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Obama élu: prénom Barack

images.jpegBarack Obama a parfois laissé entendre que son prénom exotique ne constituait pas un avantage électoral.

Pourtant, le futur 44e président des Etats-Unis, élu triomphalement la nuit dernière, porte bien son nom, qui signifie «béni». Car les électeurs religieux, qui auraient pu être sa malédiction, l’ont beaucoup moins maltraité que ce qu’on aurait pu attendre.

Au début de sa longue marche pour l’investiture, Barack Obama cumulait tous les handicaps vis-à-vis de l’électorat religieux (principalement chrétien).

 

images.jpegLourd handicap auprès des religious voters

-Il était d’une origine ethnique et culturelle à des années lumières du Mid-West et du Sud conservateurs, cette fameuse Bible Belt abonnée au vote républicain depuis Reagan;
Il passait pour très «libéral» (c’est-à-dire de gauche) et pro-avortement;
Il avait un passé religieux compliqué, marqué par une proximité éphémère avec l’islam, et une christianisation sur le tard;

Comparé à John Kerry, blanc et catholique de toujours, ou Hillary Clinton, blanche et méthodiste de toujours, Obama le nouveau chrétien faisait piètre figure auprès des religious voters.

 

images-1.jpegTour de force


Et pourtant! En un an et demi d’efforts, Barack Obama a réussi le tour de force, non seulement de faire aussi bien que Kerry, mais même de le surpasser de cinq points auprès de l’électorat a priori le plus rétif, à savoir l’électorat évangélique blanc.
Cela ne fait pas de tous les évangéliques blancs des démocrates progressistes, loin s’en faut: près des ¾ demeurent peu ou prou des républicains, et cela n’est probablement pas près de changer!

Mais cette hausse de cinq points auprès des évangéliques blancs entre les élections de 2004 et les élections de 2008 n’en est pas moins très spectaculaire.
Les enquêtes de sortie des urnes sont formelles: Obama a solidifié un bon quart de l’électorat white Evangelical, ce qu’aucun commentateur n’aurait imaginé il y a un an et demi.

Lui, le noir né non-chrétien, a fait beaucoup mieux que Kerry le catholique blanc, remportant même la très pieuse Caroline du Nord, fleuron de la Bible Belt qui n’avait plus voté en majorité démocrate depuis 32 ans!!!

images-8.jpegQuant aux catholiques blancs, c’est d'assez peu qu’ils ont préféré McCain à Obama (cinq points d'écart)... tandis que les latinos catholiques, eux, ont massivement plébiscité le candidat démocrate (bien aidé par son colistier catholique Joe Biden, ci-contre), sans atteindre toutefois la quasi unanimité pro-Obama du vote religieux afro-américain.

Toutes ces données sont consultables sur le site du Pew Forum.

Mais revenons à ces durs à cuire républicains, ces évangéliques blancs devenus, depuis les années 1970, si imperméables à la rhétorique démocrate: comment ont-ils pu se rapprocher d’Obama au point qu’un peu plus d’un white Evangelical sur quatre vote pour lui?

 

images-7.jpegPourquoi ces progrès sur le vote religieux?


Soulignons tout de suite que ce rapprochement ne peut pas être imputé à la crise financière, et ceci pour deux raisons:
-les sondages d’avant la crise indiquaient déjà nettement, depuis des mois, ce progrès d’Obama auprès des religious voters et des évangéliques en particulier;
-par ailleurs, ces votants, parfois appelés value voters, ont pour particularité de placer comme premier critère de vote, non pas l’économie, mais leurs convictions religieuses;

Sans être significativement aidé, auprès de cet électorat-là, par la crise financière, Barack Obama a donc réussi une percée tout à fait remarquable, et réduit le God Gap qui handicapait tant les démocrates depuis de nombreuses années face aux républicains (avantage électoral acquis aux républicains auprès des électeurs chrétiens pratiquants).

Comment s’y est-il pris ? Quatre paramètres importants sont à rappeler.



images-2.jpeg1/ Un converti.
Le premier paramètre est le type d’identité chrétienne d’Obama. Ce n’est pas une identité chrétienne par tradition, mais par conversion.

Obama est un nouveau chrétien, il a accepté de suivre Jésus-Christ, reconnu comme Sauveur personnel, il exprime avec aisance sa piété personnelle. Il manie très bien la rhétorique des born-again, créant un courant de sympathie avec beaucoup d’entre-eux en dépit de leurs différences politiques.


images-3.jpeg2/ Un habitué des megachurches.
Le second paramètre est le type de milieu chrétien fréquenté par Obama. Barack Obama, comme nombre d’enfants de soixante-huitards, a découvert la foi dans une megachurch afro-américaine de Chicago, conduite par le controversé Jeremiah Wright.

C’est un homme qui connaît parfaitement la culture scénique et militante de ces hubs religieux en réseau, et qui sait combien il est précieux de s’y investir si l’on veut obtenir un écho.



images-4.jpeg3/ Un family man.
Le troisième paramètre est le type d’homme qu’est Obama. Les évangéliques, et les religious voters en général, accordent toujours une place de choix à l’individu. Est-il conséquent avec ses propos? A-t-il une conduite morale?

Obama, family man reconnu, même par son rival McCain, donne une image de bon père de famille, fidèle à son épouse Michelle et attentif à ses enfants: un bon point face à McCain au passé de divorcé volage.



images-5.jpeg4/ Un fervent avocat du rôle social des Églises.
Dernier paramètre d’importance: Barack Obama a l’expérience de l’action communautaire locale, appuyée sur les Églises, et il en connaît la valeur.

Très tôt dans la campagne, il a affirmé ne pas vouloir remettre en cause l’encouragement apporté par l’administration Bush au travail social et caritatif des Églises (Faith Based Initiatives). Il a même souhaité renforcer cet appui, montrant tout l’intérêt sincère qu’il porte à la contribution des Églises à la vie sociale.

Traditionnellement très actives en société, les Églises évangéliques ont été rassurées par cette valorisation de leur apport social, et ont du coup un peu baissé la garde... pour une partie d'entre-elles au moins.

images-6.jpegAjoutons enfin que barack Obama n’a à aucun moment négligé le terrain des électeurs religieux, évitant le mépris facile, multipliant au contraire les rencontres, les interviews et les mains tendues. On n'a pas assez, vu de France, souligné le rôle joué par ces "house parties" oganisées par l'équipe d'Obama: près d'un millier de réunions à l'invitation de leaders religieux pour débattre, invités par une famille, des idées défendues par Obama.

Résultat : malgré un handicap de départ important, Barack Obama a mieux réussi que ses prédécesseurs démocrates Gore et Kerry à rassembler le vote religieux, une des clefs de l’élection 2008. Sans doute a-t-il particulièrement bien joué le coup dans la Rust Belt (Indiana, Ohio, Pennsylvanie, Michigan), mais la progression sur les religious voters se mesure partout.

Il a réussi à éviter le costume tout fait de "cauchemar des évangéliques" que certains extrémistes auraient voulu lui faire porter.

 

Décidément, le prénom Barack ne lui va pas si mal. Le God Vote ne l'a pas coulé, au grand déplaisir de la vieille droite chrétienne.

Commentaires

  • Merci pour cet éclairage sur Obama. Une analyse de la défaite de Mc Cain serait aussi sans doute très instructive. Peux-t-on dire que la victoire d'Obama signe la fin d'un cycle d'influence des chrétiens conservateurs en politique (commencé depuis Reagan?)

  • Merci, Sébastien, pour ces éclairages qu'on ne trouve pas ailleurs. Moi, j'ai été très ému en repensant au discours de MLK en 1963: il n'aura pas lutté en vain, il ne sera pas mort pour rien! Quoi qu'il arrive désormais, le rêve est devenu réalité. Souhaitons que ça dure, càd: que Obama ne soit pas assassiné, et qu'il soit avisé et inspiré dans la tâche surhumaine qui l'attend. J'ajoute ceci: j'espère qu'on demandera des comptes à Bush et à ses complices, à la fois pour banqueroute organisée, détention sans jugement de prisonniers à Guantanamo, apologie officielle de la torture, etc. Quand je pense que je me suis heurté pendant des années à des coreligionnaires qui voyaient en Bush un chrétien! Ont-ils lu ce que Jésus dit de l'arbre et des fruits, dans le Sermon sur la Montagne?...

  • Réponse à JR et Philippe

    Oui, il faut également faire le bilan (assez catastrophique) de l'héritage Bush Jr, et sonder les causes de la défaite de McCain... J'y ferai allusion prochainement dans ce blog, en revenant sur l'enjeu du néomessianisme.

  • Merci pour cette analyse très interessante.
    Ne croyez-vous pas que cela montre une fois de plus qu'il faut se méfier des idées reçues concernant une droite chrétienne très conservatrice?
    La façon de voir cette droite chrétienne comme une force monolithe enraciné dans des idées courtes et incapable d'évoluer, fait plus que la stigmatiser : la caricaturer et lui donner une identité au fond qu'elle n'a pas.
    Par ce revirement, il est à mon avis montré plus que jamais que le monde évangélique ou fondamentaliste est basé sur la notion de dynamisme et non pas sur la notion de tradition qu'on lui alloue bien facilement. Cela montre également que la perception du monde évangélique est soumise à une mentalité catholique qui s'exprime en fonction des critères de radicalité et monolithisme. Le monde évangélique est pluralité et diversité, même et surtout au USA. Malgré les images chocs (et bien choisies pour illustrer cette mentalité catholique) que nous assènent les média, le monde évangélique américain est loin d'être connu et surtout comprus. Ce catholicocentrisme est l'apanage de nos journalistes comme de nos sociologues et ce, bien malgré eux... quoique....

  • Merci Sébastien Fath pour ce propos éclairé! Intéressant de voir avec quelle maestria Obama s'est acquitté de l'exercice qui consiste à démontrer aux évangéliques qu'on partage leurs codes au nom d'un plus petit commun dénominateur. Sa profession de foi ne néglige rien des figures obligées kérygmatiques. Il tient de ce côté là à montrer patte blanche et foin du loup! Comme vous le soulignez dans "Dieu XXL" les politiques US se sont soumis à l'examen des leaders en vogue type Rick Waren et s'acclimatant bien à leur tendance à séculariser l'attente eschatologique. Celà dit on le comprend puisque le" vote value" des années Bush pouvait laisser croire à l'importance d'un hypothétique "God gap" à combler. Au final il n'en était rien quand au fond, ce qui explique en partie la percée d'Obama dans ces franges; sauf à conclure à la naïveté de ces évangéliques là. Le brouillage à bien fonctionné si l'on tient compte de la lente assimilation des théologies postmilénaristes. Peut-être est-ce la réponse de César revanchard au Dieu US :)

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