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Eglises de Réveil à Kinshasa, un reportage dans le magazine XXI

Déjà évoqué ici, le magazine XXI est un ovni éditoImage0002.JPGrial francophone. Périodique décalé à textes (plus de 200 pages quand même!), il est arrivé à son numéro 17, au stade de 50.000 exemplaires vendus. Sans subvention ni mécène.

Refusant l'adage conformiste à la mode, selon lequel il faudrait "s'adapter pour disparaître" (cf. édito de Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry), XXI est une preuve vivante que l'audace, la qualité et la passion sont l'avenir de la pensée, et de la création éditoriale.

Le spécialiste de sciences sociales des religions aurait grand tort de snober un tel périodique. A noter en particulier dans ce numéro 17 (Hiver 2012) un très beau reportage BD sur "les enfants de Kinshasa", des pages 168 à 201, par le talentueux Hippolyte.

Une des particularités de cette création, qui rappelle un peu Corto Maltese (Hugo Pratt), c'est son sujet socio-religieux: croiser la question des enfants des rues, avec celle des Eglises de Réveil qui prolifèrent depuis 30 ans dans la capitale congolaise. Armée de Victoire, Ministère de la foi abondante, La Manne cachée... les succursales ne manquent pas, dans un contexte où devenir pasteur est parfois le meilleur moyen de gagner de l'argent.

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Planche extraite de "Les enfants de Kinshasa",

magnifique reportage BD (récit graphique) du dessinateur Hippolyte (p.197)

Les spécificités, les ambivalences et les dérives de ces Eglises sont excellemment montrées, notamment dans les dérapages autoritaires, le chantage affectif, et la relance des dynamiques anti-sorcellaires, dont les principales victimes sont parfois les enfants, accusés de tous les maux et jetés à la rue pour des raisons... ou le spirituel et le social s'entremêlent.

Mais c'est parfois aussi dans ces Eglises qu'un travail social redonne espoir, sur fond d'un Etat absent. Faut-il le rappeler? Tous ces nouveaux pasteurs ne sont pas des escrocs, et tous les fidèles ne sont pas des naïfs abusés. Ambivalence, quand tu nous tient...

Les pages 200 et 201 proposent (comme après chaque reportage) une reprise synthétique et didactique, avec suggestions bibliographiques. Excellent! On ne saurait mieux partager des connaissances en brisant l'écart entre divertissement et savoir académique.

 

Demart.jpgLire et relire Sarah Demart

On regrettera juste une présentation un peu caricaturale de l'histoire de ces Eglises, présentée comme des "groupements" qui "viennent des Etats-Unis" (p.200). L'influence états-unienne n'est certes pas négligeable. Mais elle n'est nullement dominante, contrairement à ce qui est écrit.

Un peu dommage de négliger les dynamiques congolo-congolaises, d'oublier l'ampleur des traditions prophétiques locales, et l'écart culturel considérable entre ces Eglises kinoises et leurs "soeurs" américaines.

Aussi rappelera-t-on que des chercheuses et chercheurs travaillent depuis plusieurs années sur ces Eglises (et leur histoire)-, à commencer par l'anthropologue Sarah Demart (déjà citée dans ce blog), dont les recherches apportent un éclairage essentiel sur les Eglises de Réveil, qu'elle a étudiées pendant des années.

 

"Le salaire de la peur" version zambienne évangélique

images.jpegPour finir, notons que ce numéro de XXI propose d'autres pistes à creuser pour ceux qui s'intéressent aux religions, notamment un reportage sur "la novice du New Jersey" (par Toni Greaves, p.74 à 93), et une plongée ébouriffante, grâce à l'excellente Sophie Bouillon (prix Albert Londres 2009), dans la poussière des pistes qui relient mines congolaises et Afrique du Sud, au travers du parcours d'une routière, jeune femme nommé Thandiwe.

Thandiwe pilote un 40 tonnes de 20 roues pendant 3500 kilomètres sur des routes impossibles, côtoyant les fantômes de Joseph Conrad,  des Amazones, et du "Salaire de la peur".

Thandiwe est une jeune femme zambienne d'1,52m et de 31 ans, très possiblement de confession évangélique (comme la majorité de ses compatriotes de Zambie, parfois présentée, dans les états-majors protestants, comme "le plus bel héritage de David Livingstone"), qui n'a pas froid aux yeux, et qui, tous les soirs, "ira lire la Bible sur sa couchette, seule, libre, à l'abri des regards" (p.117).

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