L'essor spectaculaire de la megachurch Vases d'Honneur, à Abidjan et dans le reste du pays (filiales) est un marqueur fort des recompositions en cours du christianisme ivoirien.
Conduite par le couple pastoral Mohammed et Liliane Sanogo, cette Eglise a organisé dernièrement un impressionnant culte d'hommage à une membre particulièrement apprécié de l'équipe pastorale, récemment décédée. Il s'agit de Marie-Chantal Kouamé, qualifiée de "générale de l'armée de Dieu".
Emaillé de témoignages d'affection, ce culte spécial, diffusé en vidéo en direct le 11 décembre 2021, comptait déjà plus de 12.000 vues trois semaines plus tard.
Cet hommage rendu à Marie-Chantal Kouamé par l'Eglise Vase d'Honneur et son pasteur principal, Mohammed Sanogo, signale trois éléments marquants du Réveil évangélique qui continue à redessiner la carte confessionnelle ivoirienne.
Il pointe d'abord le rôle croissant des ministères féminins. Décédée le 28 octobre 2021, Marie-Chantal Kouamé avait reçu en 2015 le grade de "pasteure confirmée" des Eglises Vase d'Honneur (qu'elle intègre en 2007), après plusieurs années de service pastoral, et un engagement précédent au sein des Eglises du Plein Evangile. Loin d'être isolé, ce profil illustre l'essor, d'année en année, de la part des ministères féminins dans les Eglises évangéliques postcoloniales de la francophonie africaine.
Cet hommage constitue par ailleurs un marqueur, parmi beaucoup d'autres, de ce "(néo)pentecôtisme d'excellence" (cf. Pamela Millet Mouity), qui s'appuie sur l'ethos weberien du travail comme vocation pour magnifier l'investissement personnel et collectif pour "le ministère". Nombre de syntagmes utilisés pour exemplariser Marie-Chantal Kouame se réfèrent au répertoire des "ascèses de la performance" (Eric Pezet).
Ce pentecôtisme d'excellence se transnationalise à partir de réseaux réticulaires où l'Afrique joue un rôle croissant, dont témoignent les "cellules d'honneur" (rattachées à l'Eglise ivoirienne Vase d'Honneur) créées en Virginie, au Maryland, à Washington DC et à San Diego, qui Marie-Chantal Kouame avait visitées en 2019.
Il illustre enfin l'ascension des mega-Eglises postcoloniales dans le paysage évangélique et pentecôtiste ouest-africain. Ces très grandes Eglises, dotées de plusieurs milliers de pratiquants hebdomadaires, se multiplient. Elles requièrent des équipes pastorales étoffées, département par département.
La pasteure Marie-Chantal Kouamé avait pour charge pastorale les couples, la préparation au mariage, mais était aussi "référente spirituelle", investie dans la direction du ministère du culte et des programmes spéciaux. Autant de sectorisations qui témoignent d'un haut degré de technicité organisationnelle et administrative, sans lequel aucune mega-Eglise ne peut se pérenniser.