En reprenant notre bref aperçu de quelques milieux de Gospel francophone, comment ne pas évoquer la République Démocratique du Congo?
Le Congo RDC compterait aujourd'hui jusqu'à 20 millions de protestants, dont 15 millions de protestants évangéliques. A vrai dire, personne ne le sait très précisément, tant l'absence de statistiques démographiques fiables pose problème.
Bien moins marqué par la France que son voisin le Congo Brazzaville, le Congo RDC, ancienne colonie belge, n'en constitue pas moins un géant francophone (grand comme presque 4 fois la France)....
Mais c'est un géant aux pieds d'argile: de larges pans de la population ne parlent pas le français (pourtant langue officielle), et de plus en plus nombreux sont les Congolais de RDC qui parlent... ou chantent en anglais.
Carte du Congo RDC vue par les implanteurs d'églises évangéliques (Missions Atlas Project)
Le lingala constitue par ailleurs au Congo RDC un très puissant ciment linguistique, dont l'aire d'influence déborde largement du Congo RDC, ce qui n'est pas sans conséquence sur les productions culturelles congolaises, très marquées par l'influence du lingala. C'est naturellement visible (et audible) dans le Gospel congolais: la quasi totalité des groupes congolais utilisent cette langue, combinée tantôt avec le français, tantôt avec l'anglais, tantôt avec une ou plusieurs autres langues tribales.
Makoma, un groupe qui dépote... en anglais
Dans la mesure où notre investigation se focalise sur le Gospel francophone, on écartera (à regrets) un grand groupe comme MAKOMA, qui constitue sans doute le groupe Pop/Gospel le plus populaire au Congo depuis 20 ans. Constitué à l'origine de 4 frères et 3 soeurs, il s'est formé en 1993 et produit une musique festive, provoquante et énergisante.
Installé en Hollande depuis 1997, il a connu un succès interrompu depuis son premier album, Nzambe Na Bomoyi (1999) jusqu'à son album "Evolution" (2011). Mais cette musique principalement religieuse (chrétienne) s'appuie sur le lingala et... l'anglais, en délaissant le français. On ne s'attardera donc pas sur les "perles" produites par ce groupe, qui n'hésite pas, dans ses clips, à jouer sur "l'inversion du stigmate" (Goffman) en montrant un passant noir réconforter un SDF blanc...
Pourquoi pas?
Capture d'écran d'un clip du groupe Makoma
Charles Monbaya, "père fondateur" du Gospel francophone congolais
A tout seigneur tout honneur, en matière de Gospel congolais francophone, c'est plutôt vers l'illustre Charles Monbaya qu'il faut se tourner. Excellent musicien, leader charismatique et chantre "classe" (exemplaire de la "sape" congolaise), protestant évangélique (de confession baptiste), c'est le "père" du Gospel congolais francophone. En l'espace de 33 ans de carrière, il est le principal artisan de l'amorce de structuration du "marché du Gospel" au Congo RDC, sur fond de crise politique et sociale.
En 1980, il a ainsi créé « Les Messagers », premier quartet de gospel au Congo (RDC). Deux ans plus tard, il était chargé (1982) du programme national de musique au secrétariat général de l'Eglise du Christ au Congo (ECC).
Cette Eglise du Christ était alors non pas une Eglise parmi d'autres, mais la seule Eglise protestante validée par le pouvoir (Maréchal Mobutu). Au total, il a réalisé pas moins de 18 albums... et 10 vidéos toujours visionnables sur Youtube.
Décédé à Kinshasa le 20 mai 2007, "frère Charles" était le président et fondateur de l’Association des musiciens chrétiens du Congo (Amc). Auteur d'une oeuvre riche et variée (incluant le presque légendaire album "Allô! Téléphone"), il s'est aussi préoccupé de l'assise économique et sociale de la création musicale qui lui tenait à coeur.
Pour cela, il a installé à Kinshasa un studio d’enregistrement (Asiwe), une maison de production du disque et une école de formation qui a servi de creuset à toute une génération de chantres et groupes Gospel, stimulant une mise en réseau dont on peut avoir une petite idée, confortablement installé devant son écran d'ordinateur, en consultant la chaîne CONGO GOSPEL sur Youtube.
La vidéo ci-dessous donne un aperçu du Gospel francophone congolais produit par ce grand pionnier qu'était Charles Monbaya. Mise en ligne seulement le 30 mai 2011 dans la version HD, elle a déjà été visionnée à 14.878 reprises à dater du 11 février 2012... sachant que des versions antérieures (sans Haute Définition) ont été beaucoup plus visionnées.
Charles Monbaya, une "valeur sûre" du Gospel francophone congolais, dans les deux Congos mais aussi dans la vaste diaspora congolaise transnationale qui, du Québec à Bruxelles en passant par Paris et... Le Caire, nourrit un territoire circulatoire aux accents français, anglais et lingala.
Charles Monbaya, "Il est digne"