Dans les Caraïbes, près de 1 500 000 personnes utilisent quotidiennement le français. C'est en tout cas ce qu'annonce le Centre de la Francophonie des Amériques sur son site internet.
Rien d'étonnant si des chanteuses Gospel comme Maggie Blanchard (voir note postée hier) utilisent, aux quatre coins du monde, la langue française pour "louer le Seigneur".
Mais qui dit langue française ne dit pas musique franco-française. Les influences sont multiples, et dans le cas de l'impétueuse Jessica Dorsey, étoile montante du Gospel caribéen du XXIe siècle, celle de l'Amérique du Nord est particulièrement importante.
Ces interactions n'ont rien d'étonnant. L'espace culturel Caraïbe est en effet bien plus proche des Etats-Unis que de l'Europe. Il fait partie des Amériques! Et les hybridations, métissages, créolisations jouent dans les deux sens.
Un coup d'oeil dans l'Encyclopedia of American Gospel Music dirigée par W.K. Mc Neil (Routledge, 2005, voir ci-contre) nous indique par exemple, à la page 141, qu'un des premiers "tubes" du chanteur américain Kirk Franklin, intitulé "Speak to me, Lord Jesus", s'inspire directement de "rythmes et accents caribéens".
"La plus américaine des chanteuses francophones de Gospel"
A l'inverse, les Caraïbes sont également marquées par l'influence musicale nord-américaine et la talentueuse Jessica Dorsey en est sans doute le meilleur exemple. Ce n'est sans doute pas à tort que le site internet Enseignemoi.com souligne que son public la décrit comme "la plus américaine des chanteuses de Gospel francophone".
Née à Fort-de-France en 1982, cette Martiniquaise au charisme entraînant, d'une grande générosité scénique, n'a pas hésité à se réapproprier, dans la forme et le fond, l'inspiration Gospel nord-américaine, gagnant du même coup l'accès au marché musical américain.
La vidéo ci-dessous, qui met en scène le tube "Nul n'est comme toi", donne la mesure du professionnalisme et de l'enthousiasme exprimé par la chanteuse antillaise.
Clip "Nul n'est comme toi" (Jessica Dorsey)
Cette ouverture américaine, tout à fait revendiquée et assumée, ne signifie pas pour autant de rupture avec la francophonie. Bien au contraire.
Non contente de se produire sur de multiples scènes francophones, y compris en métropole au mois d'août 2012 (voir affiche ci-contre), Jessica Dorsey, enfant de Fort-de-France a par ailleurs réussi la performance de se classer deuxième au Top 100 de Gospel 1 Synergy aux Etats-Unis... sur une adaptation créole, intitulée «Ou sé lanmou», d'un "standard" Gospel anglophone de Cece Winans, "Well Allright".
Une manière d'affirmer résolument son ancrage dans une créolité francophone qui ne s'interdit rien, sur la base d'un message évangélique explicite: Dorsey n'entend pas, en effet, éluder le message chrétien, le "Gospel", qu'elle revendique haut et fort dans toutes ses chansons.
Commentaires
Pas mal celle-ci.
Toutes mes félicitations, M. Fath, pour cette excellente prestation!
Merci beaucoup. J'ai parfois de grands moments de solitude, quand j'écris en défricheur sur des terrains nouveaux. L'effort de cette série sur le Gospel francophone est de cet ordre, et votre écho m'invite à continuer.
Merci par ailleurs aussi pour les critiques, c'est très utile et j'aime beaucoup le piment: quand je vais manger à Subway Gare du Nord avant mon train du soir, j'en demande toujours double ration :-)
De rien :-) De savoir que ma prose est plus mieux qu'un subway gare du nord est une forme de réussite personnelle :-)
Oui, j'ai l'impression que le chant est un parent pauvre pour les églises évangéliques/protestantes. Certes chez les églises évangéliques on voit une assemblée très participante, mais, si on écoute le chanté, on se rend compte que les français ont du mal avec le tempo du gospel. Et que les paroles y sont souvent d'une affligeante bêtise, sous prétexte de rester simple.
L'église réformée a fait un formidable travail avec son récent recueil "Alléluia", mais il est purement et simplement ignoré des évangéliques (alors qu'il y a dedans d'extraordinaires chants issus de ce milieu) (Ah ! "Il est une foi ancienne", quelle merveille ! ), et il est considéré comme trop compliqué chez les réformés, car il n'a pas la même pagination que leur ancien "Arc en ciel", qu'ils utilisent depuis qu'ils sont tout petit, ce qui date pas mal on se doute.
Au moins chez les évangéliques on a déjà découvert qu'il n'y avait pas que l'orgue comme instrument de musique :-)
Qu'y faire ?...
Pour les réformés, je suis désespéré. Placer le moindre violon est chez eux un événement. Le pasteur doit fournir des explications à l'assemblée lorsqu'une telle chose se produit.
Chez les évangéliques, je pense qu'une exigence de rigueur et de culture dans leur pratique de ferveur arrangera bien les choses. C'est pour cela que vos chroniques ont de la valeur.
Et sur le chant il faut aller faire un tour dans les églises orthodoxes et arméniennes. Là on change de dimension, même si c'est souvent un peu difficile à l'écoute pour les oreilles européennes.
Cordialement.