Dans l'histoire de la recherche, nous vivons probablement les dernières années d'un cycle, celui où l'on pouvait se permettre de publier d'énormes sommes érudites, en support papier.
Des pavés que personne ou presque ne pouvait acheter, hormis un petit cercle de bibliothèques et de spécialistes.
Aussi faut-il d'autant plus saluer le véritable exploit éditorial réalisé par les Presses Universitaires de France (PUF), qui viennent de publier un monumental Dictionnaire des faits religieux.
Déjà un collector, sans égal dans sa catégorie !
Ce monstre de papier concentre, au travers de ses 1340 pages en petits caractères, l'équivalent d'une vraie bibliothèque de sciences sociales des religions, impeccablement classée en "notices" copieuses, taillées comme des articles ou des chapitres.
Au-delà du courageux éditeur, à quoi doit-on cet ovni éditorial?
À une floppée de chercheurs spécialisés en sciences sociales des religions, dont un comité scientifique, et surtout à deux chercheuses, coordinatrices de l'ensemble, qui méritent d'être ici saluées.
D'abord, Danièle Hervieu-Léger
S'il ne fallait retenir qu'un nom sur les cinquante dernières années des sciences sociales des religions en France, j'ose écrire (d'autant plus librement que je n'appartiens pas à son laboratoire) que ce serait le sien.
Depuis Vers un nouveau christianisme, écrit avec Françoise Champion, ses ouvrages sont tous devenus des références par leur audacieuse rigueur, leur prodigieuse virtuosité analytique et leur sens -sans égal- de la synthèse.
Qu'on partage, ou non, toutes ses analyses, ses livres sont devenus des références inépuisables et fécondes pour toute la communauté scientifique francophone, mais aussi au-delà (notamment outre-Manche et outre-Atlantique où ils ont été traduits, et sont étudiés sur les bancs des universités).
Dès lors, que le nom de Danièle Hervieu-Léger apparaisse sur la couverture de ce monument scientifique édité par les PUF ne doit rien au hasard, et tout à son talent.
Ensuite, Régine Azria
Pour ma part, c'est uniquement avec cette dernière que j'ai eu directement affaire, notamment lors de la mise au point de mes contributions (j'ai en effet signé plusieurs "notices"-articles de ce dictionnaire), mais aussi lors de la relecture de contributions tierces (faites au titre de ma participation au comité scientifique).
Et je puis témoigner de l'énergie patiente, de la riche culture sociologique, doublées d'un sens très sûr de la diplomatie scientifique, dont Régine a fait preuve tout au long de cette aventure qui en aurait découragé - et épuisé - plus d'un. Dont moi-même (je n'aurais jamais été capable d'une telle tâche). Pas elle!
Qu'elle soit parvenue à superviser jusqu'à son terme, durant plusieurs années, un volume si démesuré (si vous l'avez en main et que vous le feuilletez vous comprendrez) force vraiment l'admiration.
Non contente d'être, depuis lontemps, une des meilleures spécialistes de la sociologie du judaïsme, Régine Azria a gagné là son bâton de maréchale (mais je ne suis pas sûr que cette métaphore lui plaise).
Danièle Hervieu-Léger et Régine Azria méritent nos hommages appuyés, auxquels il est juste d'associer aussi Anne Luciani, secrétaire de rédaction dont l'efficacité a beaucoup facilité l'avancement de l'oeuvre.
Au-delà des apports des un(e)s et des autres, c'est une véritable "image arrêtée" de la recherche que propose le Dictionnaire des faits religieux des PUF: un livre qui fera date, une somme de référence en support papier "comme on n'en fait (bientôt) plus".