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Pour la séparation (souple) entre Culture et Etat

772533361.jpg.2.jpgLes milieux culturels sont en émoi: voilà qu’on baisse de 6% en moyenne les dotations publiques, suscitant l’interrogation d’Ariane Mnouchkine, qui demande, dans Le Monde, que les citoyens s’expriment.

"Est-ce que la culture est un luxe?"

Réponse à Ariane Mnouchkine: non, la culture n’est pas un luxe.

Mais l’amour n’est pas un luxe non plus. Comme la culture, c’est un besoin fondamental.

Existe-t-il un Ministère de l’amour? Non, car la politique n’a pas à préempter l’amour.

Je répondrais la même chose pour la culture.

1938041652.jpg Il est temps de réformer en profondeur la politique culturelle, de réduire les perfusions financières artificielles, et de rapprocher la création des attentes du public.

La culture, c’est la société française toute entière qui la fait, c’est à elle qu’il revient de la rémunérer, ou non, suivant le succès rencontré.

J’approuve donc la réduction des crédits du Ministère de la culture,et j’approuverais aussi la suppression d’un Ministère dédié à la culture, car la culture est d’abord et avant tout l’affaire (et la production) de la société.


929593084.JpgCela ne signifie pas qu’il faille supprimer tout financement public à la culture, loin s’en faut.

Le mécénat d’Etat, dans la grande tradition française, est indispensable.

Les artistes ont par ailleurs besoin d’un statut qui les protège dans leur activité, par essence fragile, volatile.

Enfin, favoriser l’accès pour tous à la culture, fidélité au meilleur de notre héritage républicain, doit demeurer prioritaire, voire même être amélioré (MJC, musées, etc.).

Il ne faut pas tout casser!

Mais réduire le lien Etat-culture au profit d’un renforcement du lien entre société et culture fera, à terme, du bien à tous, au-delà de la crise d’adaptation actuelle. Trois maux pourront être réduits:

 

Trois maux à réduire

195717742.jpg-l’hypocrisie d’une frange bruyante des élites culturelles.

Ces dernières ont parfois la fâcheuse tendance à mordre la main qui les nourrit (l’Etat, surtout s’il est de droite). Mordre une main ennemie, soit.

Mais la main qui vous nourrit! Ou vous refusez la nourriture qui vient de cette main, ou vous ne la mordez pas... Cette hypocrisie culottée n’est pas à l’honneur des créateurs, dont le premier mot d’ordre devrait être au contraire de décaper les hypocrisies, dont la leur.



2085861655.jpg-le snobisme d’une part significative des milieux culturels.

La culture populaire est trop souvent méprisée dans notre pays. Dès qu’un grand spectacle populaire rallie les foules, les voix s’élèvent pour dénoncer.

Je viens de voir hier soir, sur une chaîne satellite, Odette Toulemonde, d’Eric-Emmanuel Schmitt, avec Catherine Frot et Albert Dupontel.

Ce film magnifique, que je vous recommande, a rencontré un beau public (près d’un million d’entrées).

Comme cette satire tendre et juste brocarde précisément le snobisme de certains critiques littéraires, elle a été descendue en flamme par la critique parisienne!

Et on pourrait multiplier les exemples (Amélie Poulain qualifié de film pétainiste dans Libération, Marion Cotillard qui «n’a rien de la Môme, tout d’une momie» dans Les Inrockuptibles, etc etc…).

Rendre la culture française moins dépendante de la perfusion d’argent public, et plus dépendante du goût du public, réduira mécaniquement, en quelques années, la part de marché des snobs professionnels... sans les faire disparaître (mais après tout, on en a besoin aussi à petite dose).

 

174402532.jpg -le conformisme creux d’une culture qui se préoccupe davantage des tendances élitistes d’un milieu fermé, perfusé de subventions, que des attentes du public, suscitant la très juste colère d’un Régis Debray, consterné par ce qu’il a vu au Festival d’Avignon 2005 (voir son merveilleux Sur le pont d’Avignon).

La culture est faite pour être subversive, à l’image des milieux alternatifs de la musique pop britannique, l’une des meilleures du monde (non subventionnée). Trop encadrée par un Ministère, la culture risque forcément de perdre cette capacité de subversion.

Je sais que ces propos, fort peu consensuels, vont choquer 80% des internautes qui me lisent.

J’entends déjà les accusations de néolibéralisme, de populisme, d’esprit anti-républicain, etc…

Mais j’ai choisi d’être honnête et de contribuer au débat, répondant ainsi au vœu d’Ariane Mnouchkine, pour nourrir un questionnement déjà posé lors des élections présidentielles, et pas seulement par Nicolas Sarkozy.

 

En précisant que si l’absence de politique culturelle est indigne d’une bonne République, l’excès de financement culturel sape la République en infantilisant le peuple aussi sûrement que le ferait un Ministère de l’amour...ou un Ministère de l’identité nationale (très mauvaise idée sarkozyenne).


L’amour, la culture et l’identité nationale, c’est d’abord aux Français de le vivre et de l’alimenter.



2010101277.jpgAlors, après 1905 et la séparation des Eglises et de l’Etat, vive la séparation à venir entre la culture et l’Etat!


A condition tout de même que la disparition du Ministère de la Culture ne signifie pas la disparition de toute politique culturelle, en fonction des trois axes mentionnés ci-dessus (mécénat d’Etat bien ciblé, statut amménagé pour l’artiste, politique d’accès à la culture). Se limiter à supprimer pour faire des économies n'est pas la solution!


Mais loin de saper la République, une séparation bien pensée sera un sésame vers une République plus mature, qui n’interfère plus directement dans les choix culturels des citoyens.

Notre devise républicaine s'y retrouvera très bien, sur la base d’une plus grande liberté (moins de tutelle), d’une plus juste égalité (abolition des privilèges à la subvention) et d’une meilleure fraternité (une culture populaire mieux valorisée, un élitisme snob moins arrogant).

Commentaires

  • Mon ordinateur ne me permet pas, provisoirement, d'écouter les fichiers audio, mais je réagis à ce résumé inscrit sur la page internet du "Monde" :

    « la prochaine étape sera de permettre aux citoyens français d'exprimer leur vision de la culture et leurs attentes par rapport aux artistes. »

    C'est typique de la démagogie dénoncée avec brio par Alain Finkielkraut. Je crois que le peuple n'est pas la meilleure personne à laquelle s'adresser en matière de culture. Parfois les artistes demeurent inconnus et incompris durant leur vie entière. Si l'on demande au peuple de s'exprimer, je crains que la réponse ne soit Jean-Marie Bigard et que ce même peuple ne se trouve fort aise d'avoir vu ce dernier quasiment béni par le pape avec qui l'on sait au Latran.

  • Le "peuple" est parfaitement capable de prébiciter une belle pièce de Racine, Brassens ou Amélie Poulain.
    Quant à Bigard il a sa place aussi, tout comme Coluche ou Diam's.
    En revanche, les "hémorroïdes de Schmock" portées au pinacle par le théâtre subventionné d'Avignon (dixit Debray), le "peuple" n'apprécie pas, effectivement.

    Faut-il pour cela brandir l'épouvantail de la démagogie, du populisme, de la régression? Je ne crois pas.

    Dernier mot sur les artistes inconnus et incompris de leur vivant: s'il faut choisir entre deux maux, il vaut mieux un Van Gogh incompris de son vivant que 1000 subventionnés dont il ne restera, après leur mort, rien de rien.
    Mais le pari est plutôt celui-ci: que les Van Gogh contemporains (il y en a!) soient aujourd'hui reconnus, non par l'Etat (ce qui aurait d'ailleurs largement stérilisé le talent de Van Gogh et empêché la création de nombre de ses toiles les plus subversives), mais par le public.
    Ce n'est pas utopique, les gens ne sont pas tous des crétins. Là où l'Etat peut contribuer, c'est plutôt en amont, en améliorant l'éducation à l'esprit critique des citoyens. Ce qui est le rôle du Ministère de l'éducation nationale. Pas besoin de Ministère de la culture pour cela.

    Je termine en soulignant qu'on n'est pas dans le "tout ou rien". Pas question de supprimer toute action incitative de l'Etat en matière culturelle. Ce qui est en cause est ici l'interférence abusive dans un domaine qui, comme l'amour ou la foi, gagne à échapper aux tutelles.

  • Bravo Monsieur FATH,

    Finissons en avec la Culture....Etat vache à lait...
    quoique le lait aussi...

    Et de la part d'un enseignant s'il vous plait !!!

    Pourquoi pas une évaluation des politiques/subventions culturelles... (mauvaise idée hein,
    coûteuse qui démontrera qu'il faut + pour faire -)...

    Et mon PSG alors ?

    Courage.

  • Heureusement que toute culture n'est pas subventionnée. Effectivement, certains artistes, "rentiers de l'état", ne produisent rien de bien culturel en fait. Ils ne parlent qu'à eux-même (et encore !) et empêchent d'autres d'avoir les soutiens et l'exposition qu'ils mériteraient.

    Alors, tout arrêter, non, mais donner un coup de pied dans la fourmilière, oui ! Ca fera ressortir ceux qui font oeuvre utile, et les autres, qui auront été incapables de se distinguer ... c'est que peut-être, de culturel, il manquait à leur travail l'essentiel.

    Et le succès de nos fiers ch'tis (suis-je objectif en tant que cousin picard bordant la frontière ?) montre qu'un oeuvre personnelle peut aussi toucher les foules ... Je vais me faire lyncher, ce n'est pas la culture des élites ? Et bien, tout homme n'a-t-il pas des besoins basiques, essentiels aussi ?

    En tout cas, cher Sébastien, bravo pour ce travail. Quel blog !

    De la part d'un albertin qui, il y a 10 ans ...

  • Bien vu.

  • mais de quels excés parlez-vous lorsque les subsides de l'état diminuent?et de quel choix parlez vous lorsque en matiére musciale les majors du disque ont les moyens de bombarder sans relache via les radios la musique de leurs artistes alors que les indépendants ont du mal à percer?Ce n'estp as un choix des citoyens dont il serait question, ce serait un choix fait par les grosses compagnies sur ce que vont écouter les gens!

  • Réponse à Romain Blachier
    Les majors bombardent, c'est vrai. Mais il existe une telle variété de supports et de vecteurs (internet notamment) que les indépendants ne s'en sortent pas si mal. Le numérique a divisé par 50 le coût d'un album. Et quand les indépendants attirent l'attention (Arctic Monkeys par exemple), ils trouvent vite des relais pour les diffuser! Par ailleurs, quand les majors bombardent un produit nul, cela ne marche pas si bien que cela. N'oublions pas pour finir qu'on n'est jamais produit d'emblée par un "major". Il faut faire ses preuves. Et de la même manière que des Eglises séparées de l'Etat sont davantage à égalité, des artistes séparés de l'Etat (sans artistocratie subventionnée contre non-subventionnés) sont davantage à égalité aussi. Que le plus talentueux décroche un contrat! Rien de scandaleux à cela. L'abolition des privilèges est un principe républicain.

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