Essai transformé! Le tandem Olivier Bobineau/Pascal Magnat, auteurs d'un remarquable tome 1 de "L'Empire, une Histoire politique du christianisme", a récidivé avec un non moins réussi tome 2, consacré cette fois-ci à la séquence catholique qui mène du XIIIe au XVIe siècle.
Toujours aux éditions Les Arènes BD, les auteurs nous proposent une plongée débordante de vie dans une histoire catholique chargée, entre mystique, théologie, contrôle social et rêve d'emprise hégémonique.
On appréciera notamment l'ambition didactique exceptionnelle (membre du GSRL, Olivier Bobineau est un chercheur de haut vol). Sans jamais plomber l'agrément visuel de la lecture, on trouvera ainsi moult références bibliographiques, notamment des Guerriers de Dieu de Denis Crouzet! On se régalera aussi de l'humour omniprésent, de la maestria narrative, de la richesse graphique et de l'harmonie texte/dessins.
En dépit du titre, imposé par l'éditeur, il s'agit d'une histoire politique du catholicisme, si bien qu'on pardonnera l'absence, néanmoins très surprenante, de la moindre évocation de la Réforme radicale (anabaptiste, illuministe), lorsque l'apparition du protestantisme est traitée. Cette branche de la Réforme constitue pourtant, par son accent sur l'association de convertis, loin du Prince, la contestation théorique la plus frontale, au XVIe siècle, du monisme défendu par l'Empire des papes (lien).
Il est vrai que le christianisme orthodoxe n'est pas non plus traité dans tous ses aspects. Le catholicisme papal reste l'objet essentiel de cette saga consacrée à la translation vers le catholicisme du mythe impérial romain des Césars. Et ce cap est tenu avec une grande rigueur académique, la réussite est magistrale.
L'option gentillement grivoise du dessin, un peu plus appuyée que dans le tome 1, ravira beaucoup d'adultes, tout comme l'art très maîtrisé de l'anachronisme humoristique (qui permet de faire "passer" une information plus facilement). Parfois sur le fil du rasoir, ces deux exercices ne feront certes pas l'unanimité, suivant les publics, mais ils "fonctionnent" et l'ensemble est globalement jubilatoire, servi par un ratio texte/dessin plus équilibré que dans le tome 1. C'est un outil de connaissance exceptionnel qui nous est ainsi proposé en 172 pages.
Ce chef d'oeuvre ajoute un fleuron à la veine, en plein essor, des grandes BDs historiques qui connaissent aujourd'hui un engouement mérité.