volonté expresse de Dieu, puisque c'est lui-même qui, par un contrôle providentiel, met en place les gouvernements terrestres. Ainsi ce n'est pas Paul qui attribue à César "un rôle théocratique", il rappelle seulement que pour le croyant, le Dieu qui a créé les cieux et la terre maîtrise de tout, et les plus grandes autorités terrestres, qui la plupart du temps ne s'en doutent même pas.

    D'après les adorateurs de la laïcité, cette séparation serait le fruit d'un valeureux combat, le trophée de leur haute lutte contre l'obscurantisme inhérent à la religion chrétienne. Je crois qu'un examen impartial de l'histoire ne sera pas long à départager les concurrents. L'abolition de l'esclavage, la dignité de l'enfant, le respect de la femme, les droits de l'homme, toutes ces valeurs n'ont pas trouvé de développement en dehors du judéo-chritianisme.

    Là aussi, il faudra apprendre à reconnaître sur la pièce le profil, avant de pouvoir la rendre à son propriétaire.

    G. Pilsett.

  • J'avais relevé moi aussi cette perle de culture ou plutôt d'inculture de notre ami BHL... A l'avenir, il faudra qu'il fasse relire ses conférences à Arielle Dombasle ! Quelqu'un lui a-t-il fait savoir que c'était la naissance de Jésus et non celle de Paul qui est fêtée chaque année le 25 décembre ?

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