Le pasteur réformé français Serge Oberkampf de Dabrun s'est éteint le dimanche 11 avril 2010 à l’hôpital Européen Georges Pompidou à Paris. Il était âgé de 61 ans, marié à Anne, et père de cinq enfants.
Le bulletin de l'Eglise réformée de Saint-Germain en Laye pour mars-avril 2010 annonçait qu'il présiderait le culte pour les dimanches 18 et 25 avril 2010 : c'est dire si sa disparition subite a pris tout le monde de court.
C'est aux Etats-Unis que Serge Oberkampf de Dabrun a vu le jour en 1948, dans la ville de New-York.
Après avoir effectué des études de Sciences politiques et de théologie à Paris et Montpellier, il a exercé le ministère pastoral à Saint-Etienne (Loire), puis au Havre (Seine-Maritime). Il a été ensuite secrétaire général de la Société biblique française entre 1991 et 1997. Entre 1998 et 2008, il marqué la paroisse réformée du Luxembourg à Paris de son pastorat innovant et énergique, avant de poursuivre son ministère à l'ERF de Saint-Germain en Laye.
Serge et Anne Oberkampf
C'est une figure importante du protestantisme français actuel qui s'en est allée. Au-delà du protestantisme, c'est un acteur de l'histoire du christianisme contemporain dans l'hexagone qui tire sa révérence.
A ce titre, l'historien rappellera qu'au fil de son ministère, Serge Oberkampf a marqué l'identité réformée française par un charisme enseignant plein de faconde, de substance et d'audace. Il était devenu une personnalité incontournable du protestantisme parisien, au travers d'un ministère pastoral exercé durant près de 11 ans dans la prestigieuse paroisse du Luxembourg, devenue en 2006 la paroisse de Pentemont-Luxembourg.
Engagements oecuméniques (évangéliques / catholiques)
Au-delà, il s'est signalé également par un engagement oecuménique multi-facettes sous le sceau de l'annonce évangélique.
D'abord en direction de la diversité protestante : de sensibilité évangélique, il fit longtemps le lien entre milieu réformé et monde évangélique, notamment au travers de son implication dans l'Alliance Evangélique de France (AEF).
-Ensuite en direction des catholiques et des orthodoxes: ami de Monseigneur Rey, évêque de Fréjus, il avait signé avec lui un livre d'entretien roboratif intitulé L'insolence de l'Évangile, Allez et annoncez! (S.Oberkampf, Mgr D. Rey, interrogés par Jacques Bonnadier, Marseille, éditions Onésime, 2007). Il y soulignait notamment son souci de contribuer, par le "ministère de la Parole", à un engagement accru des fidèles, déjouant la passivité de l'habitude.
Extrait:
"Le sens de notre combat aujourd'hui, c'est de faire passer les chrétiens de l'état de consommateurs -ils sont dans une société chrétienne, ils vont au culte ou à la messe, ils écoutent béatement le prêche- à celui d'acteurs, de preneurs de parole et c'est là un changement radical" (S. Oberkampf, p.148)
Retour à la visibilité du témoignage
Quand viendra le temps du recul et du bilan socio-historique, on retiendra aussi de Serge Oberkampf qu'il a été de ceux qui ont anticipé, quelques années avant que cela ne redevienne (en partie) à la mode, le "retour à la visibilité" protestante réformée, au travers d'une annonce explicite et prophétique du message chrétien, quitte à bousculer ou déranger certains.
Il plaidait, selon le titre de son recueil de publications publié en 2006, pour l'Évangile au risque de la parole (Marseille, ed. Onésime, 2006).
Pour ma part, j'ai croisé plus d'une fois le sillage de cet homme dont on n'oubliait ni la stature, ni la voix et l'humour, ni les propos.
Si mes souvenirs sont bons, ma première rencontre avec lui date du 13 avril 2002, à l'occasion d'une conférence qu'on m'avait demandé de donner à Paris, en tant qu'historien, lors de l'assemblée générale de l'Alliance Evangélique de France. Plus récemment, il m'avait également invité à intervenir dans le cadre d'une table-ronde à l'église de Pentemont, le 26 mai 2006, puis, le 13 octobre 2007 (école alsacienne à Paris), à l'occasion des 150 ans de la paroisse réformée du Luxembourg.
A chacune de nos rencontres, j'avais pu apprécier son sens du débat, sa hauteur de vue et son hospitalité chaleureuse.
Art de la passerelle et rupture du prophète
N'hésitant pas à déplaire, quitte à oser le contre-courant, y compris par rapport aux collègues, Serge Oberkampf de Dabrun était pourtant très rarement déplaisant. Bien au contraire, nombreux sont celles et ceux (qu'ils soient d'accord ou non avec lui) qui saluent ses grandes qualités humaines, sa chaleur et sa générosité. C'est notamment le cas du président de la Fédération Protestante de France, le pasteur Claude Baty, qui regrette, dans un communiqué du 13 avril 2010, d'avoir perdu là un "ami".
Dans l'hebdomadaire Réforme du 15 avril 2010, Antoine Nouis et Jean-Luc Mouton se réclament aussi de cette amitié tissée avec un "homme libre" ("A Dieu Serge!", p.3).
Mélange complexe d'assurance et de prestance très HSP (Haute Société Protestante) et d'un esprit d'indépendance que n'aurait pas renié le "petit peuple évangélique", il réalisait cette synthèse très inhabituelle (car c'est souvent l'un ou l'autre) entre art de la passerelle et rupture du prophète.
Dans l'édito de mars-avril 2010 du bulletin de l'ERF de Saint-Germain en Laye, il écrivait ceci. Qu'on adhère au contenu ou pas, ce texte traduit l'espérance chrétienne qui le portait et, à ce titre, il contribue à comprendre le sens de son engagement:
"Ce que l’évangile affirme, c’est que Dieu en Jésus-Christ ne supprime pas la souffrance et la mort mais s’y tient à nos côtés, et qu’un jour viendra où la défaite du Mal apparaîtra au grand jour.
Dieu donne par grâce, au sein des vicissitudes que connaît toute l’humanité quelque chose de plus que l’existence : la vie éternelle. L’existence du chrétien, comme celle de tous les hommes est aléatoire. Certains périssent à vingt ans, d’autres à 60, d’autres à 90. (...) Le résultat est qu’on ne peut rien fonder sur nos existences sauf l’urgence de trouver la Vie"
(Serge Oberkampf de Dabrun, mars-avril 2010, bulletin de l'ERF de Saint-Germain-en-Laye, p.1 et 2).
Commentaires
Très bel article! Et très juste. Merci de ce bel hommage. EC
Un grand MERCI pour cet hommage qui, mieux que beaucoup, présente avec justesse ce qui faisait le coeur profond de ce pasteur attachant et dérangeant, chaleureux et libre. Chaleureux parce qu'animé d'une flamme, libre parce qu'elle était du Saint-Esprit.
Puisse notre reconnaissance être aussi grande que le vide qu'il laisse ! Puisse notre fidélité à l'Evangile, dont il fut un fidèle "proclamateur" joyeux et déterminé, se revigorer au souvenir vivant de ce qu'il prêcha, de bouche, de plume et de vie.
Christ est ressuscité ! En vérité Il est ressuscité !
François METIN, Président du Conseil presbytéral de l'Eglise réformée de MEAUX
Merci pour ce bel hommage. Pour nous c'est le Serge "acteur et preneur de parole" dont nous nous souviendrons, ceci dans le cadre du scoutisme unioniste!
Nous pensons tout particulièrement à Anne et à ses filles: bon courage à chacune!