Au titre des "sources numériques" sur "l'histoire protestante en train de se faire", retenons ce compte-rendu du 2e synode national de l’Eglise protestante unie de France (EPUF) qui a eu lieu à Avignon pendant le week-end de l’Ascension, du jeudi 29 mai au dimanche 1er juin 2014.
Le site du DEFAP fait retour sur cet événement et propose moult liens (en particulier vers le site de l'EPUF), un an après le synode de Lyon qui avait vu l'aboutissement du processus d'union entre l'Église réformée de France et l'Église évangélique luthérienne de France. L'occasion pour son président, Laurent Schlumberger (ci-contre), d'analyser le "chemin parcouru".
Commentaires
Morceaux choisis, ou De la chrétienté prétextante (excusez le néologisme, mais il est "parlant") considérée sous l'angle du consumérisme consensuel à l'ordre du jour, plaire, et ne fâcher personne :
1°) Le pasteur Schlumberger voit venir une plus grande porosité entre confessions chrétiennes. Il a fait allusion aux personnes qui rejoignent l'Église protestante unie. "Elles sont motivées par bien d'autres aspirations, à commencer par l'aspiration à une communauté vivante, où elles seront accueillies, reconnues, nommées, nourries." Et dans ce nouveau paysage, ce ne sera pas tant l'exactitude de la doctrine ou de la morale qui sera un critère de "vérité évangélique", mais bien davantage la "capacité de communion" dit-il.
- Observation personnelle : Oui bien sûr, pourquoi s’embarrasser de "l'exactitude de la doctrine", après tout, n'est-ce pas ? A chacun sa vérité et sa manière de l'appréhender (c'est plus vendeur). Peu importe au fond ce que Paul, Pierre, Jean et Jude ont écrit précisément à ce sujet !
2°) Car "nous croyons que "Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son fils, son unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu'il ait la vie et qu'il l'ait en abondance" (Jn 3,16). Dieu tel que Jésus-Christ le fait connaître n'est pas un Dieu qui se défie du monde ou qui appelle à s'en retirer. Il ne l'a ni condamné, ni rejeté, ni détruit. Il l'aime, il le rejoint, il y plonge, il y manifeste une confiance inconditionnelle et première (...)
- Observation personnelle : Un texte peut devenir un prétexte. Attention avec la complaisance, même voilée ou allusive, vis-à-vis du "monde", justement. Il semblerait que le sens donné au terme "monde" par M. Schlumberger (ou alors, quel manque de clarté !) ne soit pas le même que celui de l'apôtre Jean, non ? : "N'aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père n'est pas en lui ; car tout ce qui est dans le monde, le désir de la chair, le désir des yeux et la confiance présomptueuse en ses ressources [vous avez bien lu], tout cela n'est pas du Père, mais du monde. Or le monde passe, et son désir aussi ; mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours". (1 Jn 2. 15-17, version NBS)
- De plus, dans Jean 3. 16, il est question du monde en tant qu' ensemble des êtres humains = l'humanité - car Dieu est amour et aime tous les humains - il ne s'agit pas du siècle présent géré par l'homme en tant que tel. Peut-être faudrait-il tant qu'on y est concevoir un dictionnaire à géométrie variable pour notre époque... C'est un peu comme lorsqu'on confond l'être humain pécheur et la pratique du péché. Et Dieu sait si ce genre de confusion réductrice est d'actualité.
Ceci dit, je ne parle pas de vivre en reclus, ni d'adopter des attitudes sectaires, ni de se couper des autres, ni de s'enfler d'orgueil, encore moins de prétendre "détenir" la vérité universelle, non : simplement, je suggère de revenir vraiment à la source qu'est la Parole de Dieu, et cette dernière observation va bien au-delà d'une question de texte biblique - débat stérile en fin de compte si on y réfléchit bien - qui "est" ou qui "contient" ladite Parole... Car là aussi il s'agit encore d'un prétexte. Ne pas citer que ce qui nous "arrange", n'est-ce pas...
"Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l'angle". (Ephésiens 2.20, version COLOMBE).
Je considère également que monsieur Schlumberger tient des propos pour le moins surprenants. Si les "doctrines" ne sont plus dignes d'intérêt, pourquoi rester Chrétiens et revendiquer la soumission à la norme qu'est l’Écriture?
Son discours ressemble assez à celui d'un certain Érasme de Rotterdam, (dans sa Diatribe du Libre arbitre, en 1524) et qu'un certain Martin Luther a clairement désavoué pour son relativisme et son peu d'intérêt pour les assertions...
Voici ce qu'écrivait l'historien suisse Gabriel Mützenberg dans l'Introduction ("La Parole en marche") de son livre "La Réforme, vous connaissez ?", Farel 1985 :
Si la Bible est la Parole de Dieu, la méditer est sagesse, la délaisser folie mortelle.
L’Église ne vit vraiment que de ce Verbe souverain. Quand elle le redécouvre, comme Valdo, ses Pauvres de Lyon et les Vaudois au XIIe siècle, les Réformateurs au XVIe, le peuple du Réveil au XIXe et au XXe, elle expérimente une abondante floraison spirituelle. Quand au contraire elle l'abandonne, soucieuse de sa puissance et de son propre éclat, comme si souvent au long de son histoire, elle entre en décadence et ne porte plus que de mauvais fruits.
Notre époque en fournit la démonstration. Si beaucoup d’Églises protestantes de notre Occident se voient près de mourir, c'est qu'après l'avoir placée au centre de leur pensée et de leur pratique, elles en ont peu à peu contesté la valeur et relativisé le message. De telle sorte que cet ABC de la foi étant perdu le mystère en est devenu indéchiffrable, et la rencontre avec Dieu impossible...
Lire la Bible, pour l'homme, c'est le commencement de la sagesse et de la paix. [Fin de citation]
Ce livre était une réflexion sur la question "Qu'est-ce que la Réforme ?", à l'ordre du jour en 1983 à l'occasion de l'année Luther, qui était né en 1483. L'Introduction en était nettement prémonitoire.
A propos de ce dernier mot, le dictionnaire numérique Reverso Littré nous dit : "Terme de médecine. Qui avertit d'avance". On ne saurait mieux dire...
C'est une très belle citation. Comme l'écrivait Luther justement (dans, je crois, son appel à la noblesse chrétienne de la nation allemande), tout ce qui n'étudie pas sans cesse les Écriture est voué à la perdition. Comme le rappelle la citation que vous faites de M. Mützenberg, cher Eric Lisbonne, beaucoup d’Églises protestantes ont délaissé cette Parole et on en voit maintenant les résultats. C'est bien déplorable...