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Le CNEF dénonce la théologie de la prospérité

20120630vatican bank 101.jpgLe quotidien La Croix, sous la plume de Céline Hoyeau, y a fait allusion il y a quelques jours: le principal réseau évangélique français, le CNEF (Conseil National des Evangéliques de France), qui représente plusieurs centaines de milliers de protestants, a rendu public il y a quelques semaines un document important, qualifié par le Christianisme Aujourd'hui de "réquisitoire contre la théologie de la prospérité".

Analyse sans concession d'un courant de pensée qui lie foi et prospérité, ce document est un jalon fort et une source à verser au dossier, plus complexe qu'il n'y paraît, de la "théologie de la prospérité" en milieu évangélique (document CNEF téléchargeable notamment ici).

Commentaires

  • Bien qu'étant membre d'une Union d'Eglises membre associé du CNEF et, qu'à titre personnel, je suis en écho sur biens des points avec le document en question, il me semble que cette prise de position équivaut à fermer la porte assez brutalement à un bon nombre d'Eglises issues des migrations de cette sensibilité en France. Il est a noter aussi que dans le préambule de ce texte les rédacteurs du texte ne mentionnent que les grandes figures anglo-saxonnes de ce mouvement (Meyer, Osteen, etc...) alors que pour contextualiser la question il aurait fallu mentionner le rôle assumé aujourd'hui par certaines Eglises (Paris Centre Chrétien, Charisma, etc...) dans la diffusion de cette théologie dans l'hexagone. Est-ce qu'on a voulu ignorer la réalité française actuelle ou alors éviter une confrontation trop directe pour laisser la porte ouverte au dialogue'? J'ai bien peur que ce soit la première dynamique qui ait prévalu.

  • Merci Jean-Raymond pour cette analyse forte, que je partage pour l'essentiel.

    Plus l'on se plonge dans LA théologie de la prospérité, plus on découvre en effet qu'il y en a plusieurs.

    Le document CNEF est très bien fait: il n'ignore pas la plupart des différents courants.

    Mais en se positionnant de manière très générale, et sous un angle anglo-saxon qui minore effectivement d'autres sources (les courants néocharismatiques français..., ou le Nigéria, qui est un grand foyer de "théologie de la prospérité" à l'africaine), il prend une position "en surplomb", magistérielle, en forme de "réquisitoire" (la formule du "Christianisme Aujourd'hui" est assez juste).

    Dans la logique qui est celle du CNEF, c'est stratégiquement bien vu, car aux yeux du public, la Théologie de la prospérité est très négativement connotée: mieux vaut la dissocier de l'évangélisme "mainstream", ce que vise ce document CNEF, qui comporte par ailleurs une dimension pédagogique efficace.

    Mais dans d'autres logiques, du type pastoral local ou du type anthropologique, il y a certainement d'autres manières de faire. A suivre...

  • Néanmoins, à l'heure où la présence sur internet apparaît comme le mode obligatoire d'existence, le document du CNEF indique dans ses annexes des liens vers deux "gros" diffuseurs en France de l'idéologie de la prospérité : Topchrétien et Enseignemoi. Il semble que les luttes pour l'influence et la visibilité dans le monde évangélique, se déroulent beaucoup plus sur le théâtre des médias que dans les églises. Aussi, si le CNEF ne s'attaque pas nommément aux acteurs de l'évangile de la prospérité en France, le fait de mentionner Topchrétien et Enseignemoi, revient clairement à se positionner en opposition au style évangélique qu'ils représentent.

    La perception et l'usage que le CNEF a d'internet rappelle l'attitude des politiques à l'égard de ce moyen disruptif d'expression : ils n'en ont compris le potentiel qu'avec beaucoup de retard par rapport aux usagers, ils le craignent parce qu'il apparaît incontrôlable, leurs apparitions y sont souvent caractérisé par un côté maladroit et opportuniste.

    La nécessité de capter l'attention médiatique entraîne il me semble une sérieuse perversion des rôles de chaque acteur : On attendrait des fonctionnaires d'un gouvernement qu'ils soient incontestablement compétents en économie et dans les fonctions pour lesquelles ils ont été élus. Cependant il apparaît que pour parvenir à ces fonctions, ils ont en réalité du démontrer plus d'habileté dans la communication que de savoir et de pouvoir réels dans les postes visés.

    Un phénomène semblable se manifeste dans la mouvance évangélique. Le CNEF dans sa constitution et son expression semble s'être fixé comme priorité de donner à l'opinion publique et aux autorités du siècle une image avantageuse des évangéliques. Ce faisant il déçoit obligatoirement les chrétiens évangéliques qui s'attendaient naïvement à ce qu'un organisme censé les représenter, prennent des positions énergiques, ou indique du moins une direction, sur des sujets cruciaux pour eux, comme la déchristianisation des sociétés occidentales, le mariage homosexuel, le sionisme chrétien, l'eschatologie...

    Au lieu de cela dénoncer l'évangile de la prospérité, n'est-ce pas enfoncer une porte ouverte ? d'autres ne l'ont-il pas déjà fait aussi bien ? Mutadis mutandis, on croit entendre les partis politiques qui "dénoncent" à qui mieux mieux le racisme etc. Cependant, en spiritualité comme en politique, l'avenir prévoit un inéluctable rendez-vous entre l'image et la réalité, confrontation qui mettra en évidence la distance qui peut exister entre compétence et discours.

    Si le CNEF veut compter pour de vrai dans l'histoire de l'Eglise, ou du moins dans celle des évangéliques, il faut qu'il commence à s'interroger sur les questions actuelles liées à l'avenir du christianisme, et non qu'il continue à répéter ce que tout le monde sait déjà.

    Gédéon.

  • Bonjour,

    Pour moi, qui connait mal le mouvement évangélique, ce document est important, par son rejet clair de la théologie de la prospérité. Mais cette théologie est quasi consanguine au mouvement, et, plus qu'un rejet, il faudra sans doute une évolution commune des deux "frères" - ou soeurs - pour trouver des choses plus satisfaisantes.

    Ce document est aussi intéressant pour moi, en ce qu'il montre la façon de pensée évangélique, qui est souvent un mystère pour moi.

    Je ne vais pas détailler ce qui me semble être le problème principal, à savoir la façon de lire et de comprendre la bible. Tout est mauvais pour moi ; aussi bien de la "mauvaise" façon (prospérité) que de la "bonne" (cnef) façon. J'ai essayé de comprendre plus finement divers chapitres, tel par exemple "Réussite et prospérité matérielle", tout me parait erroné ; mais je ne vais pas changer les évangéliques, passons à autre chose :-)

    La première chose intéressante est l'étonnante (pour moi) permanence de la notion de réalité. Les évangéliques sont souvent très en phase avec les mouvements contemporains, et souvent de façon très pertinente. Je n'ai jamais compris ni pourquoi ni comment, mais je le vois.

    Par exemple, au chapitre "Un système à sens unique" (p. 7). Il est affirmé que les tenants de la prospérité développeraient des théories non réfutables, donc mauvaises. Et on constate que ça ne marche pas ("La réalité est que..." disent-ils). Et (malheureusement) ils font intervenir la Bible pour résoudre ce problème.

    Mine de rien, que la réalité soit invoquée comme preuve n'est pas si courant, dans un raisonnement d'ordre théologique s'entend. Qui plus est pour évoquer les différences de train de vie entre croyants.

    Ce qui est dit ici est, en gros : "Comme nous constations des différences de train de vie entre nos membres, voyons comment la Parole peut nous aider à résoudre ce problème". Dans les milieux réformés / catholiques, on trouve plutpt des conceptions style : "La grâce de Dieu est pour tous... prenons de la hauteur en compagnie du Seigneur... ".

    Malgré tout le mal que j'en pense, je suis obligé de dire que l'approche évangélique est bien meilleure. Aborder clairement les différences de train de vie entre les membres est fondamental dans la vie d'une société.

    Un second élément positif dans ce document me semble être l'arrivée de la poésie, comme mode d'analyse de texte. Je dis "arrivée", car c'est la première fois que je vois ça dans un document évangélique : le texte biblique est analysé selon son mode de discours, et ce mode n'est plus seulement la lettre, mais par exemple, la poésie ; ainsi, dans "Par ses meurtrissures nous sommes guéris" (p. 15), le texte biblique sur le serviteur souffrant est un "poème".

    Je suis curieux de voir comment cela s'intègre aux conceptions évangéliques car, comment un poème peut-il faire autorité ? Si la Bible fait autorité dans sa totalité comme dans ces parties, comment cela s'applique pour les parties "poèmes" ?

    On peut être en communion avec un poème, on peut en être inspiré, on peut en rechercher le sens, on peut vouloir le vivre, mais on ne peut pas s'en servir comme une autorité qui règlerait notre vie.

    Même un truc comme les dix commandements, que l'on peut considérer comme un poème, est ingérable en l'état. "Tu ne tueras point", par exemple... faut-il ne manger que des oeufs, pour éviter de tuer ?... Certains chrétiens sont pour la peine de mort, d'autres y sont opposés, pourtant tous pensent respecter ce commandement ; il n'est donc pas une autorité qui permet de comprendre l'attitude à suivre devant un problème concret. Il se comprend comme une obligation de respecter la vie, selon ce que l'on comprend de la vie, de la mort, et du crime.

    Donc j'espère que les évangéliques vont continuer d'avancer dans cette voie, et je suis surtout curieux de voir quelles articulations ils vont trouver entre leur approche de la réalité et leur compréhension de la notion de poésie. (et si en plus ils pouvaient mettre l'autorité bibique à la poubelle, ça serait le top).

    Cordialement.

  • @Ista,

    Familier avec le monde évangélique, je peux peut-être vous apporter quelques éléments de réponse au sujet de deux points qui vous laissent perplexes quant à leur pensée sur les concepts de réalité et de poésie.

    1) La réalité pour un évangélique (comme pour tout chrétien) n'est pas seulement la réalité des faits observables, c-à-d les faits que chacun peut objectivement constater. Il existe aussi des réalités invisibles, ou spirtuelles, qui ne peuvent être appréhendées que par la foi. Ceci dit, peut-on invoquer un élément de la réalité observable (tous les chrétiens ne sont pas également prospères) pour confirmer ou infirmer une réalité spirituelle (savoir si les chrétiens devraient être tous prospères) ? Cela vous étonnera sans doute encore, mais la réponse n'est pas oui ou non, c'est selon... il y a en théologie un ensemble complexe de faits, de textes de bibliques à considérer avant de formuler une doctrine.

    Dans la stricte logique vous avez raison, le raisonnement du cnef est auto-destructif : tous les chrétiens ne sont pas également prospères, constatation, donc c'est parce que Dieu ne veut pas qu'il le soient et non parce que ces chrétiens manquent de foi. Puisqu'en effet le cnef aurait pu tout aussi bien appliquer la même déduction au salut : tous les hommes n'obéissent pas à l'Evangile, constatation, il est donc faux d'affirmer que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et de rendre responsables les réprouvés à cause de leur manque de foi. Et cela aurait fini dans une belle dispute entre calvinistes et arminiens.

    Cependant il y a d'autres choses à considérer : les apôtres ont été pauvres et persécutés, or il est inconcevable de les soupçonner d'avoir manqué de foi, puisqu'ils en ont été les propagateurs. La Bible ne dit nulle part que Dieu désire que tous les hommes soient riches, mais elle dit justement (en 2 Timothée) qu'Il désire que tous soient sauvés.

    Les évangéliques ne devraient don pas chercher à excommunier des théories non réfutables (au sens Popperien), mais des théories non réfutables au sens historique et biblique ; vous avez eu raison de pointer cette entourloupe, bien qu'evidemment vous semblez n'avoir aucun respect de la Bible en elle-même.

    2) Comment expliquer que le comité théologique du cnef colle l'étiquette de poème sur le chapitre 53 d'Esaïe ? en colle-t-il d'autres sur le reste des chapitres la Bible, sur le décalogue en particulier ?

    Les évangéliques croient tous au phénomène de l'inspiration divine ; pour eux, le mot poème dans un contexte biblique ne désigne pas une libre production de l'imagination d'un homme, mais le travail de sa pensée sous l'influence de l'Esprit Saint. Un mot résume cette "poésie" d'un genre si particulier et unique, qui résulte du concours de l'âme humaine et de celle de Dieu : prophétie. Le chapitre 53 d'Esaïe est en réalité une prophétie. Le décalogue, déclaration brutale et non-négociable, ne peut évidemment pas se classer dans la même catégorie.

    Ceci dit, le cnef a-t-il eu raison d'employer le mot poème pour Es.53 ? entre initiés je pense que oui, mais vu de l'extérieur c'est vrai que ça fait un peu bizarre. Et puis vous savez, Ista, puisque vous voulez connaître davantage les évangéliques, ils ont plus d'un tour dans leur sac. Une grosse ficelle, quand on est coincé, c'est le recours au grec (que l'interlocuteur est supposé ne pas connaître) : en grec poème, vient du verbe poioo, faire, donc la Bible c'est le poème de Dieu, CQFD.


    J'espère que ces quelques lignes vous auront permis de connaître un plus les moeurs et la mentalité des évangéliques, mais je regrette profondément votre rejet en bloc de "l'autorité biblique", vous devriez vous demander si elle n'est pas de fait, une réalité non réfutable.

    Cordialement,
    Gédéon.

  • @gedeon

    Merci pour l'ensemble de vos précisions, que je trouve très intéressantes.

    Pour ce qui concerne la notion de réalité, je suis plutot conduit à observer ce que font les évangéliques, car j'observe - justement - qu'ils sont très en phase, très en écho (ce qui ne veut pas dire en accord), sur les événements du monde.

    Sur cette question, je ne voulais absolument pas dénigrer la position du cnef, mais juste comprendre comment ça fonctionnait par rapport à ce sujet.

    "Peut-on invoquer un élément de la réalité observable pour confirmer ou infirmer une réalité spirituelle ? ", comme vous dites. Votre question est excellente (d'autant plus que c'est un peu la mienne :-) Et, qui plus est, c'est ce que fait le cnef dans ce document, et c'est justement ce qui est intéressant.

    "Oui et non" dites-vous, pour les évangéliques. J'ai bien compris, je pense, le "non". Mais j'ai moins bien compris le "oui", ni même le "oui et non". (chez les évangéliques s'entend). Compris, chez moi, ça ne veut pas dire que je ne suis pas d'accord, ça veut dire que... je n'ai pas compris.

    Pour ce qui concerne la poésie, par contre, là je pense que je puis donner des leçons aux évangéliques, même s'ils ne sont pas ignorants de la question. D'ailleurs votre description de la poésie me parait très juste, même si vous employez des termes évangéliques. Votre description n'a d'ailleurs rien de très évangélique, du moins si l'on veut bien admettre que un "esprit" puisse inspirer n'importe qui pour n'importe quoi.

    Ce qu'il y a de bizarre, on est d'accord, est que le cnef sorte l'argumentation "poème" pour construire une théologique. Un poème ne se comprend pas de la même façon qu'un autre texte, disent-ils - ce qui est parfaitement vrai - etc, etc, etc.

    Donc, chemin faisant, cela revient à rejeter l'interprétation dite "à la lettre". C'est ça qui est bizarre... et qui serait une excellente nouvelle, de mon point de vue.

    Mon rejet de l'autorité biblique vient de plusieurs points.

    L'un d'eux est l'observation de l'histoire du protestantisme et évangélique. L'autorité de la Bible est censée les mettre sur la voie du Royaume. Or ce n'est pas ce qui s'est produit. Dieu ne l'a pas voulu ainsi.

    L'histoire donne de nombreux exemples où les protestants se sont trompés, quand bien même ils se mettaient sous l'autorité de la Bible : Luther, avec les sorcières ; les protestants français, pendant les guerres de religion (au cours desquelles ils ont été très loin d'être les victimes innocentes que l'on décrit souvent) ; les réformés d'Afrique du sud, avec la ségrégation ; les baptistes, avec l'esclavage ; etc. À chacun de ces événements, les protestants en cause se sont sincèrement mis sous l'autorité de la Parole ; or, ils étaient dans l'erreur.

    Les évangéliques et protestants sont justes des gens comme vous et moi : ils ont fait des choses bien, et des choses pas bien. L'autorité de la Bible n'est pas "seule". Dieu ne l'a pas voulu, pas admis.

    Donc il me semble que l'autorité de la Bible est bien réfutable :-)

    Cordialement.

  • Monsieur ista,

    Désolé de vous contredire, bien que libre à vous d'argumenter de la sorte, mais ce qui me paraît hautement réfutable, c'est précisément la teneur de votre argumentation.

    Ne pas confondre l'autorité de la Bible (c'est-à-dire sa véracité intrinsèque), qui trouve en elle-même sa propre cohérence (notion très importante à saisir, capitale même, et que beaucoup oublient, d'où des égarements fâcheux), et les autorités concurrentes des différentes interprétations d'un tel et d'un tel. La seule chose que cela montre, c'est que certains se sont parfois éventuellement servi de la Bible comme "faire valoir" en croyant bien faire.

    Si des protestants se sont trompés (ils ne sont d'ailleurs pas les seuls), je ne vois pas en quoi le texte biblique est impliqué dans ces erreurs, à part le fait que des gens dans l'erreur s'en soient servi pour justifier leurs actes, voilà tout. Il ne faut pas confondre l'auteur de l'acte avec l'instrument dont il déclare se servir et qui n'engage que sa responsabilité. A ce compte-là, certains auraient justifié les croisades par la Bible, pendant qu'on y est. De plus, majorité n'est pas unanimité.

    Où est-il écrit qu'il faille brûler les sorcières ? Qu'il faille massacrer son prochain ? Qu'il faille pratiquer la discrimination et réduire son prochain en esclavage ? Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, de même faites-le pour eux, au contraire, me semble-t-il, non ?

    Être "sincèrement dans l'erreur", même en invoquant un appui estimé biblique ne fait pas forcément de vous une personne agissant automatiquement avec droiture, soyons sérieux un tant soit peu !

    Il faut quelque peu réviser ce que la Bible dit de la nature humaine, c'est plutôt sur ce plan là qu'est la vérité, non dans nos vues partielles et partiales et dans nos jugements de valeur subjectifs.

    Que les protestants, évangéliques ou n'importe qui d'autre soient des gens comme vous et moi, justement, la Bible ne dit pas le contraire quand elle dit qu'il n'y a pas un juste, pas même un seul ; ça remet un peu les pendules à l'heure, bien que ça déplaise à notre ego humaniste, forcément.

    Un couteau peut servir à couper un gâteau, mais aussi à blesser ou tuer, de là à en déduire que tout couteau est forcément un instrument de meurtre parce qu'on s'en sert de telle ou telle manière, c'est un peu réducteur, court et sommaire, me semble-t-il ; en français, cela porte un nom très à la mode en ce moment : l'instrumentalisation.

    Quant à savoir si Dieu "l'a voulu ainsi ou pas", ce n'est pas à nous d'en juger. "Vos voies ne sont pas mes voies, vos pensées ne sont pas mes pensées" est-il écrit entre autres. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'Il ne force personne et que nous sommes libres de nos choix en pensées, en paroles, et en actes. Nous moissonnons ce que nous avons semé, c'est plutôt ça la vérité.

    La seule chose à mon avis que votre discours tend à montrer, c'est que c'est la nature humaine qui n'est pas crédible dans le fond, et non pas l'autorité de la Bible (j'entends par là sa véracité).

    Bonne soirée.

  • Monsieur Lisbonne,

    "Ne pas confondre l'autorité de la Bible (c'est-à-dire sa véracité intrinsèque), qui trouve en elle-même sa propre cohérence (...) , et les autorités concurrentes des différentes interprétations d'un tel et d'un tel. ", ah !

    Pour vous, "autorité" = "véracité", dans notre cas du moins : la Bible dit vrai de toutes manières. Si on peut se tromper dans l'interprétation, cela ne touche pas le fait que la Bible reste vraie. Une sorte de couteau qui connaitrait la découpe exacte du gâteau à parts égales, mais avec lequel on pourrait quand même tuer son prochain

    Il me semble que c'est une réduction par rapport à la notion d'autorité. Dans tous les milieux protestants et évangéliques, on dit bien que la Bible est la seule _autorité_, c'est à dire que l'on reconnait à la Bible un pouvoir ; ce pouvoir n'est pas de la superstition, mais il vient de la libre adhésion de la personne à Dieu ; à la suite de quoi ce n'est pas seulement une "véracité intrinsèque" que l'on serait libre de faire des erreurs d'analyse si l'on se trompe : la parole de Dieu est autorité, pas seulement véracité.

    Si, pour vous suivre, l'on part de l'idée de véracité intrinsèque cohérente, alors vous avez raison : même Luther peut se tromper, nous sommes d'accord. Mais on n'est plus ni protestant ni évangélique, de mon opinion.

    De plus, cela passe mal avec l'idée de sincérité, je trouve. Si je me mets au service de Dieu, si j'ai la Bible comme référence et que je fasse une erreur d'analyse de façon complètement sincère et qu'on me dise "À oui c'est ça la liberté et la responsabilité humaine gloire à Dieu c'est le plan le chemin mystérieux de l'enseignement etc..." ok... mais... on se fiche de moi : moi, je ne veux pas que le couteau serve à tuer mon prochain, et JE VEUX que Dieu me prévienne si j'en prends le chemin. La Bible ne le fait pas.

    Cordialement.

  • Monsieur ista,

    Vous devriez lire les articles suivants :

    http://www.promesses.org/arts/131p3-9f.html

    http://www.promesses.org/arts/162p19-22f.html

    http://www.promesses.org/arts/163p22-23f.html

    Qui vous donneront je l'espère de bonnes pistes à exploiter y compris sur les "thèses de la prospérité" prétendument évangélique (au sens purement biblique du terme, pas au sens actuel de l'étiquette de dénomination). Ce qui prospère, c'est plutôt le développement de cette supercherie. Là aussi, n'avons-nous pas été prévenus dans l'Ecriture ? Pourtant, les plus ardents défenseurs de cette fable s'appuient sur la Bible et "sincèrement" en plus, n'est-il pas vrai ?

    Effectivement, nous ne sommes pas infaillibles, bien que certains aient le rêve plus ou moins secret de le devenir (histoire de pouvoir). Seul l'homme Jésus Christ - et pour cause - l'a été sur cette terre. L'exception confirme la règle. Il n'y a pas un juste, pas même un seul. Voilà ce que dit l'Ecriture, c'est pourtant clair, et si ça, ce n'est pas vrai... Quant aux avertissements, cherchez bien dans les pages, autant dans celles de l'Ancien que du Nouveau Testament, vous verrez que ce n'est pas ce qui manque. Les meilleurs exemples ? L'histoire du peuple d'Israël (A.T.), Saul de Tarse (N.T.) ! Mais tout dépend de la façon dont nous considérons ces mises en garde, voyez-vous. Et Martin Luther (qui favorisa indirectement de son vivant, par certains de ses propos et prises de position, le développement futur de l'antisémitisme en Allemagne), Jean Calvin, Rudolf Bultmann (théologien "luthérien" libéral) et vous et moi n'échappons pas à la règle. Et à propos, l'apôtre Pierre, qui renia le Seigneur au cours d'une certaine nuit, rappelez-vous. Pourtant, n'avait-il pas été prévenu par Celui qui est la Parole incarnée, le soir même, et avec précision en plus ? Écoutons nous toujours quand Dieu nous prévient ? Ce qui ne l'a pas empêché ensuite de devenir l'apôtre que l'on sait... Car Celui qui prévient pardonnera si l'on chute, si l'on est sincère, justement, et qu'on revient à lui par repentance et à condition de se pardonner entre nous (ça aussi, c'est une leçon biblique). C'est loin d'être le cas pour nous tous, si je ne m'abuse. C'est mon sentiment.

    L'autorité authentique, dont le but ultime n'est JAMAIS de dominer, et le pouvoir sont à mes yeux deux choses bien différentes, là est toute la question, et ce sera ma conclusion.

    Bonne journée.

  • Monsieur Lisbonne,

    La question dont nous débattons n'est pas tant de savoir si l'homme est infaillible, mais si l'autorité biblique est infaillible dans l'hypothèse où un homme se met sincèrement à la suivre, et donc que l'esprit le guide. Cette question est au coeur de la théologie de la prospérité, et aussi au coeur de la confession évangélique.

    La réponse, à ma connaissance, est non.

    Et ce sera ma conclusion.

  • Monsieur ista,

    D'une part, je vois mal comment la théologie de la prospérité pourrait être véritablement inspirée par l'Esprit Saint, alors qu'elle est bibliquement erronée à la base, en face du simple fait que la seule théologie de l'Esprit Saint authentiquement chrétienne et digne de ce nom du point de vue des sources (non déformées) est fondée prioritairement sur la Bible, d'un point de vue doctrinal, et non sur l'expérience humaine qui prétendrait aller outre, comme le font les promoteurs de cette supercherie. Cette remarque est donc à mes yeux un non sens. Cette "question qui serait "au cœur" de cette théologie" est donc d'emblée une question fausse. Logique donc que la conséquence en soit une réponse fausse !

    D'autre part, bis repetita placent, la SEULE personne sur terre qui ait jamais pu suivre et illustrer PARFAITEMENT l'autorité biblique (et pour cause, il a fait plus que la suivre, Il l'a INCARNE littéralement et l'a Lui même déclaré clairement), c'est Jésus Christ de Nazareth. Car il avait, Lui, la parfaite plénitude de l'Esprit Saint, et pour cause.

    L'infaillibilité est donc une des manifestations de la perfection. Voilà pourquoi l'homme ne l'est pas. On peut dire que la vie et la mort du Christ sont celles d'un homme parfait. Or il a accompli l'Ecriture, il le dit lui-même durant son agonie sur la croix. Accomplir, c'est mener quelque chose à son aboutissement, à son plus haut état possible, à sa perfection. Ce qui montre dans son cas l'infaillibilité biblique (sans compter, en plus, les prophéties le concernant). Or, le Christ a démontré, durant toute sa vie, son respect absolu de l'Ecriture. Il n'était pas de confession évangélique, que je sache ! La "sincérité" humaine ne suffit pas, ce ne sera jamais un critère déterminant, surtout quand on ne se fonde comme dans votre propos que sur les exemples négatifs, les échecs (complets ou relatifs), pour prouver sa thèse. La seule chose dans la vie humaine qui peut démontrer la perfection biblique, c'est comment la grâce divine peut transformer les vies en éclairant le cœur humain par l'Esprit Saint. Alors, la Parole est Esprit et Vie. Vous ne pouvez pas estimer le caractère infaillible ou pas de l'autorité biblique à l'aune d'une donnée humaine sujette à des variations. Sinon, c'est une hypothèse fallacieuse, un leurre, en tout état de cause. Baser sa foi chrétienne sur la raison humaine seule, c'est fonctionner par le doute, exactement ce qu'a fait Thomas, et on sait ce qui lui a été répondu.

    En revanche, Celui qui est parfait est le Même, hier, aujourd'hui et éternellement. C'est Lui qui revendique hautement être l'Inspirateur de l'Ecriture, clairement et en des centaines de pages.

    Pouvons-nous en dire autant ? Qui sommes-nous pour juger ? La foi, la vie chrétienne, ne sont pas des théorèmes fondés sur des équations. Et puis pourquoi toujours avoir tendance à regarder à ce qui "cloche" dans l'histoire du christianisme, hein ? Dans ce cas, l'esprit critique finit par devenir un but en soi et tourne en rond en ne devenant qu'une caricature de lui-même, une machine à fabriquer des sophismes et des hypothèses. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il faille devenir des chrétiens "gnangan", naïfs, obtus, ou dénués de tout sens critique. Et les martyrs de la foi ? Et ceux qui eurent en se basant sur la Bible un comportement exemplaire autant que possible durant toute leur vie ? Ah, c'est sûr, le monde préfère parler des autres, c'est comme dans les faits divers... Dans la "sincérité" comme critère d'évaluation, il faudrait peut-être aussi un peu regarder l'autre "face de la médaille", pour être objectif dans ses hypothèses, ne croyez-vous pas ? A moins que majorité = unanimité donc vox populi = vox dei.

    La sincérité humaine est-elle un critère objectif qui prouverait que l'autorité de la Bible n'est pas infaillible, au regard de ce qui précède ? A ma connaissance non, et de loin.

    L’infaillibilité de l'autorité biblique s'est-elle illustrée parfaitement dans une vie ? La réponse est oui, dans celle du Christ, qui en l'ayant offerte au Calvaire suffit à racheter toutes les autres, si elles l'acceptent sincèrement. Voilà où la sincérité a son rôle à jouer.

    C'est ça l'important, beaucoup plus que tous nos raisonnements faillibles.

    Deux dangers ou points de vue extrêmes menacent l'équilibre chrétien de nos jours : le libéralisme d'un côté, et l'orthodoxie morte de l'autre. De la force bipolaire d'attraction / répulsion qu'exerce ce déséquilibre (comme deux aimants qui se repoussent) dérivent tous les autres excès, par réaction.

    Voilà pourquoi je pense pour conclure que l'autorité de la Bible est un garde-fou. A condition d'être bien comprise donc respectée.

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