«Souviens-toi de tout le chemin que l’Eternel ton Dieu t’a fait parcourir pendant ces quarante années dans le désert…» (Deutéronome 8, 2)
Non, je ne suis pas en train d'enfreindre mon devoir de réserve de chercheur au CNRS. Si je cite ce verset, c'est que ce texte de la Bible, livre au coeur de la piété protestante, "fait sens" pour des centaines de milliers de protestants français en cette année 2011.
Il est particulièrement mentionné sur le site internet du Musée du Désert, lieu de mémoire qui cristallise l'héritage huguenot français, entre ferveur, résistance et persécutions. Pour quelle raison?
L'explication est simple: elle tient dans le prestigieux centenaire du principal lieu de mémoire des protestants français, le Musée du Désert (1911-2011), à Mialet (Gard), adossé à l'Assemblée du Désert qui a pris son essor au même rythme que celui du Musée.
Rassemblant chaque année entre 15 et 20.000 personnes sous les châtaigners cévenols, cette Assemblée constitue l'une des trois plus importantes manifestations populaires protestantes en France, avec le rassemblement annuel évangélique tzigane et "Protestants en fête" (festivités prévues tous les quatre ans, dont la première édition fut organisée en 2009).
A l'occasion de ce centième rendez-vous, le pasteur Laurent Schlumberger, brillant président du conseil national de l'Eglise Réformée de France (ERF), prendra la parole le matin.
Il cédera ensuite la place, pour l'après-midi, à l'historien Patrick Cabanel, dont l'expertise fera merveille pour animer la réflexion sur le sens de ce "lieu de mémoire" qui participe, avec beaucoup d'autres, à l'identité plurielle de la France d'aujourd'hui.
Jalon fort de la mémoire nationale
Autant dire qu'on déborde largement, ici, du cadre d'une manifestation purement confessionnelle.
Qu'on soit protestant ou pas, l'Assemblée du Désert constitue un jalon fort de la mémoire nationale.
Celles et ceux qui veulent aller plus loin noteront avec intérêt le dossier consacré à l'événement commémoratif par l'hebdomadaire protestant français Réforme, avec notamment une réflexion de la théologienne (mâtinée d'historienne) d'Isabelle Graesslé, directrice du Musée International de la Réforme (MIR) Genève, sur le mélange de ferveur et de retenue de l'événement.
Quant aux origines lointaines qui expliquent la "charge mémorielle" de ce lieu et de ce rassemblement, nulle n'était plus qualifiée que l'historienne Marianne Carbonnier-Burkard pour en décrypter les contours, dans un entretien également publié par Réforme.
Commentaires
Bonsoir,
Dans une récente parution (N° 379 - Mars 2011) du bulletin trimestriel de liaison de l'association de l'Entente Evangélique des Églises Réformées Évangéliques Indépendantes (EREI / FPF), il est question en 1ère page de la commémoration de ce centenaire, effectivement. J'ai aussi appris à l'occasion de la lecture de ce bulletin en page 5 que le plus ancien temple chrétien protestant réformé de France avait été inauguré à Anduze (30) le 20 juin 1560, il y a donc tout juste un peu plus de quatre siècles et demi de cela !
Je m'étais rendu avec mon épouse de Nice à Mialet dans le Gard en 2007, principalement pour visiter ce superbe et émouvant Musée qui nous rappelle le devoir de mémoire inextinguible face aux tragédies de l'histoire de notre pays, dont un des événements majeurs, quoiqu'on puisse en penser, fut l’Édit de Fontainebleau promulgué par le roi Louis XIV en 1685 et qui révoquait l’Édit de Nantes (alors déclaré pourtant perpétuel !) de son aïeul le roi Henri IV, décrété presque un siècle auparavant... S'ensuivirent : Exode / exil massif, massacres de minorités cévenoles, dauphinoises, béarnaises, charentaises, poitevines, etc., révoltes, tortures, exactions militaires, etc.
J'avais lu il y a quelques années l'ouvrage de François Bayrou, remarquable à mon sens "Ils portaient l'écharpe blanche" sur l'itinéraire historique des réformés, rédigé sous la forme narrative d'un récit à la façon d'Alain Decaux ou d'André Castelot, de l'époque de la Réforme jusqu'à la Révolution Française. Et je reste depuis persuadé que tous ces événements sont fortement reliés par un rapport de cause à effet et qu'aujourd'hui encore notre pays reste marqué par ces choses, en témoigne l'histoire des droits de l'homme, de la laïcité, et de l'apprentissage de la coexistence pacifique dans l'espace républicain, ce qui représente quand même un défi de nos jours.
Comme pour la Shoah (et comme aussi pour es déportations et génocides de personnes pour raison raciale, religieuse ou politique), comme pour la traite des êtres humains opprimés comme esclaves, et tant d'autres drames de l'histoire, N'OUBLIONS JAMAIS.
"Souvenez-vous de vos Conducteurs, qui vous ont porté la parole de Dieu, et imitez leur foi, en considérant quelle a été l’issue de leur conversation." ÉPÎTRE AUX HÉBREUX 13 : 7 (Bible de Genève 1669, version révisée David Martin 1707).