Pour la deuxième année, le programme "Religions et religiosités minoritaires en ultra-modernité" que je coordonne a conduit ses réunions de travail. Je rappelle que ce programme est l'un des cinq grands axes développés par mon laboratoire, le GSRL. Ce labo anime donc une sociabilité scientifique à plusieurs étages: des séminaires mensuels (pour tout le labo) et des réunions de programme. Ces dernières sont moins fréquentes, car si chaque chercheur peut participer à plusieurs programmes, il est d'autant plus important de ne pas trop multiplier les réunions, sous peine de ne faire que ça...
Pour l'heure, cinq rencontres du programme "Ultra-modernité" ont déjà eu lieu en 2006-2007 sur le site Pouchet du CNRS (d'autres à suivre), ce qui me donne l'occasion d'un rappel rapide.
Première réunion, le 5 octobre 2006. Neuf chercheurs étaient présents, pour le lancement d'une année 2006-2007 sous le signe de la diversité (des terrains, des disciplines).
Outre le tour de table habituel, plus étoffé que d'habitude, séance de rentrée oblige, cette réunion avait pour plat principal une mise au point complète de l'état d'avancement du projet "Dieu change à Paris" (DCP), dont il a été question ailleurs dans ce blog, et dont on peut télécharger les moutures successives sur le blog dédié.
Seconde réunion, le 9 novembre 2006. Devant la même assistance que la fois précédente (neuf chercheurs), votre serviteur a présenté l'étude suivante, appuyée par une projection Powerpoint: "les megachurches, une forme religieuse ultramoderne?"
Le survol, à la fois quantitatif et qualitatif, a pointé à la fois l'inscription des megachurches états-uniennes dans la modernité (adhésion au 'droitdel'hommisme', au "progrès", distinction entre les sphères religieux/politique...), mais aussi les traits qui montrent qu'elles désenchantent cette modernité (distance par rapport aux "grands récits" théologiques, accent sur l'expérience, pragmatisme...). C'est cette articulation qui définit précisément ce qu'on appelle aujourd'hui l'ultra-modernité (phase désenchantée, "désutopisée" de la modernité).
Une autre réunion, prévue le 11 décembre 2006, a été en partie annulée à cause de problèmes de grêves sur le réseau de transport francilien. Disons qu'elle compte pour une demi réunion! L'orateur prévu, Stephen Headley, a reporté son intervention.
Ceci dit, sept d'entre-nous, rescapés des trains de banlieue et du RER, se sont néanmoins retrouvés, l'après-midi, pour évoquer les suites du projet "Dieu change à Paris", passant également en revue un projet plus réduit, intitulé "Plurielles et durables, les cultures musulmanes dans la capitale", développé en partenariat avec l'Institut des Cultures Musulmanes.
On s'est rattrapés avec la quatrième réunion du programme, le 8 février 2007, qui nous a permis de pénétrer, sous l'angle de l'anthropologie, dans l'univers de l'Eglise orthodoxe russe à Moscou aujourd'hui, grâce à l'exposé très suggestif de Stephen Headley, de retour de la capitale moscovite.
16 chercheurs étaient présents pour écouter l'exposé (le record de l'année pour ce programme?). Cette présentation a permis de constater combien la notion d'ultra-modernité, globalement pertinente pour analyser le religieux dans le monde occidental, est relativisable dans d'autres aires culturelles. Stephen Headley a notamment souligné la force du monisme religieux russe (la société est un tout), monisme qui perdure même quand les populations ne sont pas, ou plus, croyantes. La famille nucléaire à l'occidentale n'existe pas, ou peu, les liens familiaux étant bien plus larges, intégrant notamment la notion de "père spirituel" (dukovnik). 600 églises orthodoxes sont actuellement présentes à Moscou, encadrant environ 20% de la population.
Mais l'influence de ces paroisses orthodoxes déborde largement de ces 20%, au travers d'un travail social considérable (repas gratuits etc.).
S.Headley a combiné approche micro-anthropologique (description des pratiques ascétiques, de la dimension 'tactile' de l'orthodoxie, etc.) avec approche théorique. Il a ainsi évoqué notamment John Milbank (Theology and social theory, 1990), proposant une typologie intéressante qui distingue néo-holisme, pseudo-holisme, micro-holisme.
La cinquième réunion du programme "Religions et religiosités minoritaires en Ultramodernité" s'est tenue le lundi 2 avril 2007, en présence de douze chercheurs. Elle a été animée en particulier par un doctorant de l'Université Protestante du Congo à Kinshasa, Sébastien Kalombo Kapuku.
En séjour en France durant quelques mois (encadré par Olivier Abel), Sébastien Kalombo avait manifesté à l'automne le désir de comprendre et d'intégrer une dimension "sciences sociales" à sa recherche. Venu plusieurs fois au GSRL, l'occasion lui a été donnée dans ce programme d'exposer l'état de ses travaux et de ses questions, ouvrant une lucarne fascinante sur un univers socio-religieux méconnu (Kinshasa, une ville d'une superficie de plus de 900 km2, 7,5 millions d'habitants dont très peu d'athées).
Sébastien Kalombo a détaillé deux types pentecôtistes auxquels il s'intéresse particulièrement, le premier (la 30e église inscrite dans l'Eglise du Christ au Congo) de type séparatiste, anti-oecuménique, le second (la 37e église) de type semi-oecuménique, bien inséré dans des logiques de réseau en raison de son rattachement aux Assemblées de Dieu (ADD). Sur ce terrain comme sur celui de Moscou, on se rend compte une fois encore que la notion d'ultra-modernité ne fonctionne pas dans tous les contextes.... Même s'il serait une erreur, à l'inverse, d'imaginer Kinshasa comme à l'écart des grandes mutations qui affectent le monde contemporain: Sébastien Kalombo a par exemple souligné que la 37e église est totalement insérée dans les réseaux transnationaux des Assemblées de Dieu (ADD).
Les deux prochains rendez-vous de ce programme GSRL seront le 3 mai 2007, avec une journée d'étude sur l'Adventisme en France avec participation de R.Dericquebourg, F.Desplan, D.Kounkou, R.Lehman, J.Baubérot, J-P.Willaime et moi-même), puis le 21 mai 2007 avec une séance "religion et émotion" co-animée par Laurent Amiotte-Suchet et Yannick Fer.
Commentaires
Bayrou et sarkozy sont foncièrement antilaïcs
arguments http://poly-tics.over-blog.com/
les religions les croyances relèvent de sphère privé
cordialement
Merci pour toujours nous tenir au courant de vos travaux et pour vos pistes de réflexion (je pense à l'excellent John Milbank)