Lors du séjour du pape catholique, du primat anglican et du modérateur de l'Eglise presbytérienne d'Ecosse au Soudan du Sud, du 3 au 5 février 2023, la plupart des médias français se focalisent sur le pape François.
Il faut reconnaître que le pape catholique détient une légitimité et une visibilité internationale qui force l'attention. Et son geste spectaculaire, en avril 2019, lorsqu'il baisa les pieds des belligérants sud-soudanais pour leur implorer la paix et la réconciliation, a marqué les esprits. Par ailleurs, le président sud-soudanais en exercice, Salva Kiir, est un catholique, formé à l'école des missionnaires Comboni.
Il reste que le paysage religieux sud-soudanais est loin de se résumer au catholicisme.
Pour appréhender les réalités confessionnelles locales, il vaut mieux ne pas trop se fier aux chiffres avancés par les états-majors confessionnels.
Dans ce domaine, Vatican News va vite en besogne. Alors que le Soudan du Sud, après 5 ans de guerre civile (et des millions de déplacés, des centaines de milliers de morts) ne compte sans doute que 12,5 millions d'habitants, Vatican News affirme, dans un article publié le 26. janvier 2023, que "52% de la population" serait catholique.
Rappelons qu'au début des années 2000, moins de 40% de la population sud-soudanaise était chrétienne. Aujourd'hui, on l'estime à 52%, peut-être un peu plus. Le reste? De 8 à 10% de musulmans, et les religions traditionnelles (dites "animistes").
Si les chiffres de VaticanNews étaient exacts, cela voudrait dire que tous les chrétiens, au Soudan du Sud, sont catholiques. C'est une énorme exagération.
Pourquoi, des 3 au 5 février 2023, le pèlerinage oecuménique au Soudan du Sud a-t-il réuni trois grands hommes d'Eglise, le primat anglican, Justin Welby, le Dr Greenshields (Eglise presbytérienne d'Ecosse) et le pape François (Eglise catholique) ?
La raison est très simple: les trois Eglises que ces hommes représentent (Eglise anglicane, presbytérienne, catholique) se partagent la majorité du christianisme sud-soudanais.
Dans les faits, l'Eglise catholique du Soudan du Sud pèse, au plan démographique, à peu près le même poids que l'anglicanisme (christianisme de l'ancien pays colonisateur, le Royaume-Uni). L'Eglise catholique et l'Eglise Episcopale du Sud-Soudan (héritière de l'Eglise anglicane) rassembleraient chacune, aujourd'hui, environ 2,5 millions de fidèles.
L'Eglise catholique et l'Eglise épiscopale du Soudan du Sud (ECS) jouent toutes deux un rôle social majeur via réseau d'écoles, de dispensaires etc.
Quant aux presbytériens, ils seraient environ un million, répartis sur plus de 500 congrégations. Resteraient entre 1 et 1,5 million de chrétiens de type pentecôtiste, évangélique de toutes tendances (baptistes, méthodistes, frères, indépendants), prophétique africain, éthiopien...
Au prorata de l'ensemble de la population sud-soudanaise, on compterait donc en 2023 environ 30 à 40% d'animistes/religions traditionnelles, 8-10% de musulmans, 20% de catholiques, 20% d'épiscopaliens, 15% de presbytériens, d'évangéliques/pentecôtistes et autres chrétiens. Sachant que ces univers confessionnels ne sont pas étanches, et qu'il peut exister des phénomènes de muti-appartenance !
Cette diversité chrétienne sud-soudanaise, justifie pleinement le format, et l'objectif, de la visite actuelle du pape François, de Justin Welby et de Ian Greenshields au Soudan du Sud: marquer une concorde oecuménique prophétique, pour un pays vulnérable, lui-même en recherche d'unité, de concorde et de paix.
Commentaires
Bonjour et grand merci pour ces rectifications et surtout pour votre article qui contribue à prendre en considération cet acte oecuménique que j'estime authentique, sincère et dont je regrette absollument l'effacement / invisibilisation médiatique.
Attentif aux propositions de l'ACAT qui ont accompagné le voyage du pape en RDC, j'ai vu qu'il y avait une suite au Sud Soudan. Que cette suite s'inscrit dans uen continuité de plusieurs années; Non seulement avec l'archevêque de Canterbury, mais aussi avec l'Eglise d'Ecosse qui est une Église presytérienne, réforméé - cela ne va pas de soi.
J'ai regardé ça de plus près ce cheminement, ce "pélerinage". Passionnant. Le concept même atteste une réflexion relativement nouvelle d'une ecclésialité "en chemin", synodale - ce mot signifie justement faire "chemin ensemble".
Il est juste de regarder aussi les engagements propres de l'Eglise d'Ecosse, ainsi que ses déclarations conjointes de fraternité, en 2022, tant avec l'Eglise catholique en Ecosse qu'avec l'Eglise épiscopalienne d'Ecosse. Des documents très signifiants et touchants qu'il serait bon, pour moi, de pouvoir lire et partager aussi en français.
Pour pointer ces actes, j'ai donc écrit une page dans mes pages ACAT sur le diocèse catholique d'Angers :
https://www.diocese49.org/visite-apostolique-pelerinage-oecumenique-de-paix-en-rdc-sud-soudan
Je vais y mettre un lien vers votre publication.
Zoltan Zalay,
pasteur EPUdF à la retraîte, Angers.