Un chercheur spécialisé sur le judaïsme, Gary Tobin (ci-contre), président de l’Institute for Jewish and Community Research, a dernièrement conduit la première grande enquête quantitative sur les croyances religieuses et les attitudes des universitaires à l'égard de la religion.
Il a notamment évalué le degré d’hostilité des universitaires à l’égard des religions. Surprise: qui est premier au hit parade?
Je vous le donne en mille. Non ce ne sont pas les juifs, globalement très bien perçus. Ces derniers ne recueillent que 3% d’opinions défavorables. Regardez le tableau ci-dessous et vous verrez qui décroche la timbale.
Eh oui, ce sont bien les évangéliques. Gary Tobin lui-même ne s’y attendait pas. Ceux qui niaient que les évangéliques sont mal perçus à l’université, ou qu’ils se victimisent sans aucune raison, en sont pour leurs frais.
Une enquête fiable
Téléchargeable dans son intégralité, cette enquête est solide: conduite dans 712 collèges et universités, auprès de 1269 universitaires, c’est une photographie fiable, pas une «impression» vague.
Sur les centaines d’universitaires interrogés, pas moins de 53% déclarent avoir une vue défavorable des évangéliques, 20 points devant les mormons, et 31 points devant les musulmans… Cela rassurera ceux qui craignaient que les universités américaines soient, ou deviennent pro-évangéliques! Le problème, manifestement, n’est pas là.
Côté évangélique en revanche, on s’inquiète. Et s’il y avait une relation entre la forte impopularité académique de leurs milieux, et un sentiment de discrimination exprimé ici et là sur les campus?
Un exemple: les évangéliques considèrent, dans leur grande majorité, que l’homosexualité n’est pas un style de vie alternatif approuvé par la Bible. Mais une Université comme Georgia Tech a mis en place des régulations (speech codes) qui interdisent aux étudiants sur le campus de faire le moindre commentaire que l’on pourrait subjectivement considérer comme offensif à l’égard de l’homosexualité.
Les évangéliques américains répondent qu’il n’y a pas de code similaire interdisant de faire le moindre commentaire subjectivement offensif à l’égard des évangéliques… Discrimination?
Le débat, en tout cas, s’annonce nourri, car cette enquête jette pour la première fois une lumière crue sur la hiérarchie de l’impopularité religieuse parmi les cadres universitaires américains.
Pourquoi cette impopularité?
Une question qui vient à l’esprit est «pourquoi»?
Dans le Washington Post, Cary Nelson, président de l’American Association of University Professors (AAUP) souligne que cette enquête ne relèverait pas de préjugés religieux (religious bias), mais d’une «résistance politique et culturelle», sous-entendu légitime.
En somme, c’est parce que les universitaires se sentiraient menacés par la vision du monde alternative des évangéliques qu’ils développeraient ces réflexes anti-évangéliques. On touche sans doute, là, une bonne part de l’explication: il est parfaitement exact de pointer la force culturelle offensive des évangéliques aux Etats-Unis, et sa capacité de pression sur des questions comme la famille, la bioéthique ou l’évolution darwinienne.
On comprend bien qu’une telle pression puisse apparaître menaçante dans la sphère académique, où la liberté intellectuelle passe avant le dogme.
Mais il y aurait sans doute à creuser davantage, car on le sait, tous les tenants de préjugés affirment que leurs préjugés n’en sont pas, et qu’ils sont uniquement basés sur des éléments «politiques et culturels». Même les plus endurcis dans leurs préjugés, comme le Hamas (qui bat des records d'antisémitisme), tiennent ce type de discours justificatif!
Des conséquences discriminatoires?
Une autre question est de savoir si cette forte impopularité des évangéliques a des conséquences factuelles, c’est-à-dire un impact négatif sur les étudiants, notamment les évangéliques qui fréquentent l’université (ce qui est le cas de quelques millions d’entre-eux): après tout, ce n’est pas certain!
Pour en avoir le cœur net, Gary A.Tobin a entrepris, en cette nouvelle année académique qui s’ouvre, une enquête auprès de 3500 étudiants. Le but: voir s’il «n’y a pas de fumée sans feu», c’est-à-dire si les forts sentiments anti-évangéliques d’un universitaire sur deux ne se traduisent pas, sur le terrain, par certaines discriminations, sur la base de conceptions restrictives de la diversité qui incluent les vues ‘libérales’, mais exclueraient les vues évangéliques du débat.
Je vous donne rendez-vous dans un an pour la sortie de ces résultats.